HISTOIRE DE L’ASTRONOMIE
ENTRE
LE MYTHE ET LA SCIENCE
Les
Grecs sont un peuple vivant presque continuellement en état de guerre ;
ils ont tendance à être élitistes et barbares. C’est dans ce contexte
sanglant que s’exprime leur aspiration au beau, à la pureté esthétique, à
l’idéalisme, au règne de la raison. C’est sans doute pourquoi leur
mythologie présente à la fois une naissance de l’univers pleine de guerres
et de violence et un effort divin - celui de Zeus - pour instaurer un ordre
rationnel dans ce même univers.
Même si la mythologie est encore très présente à l’époque, les philosophes présocratiques sont les premiers à critiquer le polythéisme, à remettre en question les affirmations des mythes. En même temps, chacun d’eux présente une vision personnelle de l’univers, fondée sur sa propre réflexion.
1
- Origine et composition de l’univers
Hésiode
rapporte qu’au commencement est Chaos,
personnification du Vide absolu et primordial ; puis apparaîtra Gaïa
(ou Gaea), la Déesse-mère, le Principe universel d’où naissent toutes choses
et enfin Eros, la force du désir qui
porte les êtres à s’unir les uns aux autres. Trois forces sont donc à l’oeuvre.
Chaos
engendre tout seul un couple : le dieu Erébos
(c’est-à-dire les Ténèbres de l’enfer) et la déesse Nyx, la Nuit, dont les
enfants seront : Ether
(dieu de l’Atmosphère) et Héméra
(déesse du Jour). La Nuit engendre (toute seule aussi) une multitude d’êtres
étranges : le Destin, le Sommeil, les Songes, la Gaieté, les Plaintes,
les Hespérides, les Parques, Eris, la discorde, etc.
De
son côté, Gaïa enfante Ouranos, le
Ciel ; puis elle crée les hautes montagnes et la Mer. L’univers est
constitué. De son côté, Gaïa s’unit à la Mer et engendre elle aussi des
divinités. D’autres divinités ont des enfants. Le cortège des naissances
est très impressionnant !
Il
reste à peupler l’univers. Gaïa
s’unit à son fils Ouranos ; ils engendrent les douze
Titans, parmi lesquels le fleuve Oceanos, Cronos et Rhéa, la Mère des dieux.
Ils engendrent aussi des Cyclopes
et des monstres. Gaïa crée également
la race des hommes.
Mais Ouranos déteste ses enfants et les enferme dans
les profondeurs de la Terre. Alors, Gaïa
demande à ses enfants survivants de tuer
Ouranos ; c’est Cronos qui s’en charge. Le sang de la blessure d’Ouranos
féconde le sol et donne naissance aux Furies, aux Géants monstrueux et à des
nymphes. Quant aux débris d’Ouranos flottant à la surface de la mer, ils
produisent une écume blanche d’où naîtra la déesse Aphrodite.
Cronos monte alors sur le trône des dieux et engendre à
son tour d’autres dieux. Mais l’histoire se répète : Cronos, qui
craint d’être supprimé par l’un de ses enfants, dévore ceux-ci. Sa femme
et soeur Rhéa parvient à sauver son fils Zeus, puis quelques-uns de ses frères
et soeurs.
Zeus, à son tour, décide
de combattre Cronos. Il y parvient, monte sur le trône, épouse sa soeur Héra
mais il n’y aura plus d’infanticides. En revanche, il y aura de nombreuses
guerres sanglantes contre les enfants de Gaïa, les Titans, Géants et monstres
divers… Mais c’est un dieu
original, plus humain que les dieux habituels :
il symbolise en quelque sorte l’intelligence, la raison humaine, ainsi que le
dynamisme fertilisant de l’atmosphère, face au gigantisme chaotique,
impersonnel et impassible de la Nature. De plus, contrairement aux héros d’autres mythologies, Zeus ne crée
pas la race humaine à partir de la chair de monstres vaincus, mais simplement
en s’adonnant aux plaisirs de l’amour, avec toutes les femmes possibles et
imaginables.
Ce
mythe primitif et populaire connaîtra une variante beaucoup plus philosophique
et métaphysique ;
les Grecs se réclament alors des récits d’Orphée,
poète légendaire : Au commencement est Chronos,
le Temps. Il engendre le Chaos (l’Infini) et l’Ether (le fini). Le Chaos
est enveloppé de la Nuit. C’est sous l’action de l’Ether que s’organise
lentement la matière cosmique. Celle-ci prend finalement la forme d’un oeuf,
dont la Nuit constitue la coquille. A l’intérieur de cet oeuf gigantesque,
dont la partie supérieure forme le ciel et la partie inférieure, la terre, naît
le premier être, Phanès, la Lumière. S’unissant à la Nuit, il crée le
Ciel et la Terre. Il engendre également Zeus.
Le mythe primitif , lui,
installe les dieux sur une montagne cosmique : le mont Olympe. Zeus,
dieu du Ciel et de la Foudre,
est le roi des dieux. Son épouse Héra est
à l’origine également déesse du Ciel et vierge céleste ; elle devient ensuite déesse du mariage
et de la maternité. Leurs querelles fréquentes peuvent traduire les
bruyants phénomènes atmosphériques (orages, tempêtes...)
Parmi
les divinités proprement cosmiques, on relève Poséidon,
frère de Zeus, et à l’origine dieu du
Ciel, du Tonnerre, de l’Humidité et de la Fécondité, puis de l’Océan ;
Héphaïstos, fils de Zeus, est le dieu du Feu terrestre. Il existe aussi de nombreuses divinités des vents (Eole),
des eaux, de la terre (outre Gaïa et Rhéa, il y a Cybèle et Démèter)...
Mentionnons
aussi le dieu Dionysos, fils de Zeus
et essentiel dans le mythe orphique : dieu du vin, de la végétation et des plaisirs ; dans le mythe
orphique, il est tué et ressuscité : il devient ainsi le symbole
de la vie universelle.
Perséphone, elle, est la fille de Démèter : elle
symbolise le printemps qui rejoint, durant les autres saisons, son époux Hadès,
dieu des Enfers. Enfin, Hermès,
autre fils de Zeus, est bien sûr le messager
des dieux, dieu lui-même des voyageurs, commerçants, voleurs... mais aussi
le dieu de la connaissance et de l’astronomie !
Les activités des divinités
célestes traduisent les différents phénomènes que les Grecs peuvent observer
dans le ciel :
Hélios est le dieu du Soleil :
chaque matin, il sort à l’orient d’un marais formé par le fleuve Océan. A
son char d’or, ouvrage d’Héphaïstos le forgeron, les Heures attellent
leurs chevaux ailés et d’un blanc éclatant, qui jettent des flammes par
leurs naseaux. Le dieu gravit alors la voûte du ciel. Puis il descend vers
l’occident et arrive à la fin de la journée au pays des Hespérides - les
nuages dorés du couchant, demeurant dans un jardin merveilleux et veillant sur
ses pommes d’or, à moins qu’il ne s’agisse de troupeaux de moutons, évoquant
les nuages ! -, où il trouve une barque, elle aussi façonnée par Héphaïstos,
dans laquelle l’attendent sa mère, sa femme et ses enfants. Il navigue toute
la nuit et se retrouve le matin à son point de départ. Sa
soeur Séléné est la déesse de
la Lune.
Mais
l’un des fils de Zeus, Apollon, est
aussi celui de la poésie et de la Lumière
Solaire, tandis que sa soeur Artémis est à la fois déesse de la chasse et de la Lumière
Lunaire. Hécate, déesse
infernale, est également liée à la Lune.
Eos, autre soeur
d’Hélios, est l’Aurore aux
doigts de rose et aux paupières de neige. Elle chevauche parfois le cheval ailé
Pégase.
Les
constellations ont elles aussi leur
importance dans la mythologie grecque : Orion est un géant fameux pour sa beauté. Fils de la Terre ou de
Poséidon, il naît d’une peau de génisse ; très vite il se passionne
pour la chasse et accompagne volontiers la déesse Artémis. Celle-ci le tuera ;
Orion est alors transporté au ciel où, couvert d’une armure d’or, il
brille durant les nuits d’hiver. La constellation des Pléiades est elle aussi liée à de nombreux récits. Ces sept
jeunes filles, dont le père est le géant Atlas, sont finalement changées en
astres et annoncent le retour de la belle saison. Quant à la Grande Ourse, elle est à l’origine une nymphe nommée Callisto,
aimée de Zeus, enceinte de lui puis transformée en ourse et projetée au ciel
(punition d’Héra jalouse ou protection de Zeus contre cette jalousie ?).
La Voie Lactée, elle, est liée à la légende du héros, mi-dieu, mi-homme, Héraklès. Pour devenir immortel, il doit têter le sein de Héra, la déesse acariâtre. Il lui faut donc ruser : c’est Hermès qui dépose l’enfant sur le sein de la déesse endormie. Sitôt l’œil ouvert, Héra repousse Héraklès, mais il est trop tard : le lait qui coule de son sein fait une traînée dans le ciel : ainsi est née la Voie Lactée.
2 - Les différentes cosmogonies
a
- VIIIème siècle avant J-C :
Hésiode voit la Terre comme un disque situé à égale distance entre la voûte
du Ciel et la région des Enfers. L’étendue de l’univers a été mesurée,
selon le mythe, par l’enclume de Vulcain, laquelle aurait mis neuf jours et
neufs nuits à tomber du Ciel sur la Terre et autant pour descendre aux Enfers.
b - VIème siècle avant J-C :
Le grand mathématicien Thalès pense
que la Terre est un disque flottant sur l’eau et le Ciel une voûte qui limite
le monde. Il devient célèbre en annonçant une éclipse de Soleil qui aura
lieu à la date prévue. Pour lui, il n’existe qu’un seul élément :
l’eau, dont tous les autres sont issus.
A
la même époque, le philosophe Anaximandre
prétend que la Terre est cylindrique. Elle est isolée dans l’espace, le Ciel
étant une sphère complète au centre de laquelle se tient, sans support, le
cylindre Terre. A ses yeux, la seule substance primordiale est la matière
infinie et éternelle, capable de toujours produire des êtres nouveaux.
L’autre
grand mathématicien, Pythagore (dont
on ne sait d’ailleurs pratiquement rien et qui n’a rien écrit), fonde une
école philosophico-religieuse dont les membres se consacrent entièrement à la
recherche et à la connaissance du monde. Pythagore croit à la métempsycose
(une même âme peut animer, au cours de vies différentes, plusieurs corps).
Pour les pythagoriciens, l’essence
profonde des choses est le nombre. Ils pensent donc que la réalité tout
entière peut s’expliquer par les nombres. Ceux-ci sont la répétition et la
variation d’éléments fondamentaux qui, en se disposant géométriquement
sous des formes diverses, donnent naissance à toutes les choses existantes.
C’est en étudiant les figures géométriques
et en recherchant les rapports numériques
entre les différentes parties que Pythagore en arrive à la formulation du célèbre
théorème qui porte son nom : « Dans un triangle rectangle, le
carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. »
L’univers apparaît donc
comme un ensemble ordonné (« cosmos », en grec, signifie « ordre »)
reposant essentiellement sur le nombre 10, nombre parfait :
il y aura 10 corps célestes sphériques, la sphère étant considérée comme
le corps parfait du fait de la plénitude absolue de son volume. Les corps qui
évoluent dans le ciel doivent être au nombre de 10 : les neuf corps
visibles (la Terre, la Lune, le Soleil, les 5 planètes et la voûte des étoiles
fixes) + un corps invisible : l’anti-Terre, sans doute imaginé pour
expliquer les éclipses, pour l’opposer à la Terre, ou simplement pour
arriver au nombre 10. De plus, tout ce qui se déplace dans le ciel est non
seulement régi par la loi éternelle et rigoureuse des nombres mais doit encore
avoir un mouvement circulaire et régulier. Ainsi, les cinq planètes ne sont
plus des « corps errants » (selon l’étymologie du mot) qui vont
librement leur chemin mais décrivent nécessairement un cercle, comme tous les
corps célestes.
L’univers
est partagé en deux régions : le
Ciel, où les corps, formés d’éther (le 5ème élément,
aussi appelé la quintessence), ne peuvent se dégrader ni disparaître ; la
Terre, où tout est sujet au changement, à la corruption, à la naissance
et à la mort.
Enfin,
le philosophe Héraclite, sans doute
inspiré par les mythes égyptiens, pense que la Guerre est le Père de toutes
les choses et de l’union des contraires. Pour lui, le feu est l’élément
primordial et l’échangeur de tous les mouvements qui se compensent
mutuellement. Pour lui, « tout s’écoule » en permanence ; rien, dans l’univers, n’a de stabilité. (Des penseurs et poètes
modernes comme Hegel ou René Char se sont beaucoup inspirés de sa pensée.)
« Nous ne nous baignons pas deux fois dans le même fleuve », a-t-il
déclaré en une formule devenue célèbre.
A cette époque, on détient un certain nombre de connaissances
astronomiques : on sait par exemple que la lune est éclairée par le
soleil et que c’est l’interposition de la lune ou de la Terre qui provoque
les éclipses…
Le
philosophe Parménide, disciple de Pythagore, formule pour la première fois l’hypothèse
selon laquelle la Terre serait une sphère.
Il défend la thèse contraire à celle d’Héraclite : pour lui, le
devenir n’existe pas ; seul existe l’Etre immuable.
Le
philosophe Anaxagore, lui, a une
intuition géniale : refusant l’idée que les astres sont des dieux, il
pense que les planètes et la Lune sont comme des projectiles
- des pierres - lancées dans l’espace. Il parvient à expliquer correctement les éclipses de Lune par le passage de cet
astre dans l’ombre de la Terre. Sous
l’influence de Philolaos se propage
l’idée que non seulement la Terre mais encore tous les astres sont sphériques. Autre idée géniale : rien
ne se perd, rien ne se crée, mais tout est produit par l’Intelligence supérieure
qui ordonne les substances composant l’univers.
Enfin,
le philosophe Empédocle est le
premier à dégager les quatre éléments - l’eau, la terre, l’air, le feu -
comme étant les racines de l’univers. Ces quatre éléments sont mis en
mouvement par les deux forces contraires qui gouvernent l’univers : la
Haine et l’Amour.
A partir du IVème siècle
avant J-C, la grande originalité des Grecs est la suivante : loin de se
contenter des résultats obtenus par l’observation de la réalité, ils ont
voulu rechercher les causes profondes de tous les phénomènes. En outre, ils
soutenaient que, derrière tout ce qui existe et que nous observons, il y a
quelque chose qui en constitue l’existence, c’est-à-dire sa nature intime,
sa réalité profonde.
Les Grecs de cette époque
sont les précurseurs de la science moderne, comme le montre l’exemple du génial
mathématicien Archimède, qui vécut au IIIème siècle avant J-C.
a
- IVème siècle avant J-C :
Le
philosophe Démocrite provoque un
tournant dans la pensée grecque de l’univers : il fonde ce qu’on
appelle l’atomisme. C’est la
première tentative scientifique d’expliquer
l’univers. Pour lui, celui-ci est non-créé. Seule la nécessité est
responsable de son organisation et de son devenir. Cette nécessité est
d’ailleurs inexplicable et il ne sert à rien de réfléchir sur sa nature. En
revanche, Démocrite est le premier Grec à s’intéresser à la nature en tant
que telle : il la décrit comme étant simplement composée d’atomes,
c’est-à-dire de particules élémentaires invisibles, insécables et éternelles,
qui se meuvent dans le vide et s’agencent de multiples façons : en se réunissant,
ils produisent la construction et la vie, en se séparant, ils provoquent la
destruction et la mort.
De
son côté, le grand philosophe Platon
insiste sur l’importance primordiale des mathématiques.
Il lit les ouvrages des astronomes de son époque et sait que la Terre est une
sphère.
Il expose sa vision du monde
dans le Timée : il imagine un
espace infini dans lequel est plongé un univers limité, clos et sphérique. La
Terre trône au centre du monde. Platon insiste sur la régularité de la
structure du cosmos : tout l’univers est décrit à partir des cinq
solides géométriques réguliers. Platon associe chacun de ces cinq corps les
cinq éléments dont on pensait à l’époque qu’ils composaient l’univers :
l’eau, l’air, la terre, le feu et l’éther.
Platon présente aussi son propre mythe de la création de l’univers ; ce n’est là qu’une fiction destinée à nous faire comprendre sa conception de l’univers : à l’origine, il y a d’une part un monde pur, gouverné par les Idées et immuable ; et, d’autre part, une sorte de chaos, impur et changeant. Le Dieu ordonne au démiurge d’organiser ce chaos en prenant modèle sur le monde pur des Idées. De cette organisation est né notre monde sensible, c’est-à-dire tout ce que, dans l’univers, nous pouvons voir, entendre, toucher, goûter et sentir. Mais le démiurge n’est pas capable de vraiment copier le monde des Idées. C’est pourquoi les hommes, dans l’univers, sont comme prisonniers d’une caverne : ils n’aperçoivent que des ombres. Seuls qui acceptent de pratiquer la philosophie peuvent commencer à sortir de cette caverne obscure et peu à peu à accéder au monde parfait des Idées.
L’autre géant de la philosophie, Aristote, dans son traité Du ciel, prolonge la vision de Platon mais, fait important, il abandonne la théorie des Idées pour s’intéresser totalement au monde que nos sens peuvent percevoir. Il met en avant la notion d’un monde ordonné, géocentrique et hiérarchisé : l’univers dans son ensemble est fini (comme tout ce qui a un centre) et sphérique. La matière est éternelle. Au centre de l’univers se tient la Terre, immobile. Selon Aristote, tout l’univers se déplace en direction d’un Dieu (c’est-à-dire qu’il recherche la perfection) qu’il appelle Moteur immobile : celui-ci, en attirant l’univers à lui, le fait se mouvoir tout en restant lui-même immobile. Cette conception du monde sera reprise ensuite et développé au Moyen-Age. Cependant, il semble que ce moteur immobile, cet être suprême, une fois qu’il a mis l’univers en mouvement, n’intervienne plus dans son déroulement. En tout cas, le philosophe ne se préoccupe pas de son étude. On peut donc dire qu’Aristote est le premier grand philosophe à séparer la théologie (étude de Dieu, de l’Etre suprême) de la connaissance - celle-ci devenant alors vraiment scientifique.
Les
corps célestes appartiennent à des sphères transparentes qui s’emboîtent
parfaitement, sans intervalle entre elles et dans un ordre défini. L’idée
des 27 sphères homocentriques, dont la Terre, vient de l’astronome et mathématicien
Eudoxe de Cnide. Chaque sphère
tourne autour de l’axe du monde et entraîne celle qui lui est inférieure.
Toujours à la suite de Platon, Aristote distingue deux parties de l’univers :
le monde supralunaire, où tout se déroule avec simplicité et sans efforts et
le monde sublunaire, auquel le philosophe consacre son étude. Ici, seuls les
mouvements verticaux semblent être naturels ; en effet, les corps lourds
tombent spontanément vers la Terre, leur lieu naturel, tandis que les corps légers
tendent à s’élever dans l’air. Tout autre mouvement est contraire à la
nature, est l’effet d’une cause qu’il faut rechercher : chaque effet
doit avoir sa cause et chaque cause son effet.
b
- IIIème siècle avant J-C :
Le
mathématicien et astronome Aristarque est
le véritable précurseur de Copernic
puisqu’il met le Soleil au centre du
système planétaire, affirmant que la Terre tourne sur elle-même en 24
heures et autour du Soleil en un an. De plus, il se montre capable de calculer
approximativement la distance entre la Terre, le Soleil et la Lune. Au cours de
ce siècle, on assiste en Grèce à un développement remarquable des études
scientifiques, surtout des mathématiques et de l’astronomie.
c
- IIème siècle avant J-C :
Un grand astronome nommé Hipparque
découvre le déplacement conique et très lent (26000 ans) des équinoxes
d’est en ouest mais il ignore évidemment qu’il est provoqué par la
rotation de l’axe de la Terre. Il réussit à mesurer
ce déplacement, ce qui l’amène à distinguer l’année sidérale
(intervalle de temps entre deux passages du Soleil devant une même étoile) et
l’année tropique (intervalle de temps entre deux passages du Soleil par l’équinoxe
de printemps). Par ailleurs il observe et
classe environ 850 étoiles selon leur éclat ; il détermine aussi leur position. Enfin, ses théories sur le Soleil et la Lune seront reprises, quatre siècles
plus tard, par Ptolémée.
d
- IIème siècle après J-C :
L’astronome,
géographe et cartographe Ptolémée,
héritier de toute la tradition philosophique et scientifique grecque, poursuit
et complète les travaux de ses prédécesseurs. Son oeuvre est considérable. Il
expose dans l’Almageste son système géocentrique du monde, qui fera autorité
jusqu’à la Renaissance ! La Terre est immobile au centre de l’univers ;
autour d’elle se déploient les sphères célestes successives sur lesquelles
se meuvent la Lune, le Soleil, les planètes et les étoiles ; avec la
huitième sphère, à laquelle sont accrochées les étoiles, s’achève
l’univers.
Pour expliquer
l’irrégularité du mouvement des planètes errantes, Ptolémée a recours
à des subtilités mathématiques, qui lui permettent de rendre compte de tous
les phénomènes connus à l’époque.
Il s’intéresse notamment au problème
des éclipses et améliore les théories
d’Hipparque : il calcule les conditions d’existence de l’éclipse, il
détermine si l’éclipse sera partielle ou totale et prévoit sa durée. Cette
théorie des éclipses ne subira pratiquement aucune modification jusqu’au
XVIIème siècle.
Grâce à des tables
et des exemples, il peut calculer la
position des astres et des planètes... Il établit le premier
catalogue complet d’étoiles que nous ayons conservé : 1022 étoiles
y sont classées par constellations, avec leurs coordonnées et leur éclat.
Il rédige
également une grande description physique du monde, le plus grand traité
d’astrologie de l’Antiquité, un traité d’optique, etc.
Il a aussi construit des instruments d’astronomie (un astrolabe, notamment,
servant à connaître la position des astres et à s’orienter). Après lui,
l’astronomie va connaître, en tout cas dans l’occident latin, un déclin
progressif - notamment à cause des multiples bouleversements (sociaux,
militaires, économiques et religieux) qui suivront. C’est l’Orient qui va
prendre la relève.
Les
Arabes jouent un rôle essentiel dans l’histoire de l’astronomie :
ce sont eux qui font le lien entre Ptolémée et le monde occidental naissant.
Ils étudient l’Almageste de Ptolémée
de façon approfondie, en vérifient et en corrigent les paramètres. Leur
immense empire et leur culture raffinée, influencée par les astronomes
indiens, connaisseurs des Grecs, va permettre aux chrétiens européens de
prendre connaissance de l’héritage grec. Ils possèdent deux calendriers :
le calendrier liturgique, lunaire et très ancien, emprunté à l’Extrême-Orient ;
le calendrier solaire qui rythmait les activités profanes (levée des impôts
ou récoltes).
De
plus, l’astronomie est pour les Arabes une science
fondamentale parce qu’à travers elle se manifeste l’organisation de
l’univers et, par conséquent, le
pouvoir de Dieu.
En
outre, il est important pour eux de déterminer
le début du Ramadan, mois
pendant lequel les musulmans doivent jeûner entre le lever et le coucher du
soleil. L’étude des astres permet aussi de fixer précisément le moment des
prières que tout fidèle doit faire à la mosquée, toujours orientée vers la
Mecque.
Enfin,
influencés par les Grecs, les Arabes se passionnent pour les horoscopes
et l’astrologie.
Les plus grands astronomes arabes sont : Thabit ibn. Qurra (IXème siècle), Ibn Yunus, Azarquiel (Xème siècle), Al-Biruni et Ibn al-Haytam, alias Alhazen (X-XIème siècle).
Les progrès qu’ils
accomplissent sont les suivants :
- De meilleures observations et la réalisation
de tables astronomiques permettant de prévoir les mouvements du Soleil, de la
Lune et des planètes. C’est
dans ce but qu’ils ont créé des observatoires
où l’activité astronomique est intense. Ils découvrent notamment
l’existence d’éclipses de soleil
annulaires. Leur influence s’exercera jusqu’au XVème siècle.
- Un réel intérêt pour les astrolabes et pour
d’autres instruments astronomiques. Ils sont les premiers à mentionner, par exemple, l’utilisation de
tubes d’observation, dépourvus de lentilles, afin d’éliminer la lumière
parasite.
- Des progrès importants dans le calcul trigonométrique
et la géométrie des sphères,
jusqu'à être amenés à remettre en question les théories de Ptolémée,
sans toutefois pouvoir proposer de théorie plus satisfaisante.
- Des études importantes sur la forme de la
Terre et la mesure de ses dimensions.
L’Europe chrétienne
connaît, à partir du XIIème siècle,
un renouveau astronomique :
d’abord par une intense activité de traduction,
notamment en Espagne, où les
musulmans, les juifs et les chrétiens échangent leurs connaissances : on
y découvre la culture grecque ; on y étudie les traités d’Aristote,
de Ptolémée et des auteurs arabes. De leur côté, les hommes des Croisades
contribuent à cet échange culturel. Enfin, la naissance des universités est décisive
pour l’épanouissement de cette nouvelle culture.
Première nouveauté : de
nombreux ouvrages d’astronomie vont alors se répandre en Europe au XIIIème
siècle.
Au XIVème siècle, avec l’invention de l’imprimerie, est
imprimé le premier traité d’astronomie : Le
Traité de la sphère, de Jean de Sacrobosco (écrit au 13e siècle)
et il sera encore étudié dans les universités au XVIIème siècle ! Il
ne s’agit pourtant que d’un ouvrage rudimentaire...
Seconde innovation : le développement des
tables astronomiques, rédigées en langue arabe et traduites en latin - celles de Tolède,
notamment, appelées Tables Alphonsines, qui connaîtront une très large
diffusion et auront une longue descendance : de nouvelles tables seront
ainsi créées, toutes adaptées au calendrier chrétien. A partir du XIVème siècle, se répandent dans les milieux
astronomiques parisiens des tables
beaucoup plus ambitieuses, établies indépendamment d’un calendrier
particulier. Leur succès est tel qu’à partir du XIVème siècle,
celles-ci et leurs adaptations éclipsent toutes les autres.
Troisième innovation : le perfectionnement des
instruments astronomiques comme l’astrolabe et les
quadrants qui permettaient de mesurer les angles.
En
outre, la chute définitive de l’empire
byzantin, en 1453 - date de la fin du Moyen Age en occident - amène en Italie d’éminents érudits, possédant de précieux
ouvrages d’astronomie, dont l’Almageste.
Tout cela conduit deux savants
du XVème siècle - Georg Peurbach et son élève Regiomontanus - à composer et
publier les Théories nouvelles :
on y découvre que l’orbite de Mercure ressemble à un ovale et on pense
que les astres sont entraînés par un ensemble d’orbes d’épaisseur
variable et dont chacun remplit les sphères célestes (dont l’existence
n’est pas encore remise en question).
Mais
ces orbes continuent à poser problème : quels sont-ils exactement ? On
est contraint d’ajouter une neuvième sphère aux huit de la tradition grecque
pour expliquer que le mouvement des constellations ne coïncide pas avec celui
de la sphère des étoiles fixes... Certains
ajoutent même au-delà de la voûte céleste un autre ciel immobile appelé
l’Empyrée : là est localisé le paradis de l’au-delà, où résident
les anges et les saints. On pense que le cosmos est tout entier animé d’un
mouvement perpétuel, qui doit avoir une cause : les esprits angéliques
font tourner les sphères ; au sommet du ciel réside Dieu lui-même qui,
sans cesse, soutient sa Création, au centre de laquelle se trouve la Terre.
Enfin, on s’appliquera à inventer, à la fin du XVIème siècle, un meilleur calendrier que le précédent (établi par Jules César) : il sera appelé calendrier grégorien afin de se mettre en rapport avec le mouvement réel du soleil et de pouvoir célébrer, par exemple, la fête de Pâques au bon moment.