Voici les quatrième de couverture de l'essai sur Jules Supervielle
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Peut-on parler d’une connaissance poétique ? Et, si c’est le cas, quelle est sa spécificité face aux sciences et aux autres savoirs ? A ces questions se prête tout particulièrement l’oeuvre poétique de Jules Supervielle, en ce qu’infatigablement elle se propose, « à travers le monde intérieur, d’aller à la connaissance poétique du monde qui nous entoure ».

La démarche cognitive de Supervielle est singulière : ce poète puise son inspiration dans le « soleil d’oubli » qui lui sert de mémoire et de conscience. Que s’agit-il d’oublier ? La trop étroite affirmation, les certitudes accumulées comme autant de leurres. Le flux de l’interrogation ne cesse de nourrir cette enquête métaphysique aux prises avec de vastes questions : l’appréhension de la mort, le rapport à l’univers, à autrui et au moi.

Curieuse connaissance, en effet, que celle qui incite le poète à désapprendre. En installant le lecteur dans le « désert du papier », vierge de toute clôture, à l’image des lieux immenses et vides qui hantent l’imaginaire de Supervielle.

Nous voici bien loin des lectures qui présentent ce poète comme un défenseur, quelque peu rétrograde, du discours ; bien loin des catégories et des nomenclatures, ces instruments dont s’arment toutes les théories. C’est un geste cognitif, et non une somme de connaissances, que l’on cherche à saisir. Un acte verbal, qui commence par reprocher au savoir d’exercer sur son objet une emprise, et, partant, une forme de violence.

Renoncer au savoir : n’est-ce pas là le premier pas, aussi inattendu que nécessaire, vers une connaissance différente de toutes celles dont nous sommes coutumiers ?

Poésie et connaissance : entre ces deux domaines, il est tentant de creuser un abîme. Surtout lorsqu’il s’agit de la poésie moderne, dont participe, malgré les apparences, l’oeuvre de Jules Supervielle.

Pourfendant certaines idées reçues, le tome I dressait en effet le portrait d’un infatigable poseur de questions, qui, rejetant la tentation du savoir, préférait s’en remettre aux frêles lumières de l’oubli et de l’ignorance. Son but ? Mettre au jour une obscure frontière : celle qui nous empêche de connaître vraiment.

Qu’on ne s’y trompe pas, cependant. En réalité, cette étrange occupation rendait possible l’émergence d’une autre connaissance, bien différente de toutes celles qu’on inclut dans le champ du savoir. Le poète se livre ici à une enquête encline au repentir, ignorant réponses et repos ; son investigation évite soigneusement de se figer en une représentation. Afin de ne pas trahir l’inépuisable vérité.

Aussi a-t-on voulu appréhender, au lieu d’un contenu saisissable, une connaissance en acte, fondée à la fois sur la perte et le respect de ce qu’elle cherche ; une lueur tremblante de bougie, qui éclaire surtout son propre tremblement, sa grande incertitude, en un univers que la mort frappe d’une précarité définitive. Mais aussi, dans le même mouvement, une réparation, une scintillante rédemption. C’est par ce geste paradoxal que le poète s’inscrit pleinement dans une modernité dont quelques-uns ont voulu l'écarter.

Supervielle, poète de la transparence ? Trompeuse légende ; sous ses dehors limpides, le miroir du poème pourrait bien dissimuler sa vraie nature : une fenêtre ouverte sur l’inconnaissable. 

Sabine Dewulf, née en 1966, à Cambrai, est agrégée de lettres modernes et docteur ès lettres. Elle est professeur dans l’enseignement secondaire et exerce dans le nord de la France.

 

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