HISTOIRE
DE L’ASTRONOMIE
ENTRE LE MYTHE ET LA SCIENCE
Un
chanoine polonais du nom de Nicolas
Copernic (1473-1543) écrit
un ouvrage en latin qui marque un tournant décisif dans l’histoire de
l’astronomie : Des révolutions des orbes célestes. Il est publié en 1543,
juste avant la mort de Copernic. Pour la
première fois, l’auteur expose un modèle du monde où les planètes tournent
autour du soleil et où, en outre, la Terre tourne sur elle-même, pour
expliquer la succession des jours et des nuits.
Curieusement,
Copernic a très peu observé le ciel
au cours de sa vie. Il a repris beaucoup
de théories des Anciens et de Ptolémée. Il garde l’idée grecque selon
laquelle ce sont des sphères solides
qui emportent les planètes autour du soleil fixe. La sphère des étoiles
fixes, immobile, limite l’univers. Comme
pour les Anciens, le mouvement des corps célestes doit être circulaire et
uniforme. Mais il supprime les grands épicycles de Ptolémée, ce qui le conduit
à émettre l’hypothèse de l’héliocentrisme, qui permet de mieux expliquer
les mouvements célestes.
Cependant, au total, son système est beaucoup plus
compliqué et moins ingénieux que celui de Ptolémée :
en fait, l’héliocentrisme n’est présent dans ce système que comme une
hypothèse commode. Il faut, au sujet de l’héliocentrisme de Copernic, parler
d’intuitions et de calculs prédictifs plutôt
que d’une véritable démarche
scientifique. Il reste qu’il pose les premiers jalons de cette démarche.
Du
reste, peu d’astronomes le suivront. L’un
des premiers à adhérer à l’intuition copernicienne de l’héliocentrisme
est Giordano Bruno, condamné par l’Inquisition et brûlé vif à
Rome, le 17 février 1600. Bruno aura défendu une conception très personnelle de l’héliocentrisme, liée à sa représentation de
la puissance de Dieu : un univers
infini peuplé de mondes innombrables, chaque
étoile étant un soleil autour duquel tournent des planètes.
Et
pourtant, les idées coperniciennes vont
commencer à se diffuser, d’une manière indirecte et lente. Reinhold, par exemple, va s’efforcer de combler les
lacunes du système copernicien en inventant de nouvelles tables - les tables
pruténiques, sortes d’éphémérides faisant des prédictions pour un
certain nombre d’années - qui vont remplacer les anciennes. On va ainsi se
familiariser avec le calcul copernicien.
La
découverte de l’héliocentrisme entraîne deux conséquences importantes :
1)
D’une part, les étoiles doivent être beaucoup plus éloignées qu’on ne
l’imaginait jusqu’alors ;
2)
D’autre part, la différence entre le monde terrestre et le monde céleste
tend à s’effacer : en effet, la distinction traditionnelle entre le
monde sublunaire et le monde supralunaire est remise en cause. Il faut alors se
demander : qui donc met en mouvement la Terre, dont la masse est considérable ?
Comment le Soleil peut-il se trouver au milieu de corps lourds, s’il est lui-même
un corps léger et éthéré ? Toutes les bases de la physique sont ébranlées.
Tout ce qu’affirme la Bible au sujet des relations Terre/Soleil doit être
remis en question.
Le
grand adversaire de Copernic sera Tycho
Brahé, astronome danois, dernier défenseur du géocentrisme mais
génial précurseur de l’astronomie moderne :
-
Il montre les faiblesses du système copernicien ;
-
De plus, il se livre à d’intéressantes observations
du ciel et abandonne les tables astronomiques alors en usage. Malgré sa défense
erronée du géocentrisme, ses observations porteront un coup sévère à la physique d’Aristote : il
observe une étoile nouvelle, ainsi que des comètes, dans la sphère
supralunaire, ce qui va contre
la théorie d’Aristote concernant le caractère incorruptible de
cette partie de l’univers et met
fin à la thèse des sphères solides.
-
Par ailleurs, et bien qu’il observe encore à l’oeil nu, il perfectionne de nombreux instruments d’observation et augmente
considérablement leur précision. Il construit le premier observatoire des temps modernes.
- Pour finir, il écrit un ouvrage Les Phénomènes les plus récents du monde éthéré où il rejette à la fois le géocentrisme de Ptolémée et l’héliocentrisme de Copernic. Il adopte quant à lui un système intermédiaire entre les deux. Malgré ses erreurs, cet astronome aura permis, par la masse considérable de ses observations, le jaillissement de découvertes ultérieures fondamentales.
Le grand astronome qui va
compléter et perfectionner le système de Copernic est l’allemand Johannes
Kepler (1571-1630) :
c’est un disciple de Tycho Brahé. Il
réussit à établir les lois qui régissent le mouvement des planètes autour
du Soleil. Il adopte donc définitivement
la thèse de l’héliocentrisme.
C’est
en étudiant plus particulièrement le mouvement
de la planète Mars qu’il en arrive à se poser les bonnes questions, dont
celle-ci, fondamentale : quelle courbe cette planète décrit-elle ?
Après
avoir imaginé et rejeté l’hypothèse du cercle défendue par Copernic, il
aboutit, au terme d’années de recherche, à l’hypothèse de l’ellipse, dont le génial Ptolémée n’était pas très loin
(cf. le point équant). Il pense en effet que Mars n’est pas seulement attirée
par le Soleil mais qu’elle subit l’action d’une autre force, ce qui empêche
son orbite d’être circulaire. Telle est la 1ère
loi qu’il établit.
La
2nde loi dit que la
vitesse orbitale de la planète varie : lorsqu’elle se trouve loin du
soleil, elle chemine plus lentement ; lorsqu’elle s’en rapproche, elle
avance plus vite.
Sa
3ème loi est la suivante :
Si Mars avance plus vite que d’autres,
c’est parce qu’elle est plus proche
du Soleil dont elle subit davantage l’attraction.
Ces trois lois, il les étend ensuite à toutes les
planètes, y
compris à la lune et aux satellites de Jupiter, découverts par Galilée. (Il
supprime donc tous les épicycles de l’astronomie antique.) Il fait une vaste
synthèse de toute l’astronomie dans un ouvrage
essentiel : Epitomé de
l’astronomie copernicienne. Enfin,
il fait paraître les « Tables
Rudolphines », extrêmement précises
puisqu’elles bénéficient de la découverte récente des logarithmes et
qu’elles mettent en ordre les observations de Tycho Brahé.
Kepler a donc fait faire un
bond en avant considérable à l’histoire de l’astronomie : grâce à
ses calculs, l’être humain est désormais capable d’arpenter le système
solaire et donc de déterminer des distances considérables. L’astronomie est
entrée dans l’ère du calcul.
En revanche, Kepler n’explique pas quelle est la nature de cette force exercée par le Soleil. Sa réponse, en effet, reste poétique et non scientifique : il existe, selon lui, une harmonie musicale dans le ciel, chaque planète émettant une note fondamentale selon sa distance au soleil. Mais comme cette distance varie à tout moment, cette note fondamentale est accompagnée d’accords harmoniques. C’est naturellement Dieu qui dirige cette musique céleste, que nos oreilles sont incapables d’entendre.
C’est une véritable révolution
qu’instaure le physicien italien Galilée (1564-1642) en étudiant,
construisant et utilisant, sans doute pour la première fois de l’Histoire, la
lunette d’observation, instrument dont il avait entendu parler :
il s’agit d’un tube cylindrique de métal muni de lentilles en cristal qui
grossissent les objets observés.
Avec lui, tout phénomène est
observé, étudié, décrit et justifié. Galilée impose à l’étude de la
nature la rigueur et la précision des mathématiques. A la même époque, le
philosophe français René Descartes pose la méthode mathématique
comme fondement de la recherche scientifique et de la philosophie elle-même.
Résolument
copernicien, Galilée fait des découvertes
(liées à ses observations novatrices et publiées dans Le
Messager céleste en 1610) qui provoquent immédiatement de vertes
critiques. C’est pourquoi il demande à Kepler son appui, qui le lui
accorde immédiatement.
Qu’a découvert Galilée à
travers sa lunette ?
-
D’abord, quelque chose de stupéfiant : quatre
gros satellites tournant autour de Jupiter, preuve que la Terre n’est pas
le centre de toutes les révolutions célestes...
-
Ensuite, Vénus présente des phases
analogues à celles de la Lune. Cela contredit le système de Ptolémée qui
affirmait que la planète devait toujours garder une forme de croissant. Or, le
cycle complet de phase observé par Galilée prouve que Vénus tourne autour du
Soleil.
-
Puis, il observe sur la Lune, qui,
toujours d’après Ptolémée, devait être parfaite, des montagnes, des vallées
et des cratères ; bref : des
imperfections.
-
Quant à la Voie Lactée, au lieu
d’être une exhalaison de l’atmosphère comme le pensaient jusque là les
astronomes, elle se révèle constituée
d’une multitude d’étoiles invisibles à l’oeil nu.
-
Plus tard, en l’observant par projection, il découvre à la surface du Soleil des taches
et mesure leur période de rotation.
La découverte est de taille : le
Soleil tourne lui aussi sur son axe.
En
dehors de ces découvertes liées à l’observation, Galilée, en tant que physicien,
fera d’autres découvertes fondamentales, comme celles-ci :
-
Il prouve que si on laisse tomber un corps le long d’un plan incliné, sa
vitesse augmente à mesure qu’il tombe. Il établit ainsi la loi
de la chute des corps qui relie l’espace et le temps : les distances
parcourues par l’objet sont proportionnelles au carré des temps mis à les
parcourir.
-
Il découvre le principe d’inertie,
suivant lequel tout corps qui n’est soumis à aucune force est soit au repos,
soit animé d’un mouvement rectiligne uniforme. Ce principe explique le
mouvement perpétuel de la Terre autour du Soleil.
Toute la physique aristotélicienne,
vieille de 2000 ans, et sur laquelle la vision chrétienne de l’univers s’était
greffée et consolidée, vient de s’effondrer.
La réaction est
inévitable, l’affaire Galilée éclate au grand jour : le
savant réussit non sans peine à publier son Dialogue
sur les deux grands systèmes du monde (1632), véritable machine de guerre
contre l’héritage aristotélicien, en outre publiée non en latin (la langue
savante) mais en italien. Mais après
d’interminables péripéties qui laisseront l’astronome épuisé et découragé,
le tribunal de l’Inquisition, qui a déjà déclaré hérétique la théorie
de Copernic, interdit son ouvrage et le condamne à la réclusion perpétuelle ;
malgré les multiples efforts qu’il avait fournis, des années auparavant,
pour expliquer que sa théorie ne contredisait pas la Bible si elle était
interprétée correctement, Galilée doit
finalement abjurer à genoux ses « erreurs », le 22 juin 1633.
Mais Galilée aura sa revanche :
deux ans plus tard, son Dialogue sera
traduit en latin et diffusé dans toute l’Europe. Galilée va alors rédiger
son chef-d’œuvre : Le Discours
concernant deux sciences nouvelles, publié en 1638.
Avec
le triomphe de l’héliocentrisme, une ère nouvelle peut commencer :
-
D’autres découvertes auront lieu par
la suite avec Pierre Gassendi,
et ses études sur la planète Mercure ; avec Jeremiah Horrocks, qui améliore les prévisions de position
des planètes et étudie le transit de Vénus.
-
Par ailleurs, les instruments
d’observation se multiplient et
s’améliorent. On crée de nombreux
observatoires, non seulement pour
poursuivre les recherches sur le ciel, mais aussi sur la planète Terre, afin de
mettre en place des méridiens de référence - problème essentiel pour les
navigateurs de l’époque. Louis XIV joue un rôle déterminant dans le développement
de l’astronomie en France et fonde l’observatoire de Paris.
- Enfin naît une véritable profession d’astronome, bientôt payée par la communauté et parée de noms illustres, dont on retiendra surtout ceux de Jean-Dominique Cassini et de Johannes Hevel, dit Hévélius. Les découvertes liées à l’observation du ciel ne cessent de se multiplier. On est maintenant en mesure d’évaluer les dimensions du système solaire. Cassini estime la distance de la Terre au Soleil de 140 millions de kilomètres, ce qui constitue un bel exploit car la distance moyenne de notre planète à son étoile est de 150 millions de kilomètres !
La
mort de Galilée coïncide exactement avec la naissance d’Isaac Newton (1642-1727),
astronome anglais, qui laissera une empreinte profonde dans l’histoire de la
pensée scientifique. Comme tous les savants de son époque, il s’intéresse
à tous les domaines du savoir : la physique, les mathématiques,
l’optique, l’astronomie, l’économie, la religion, l’histoire et même
l’alchimie !...
Sa grande découverte est la
loi de la gravitation universelle.
L’idée remonte à Platon mais elle n’est prise en considération qu’avec
la découverte de l’héliocentrisme.
La
légende dit que c’est en voyant tomber une pomme d’un arbre que Newton
aurait eu la première intuition de sa découverte. La réalité est plus
complexe. Et sans doute la 3e loi de Kepler concernant l’attraction
des planètes par le Soleil lui a-t-elle permis d’élaborer sa théorie sur la
gravitation universelle : deux corps
placés à une certaine distance exercent l’un sur l’autre une force
d’attraction proportionnelle à leur masse et inversement proportionnelle au
carré de la distance qui les sépare. Cette découverte est publiée dans
l’ouvrage en latin paru en 1687 :
Les Principes mathématiques de la
philosophie naturelle. Cette loi
explique la chute des corps lourds sur la surface de la Terre qui exerce sa
force d’attraction, ainsi que le mouvement des planètes autour du Soleil et
celui des satellites autour des planètes.
De
plus, il s’agit d’une loi universelle,
c’est-à-dire toujours valable, quels
que soient le lieu et le moment où deux ou plusieurs corps se rencontrent.
Cette loi régit le fonctionnement de tout ce qui est grand dans le ciel comme
de tout ce qui est petit, dans la chimie ou dans la vie quotidienne. Tout le
monde matériel est donc un enchevêtrement de forces. Ces forces expliquent la
trajectoire des forces en mouvement, leur accélération et leur vitesse. Quand
on examine l’orbite d’une planète (la courbe qu’elle décrit), on découvre
l’action de deux forces : la force de gravité qui attire la planète
vers le Soleil et la force de gravité, moins puissante, qui attire le Soleil
vers la planète. C’est la combinaison de ces deux forces qui déplace la planète
suivant la ligne de son orbite. La mécanique
céleste a donc, avec Newton, conquis ses lettres de noblesse.
Dans
ces conditions, si on connaît la longueur de la trajectoire d’une planète
autour du Soleil, on peut déterminer la force d’attraction qu’il exerce sur
elle et on pourra aussi calculer la masse
de la planète en question. Toute trajectoire suppose une force de gravitation,
donc une masse.
Quant
aux irrégularités de mouvement des planètes
et des comètes, elles s’expliquent par l’intervention de forces de gravitation secondaires. Par exemple, même si
l’attraction de la Lune est trop faible pour pouvoir perturber le mouvement de
la Terre autour du Soleil, elle réussit tout de même à provoquer les marées.
De même, si l’attraction exercée par le Soleil est de loin la plus forte du
système solaire, celle exercée par les planètes provoque de légères
perturbations.
C’est ainsi qu’on a pu
approfondir l’observation du système solaire en découvrant des planètes
inconnues jusqu’alors, responsables de ces phénomènes : William Herschel
repère Uranus et ses satellites,
ainsi que ceux de Saturne, avec
l’aide de deux autres astronomes : Christiaan
Huygens et Jean-Dominique
Cassini, entre 1781
et 1789. (La découverte d’autres satellites de Saturne se fera aux
XIXème et au XXème siècle, où l’on bénéficiera des voyages spatiaux) Neptune
sera découverte d’une manière théorique au
même moment par deux astronomes différents qui étudient séparément le
comportement de Saturne et remarquent ses irrégularités : John
Adams, de 1841 à 1846, et Urbain
Le Verrier. Personne ne les prendra au sérieux, jusqu'à ce que John
Galle observe enfin cette nouvelle planète dans le ciel, le 23 décembre
1846, à l’Observatoire de Berlin. Ainsi
triomphe la théorie de Newton. Pluton
sera découverte de la même manière, mais beaucoup plus tard, au XXème
siècle, à cause des perturbations des orbites d’Uranus et de Neptune.
(Pour cette planète, il y aura plus d’écarts entre la théorie et la réalité
observée.)
Une découverte de taille validera la théorie de
Newton :
il s’agit du calcul par l’astronome britannique Edmond Halley de l’orbite de la comète qui porte son nom.
Il a établi en 1705 que les comètes décrivent autour du Soleil des orbites
elliptiques très allongées. Il prévoit
que la comète qu’il a observée en 1682 reviendra fin 1758-début 1759 et sa
prédiction se révèle juste.
A l’actif de Newton,
il faut encore signaler la réalisation
du premier télescope, présenté en 1672.
La lunette de Galilée était bien entendu encore imparfaite et rudimentaire. Ce
sont les Anglais qui lui ont apporté deux améliorations décisives : le
cristal à base de plomb qui rend la vision parfaite et l’utilisation de
miroirs paraboliques à la place des lentilles - ce sera la naissance du télescope.
L’exploration du système
solaire va ainsi pouvoir devenir de plus en plus précise :
-
Après les planètes, Giuseppe Piazzi
et Heinrich Olbers découvriront
le premier astéroïde, Cérès, en
1801-1802.
-
Edmond Halley, quant à lui, découvre
en 1718 le mouvement
propre des étoiles, ce qui met fin au dogme de la sphère des étoiles
fixes.
-
Charles Messier dresse un catalogue
des nébuleuses et indique leur position par rapport aux étoiles voisines.
Les trois principaux
successeurs de Newton seront :
a
- Joseph-Louis Lagrange
(1736-1813), le plus important, qui applique à la mécanique céleste une méthode purement algébrique et l’expose dans sa Mécanique
analytique ;
b
- Pierre-Simon de Laplace
(1749-1827), qui, dans son Exposition du système du monde (1796),
émet une célèbre hypothèse : le système
solaire serait issu d’un nuage de
gaz et de poussières interstellaires - ce qu’on appelle une nébuleuse - qui
tournait lentement sur lui-même autour d’un axe passant par le centre, lui-même
formé d’un noyau dense et de température élevée ; le
refroidissement des couches extérieures joint à la rotation de l’ensemble
aurait engendré des anneaux successifs d’où proviendraient les planètes et
les satellites, tandis que le noyau aurait formé le soleil. En outre, Laplace réunit
dans sa Mécanique
céleste (1798-1825) tous les
travaux de Newton et des savants de l’époque concernant les conséquences
du principe de la gravitation universelle ;
c
- William Herschel (1738-1822) qui
s’intéresse au déplacement du système solaire, entreprend une étude systématique
de la répartition des étoiles, découvre le rayonnement infra-rouge et établit l’existence des systèmes
binaires.
Ajoutons ceci : pour la
première fois dans l’histoire de la science, Isaac Newton aura délaissé les
causes profondes des phénomènes pour s’intéresser exclusivement aux lois
qui les régissent : il remplace la question « pourquoi ? »
par la question « comment ? ».
De leur côté, les
philosophes du XVIIème siècle, à la suite de René Descartes, ont suivi un
cheminement semblable à ceux de Galilée et de Newton pour l’appliquer à
leur discipline et à leur propre approche de l’univers : Baruch
Spinoza (très intéressé par les oeuvres de Descartes et de Galilée)
et Wilhelm Leibniz (qui a lu
Descartes, Galilée et Newton) ont déjà
définitivement dégagé la philosophie de l’emprise de la théologie
(l’étude de Dieu), s’en remettant,
chacun à sa manière, aux lumières de la raison. Tous les deux ont proposé
une vision nouvelle de l’univers, plutôt matérialiste pour Spinoza, plutôt
idéaliste pour Leibniz.
Au XVIIIème siècle, le philosophe Emmanuel Kant franchit
un pas de plus en cessant, comme Newton, de poser la question « pourquoi ? »
et en préférant se demander « comment ? » : il pense que
notre raison dispose de certaines facultés qui déterminent toutes nos expériences
sensibles : le temps et l’espace,
qui n’existent pas en dehors de nous
mais qui sont des éléments
constitutifs de l’intelligence humaine. Tout ce que nous pouvons connaître
s’inscrit, pour notre conscience, dans l’espace et le temps et nous portons
en nous la loi de cause à effet. Nous ne
pouvons donc rien connaître du monde en soi, indépendamment de notre façon
de l’appréhender. C’est comme si notre faculté de comprendre était limitée
par des « lunettes » : l’espace et le temps.
C’est
ce même Emmanuel Kant qui imaginera de multiples univers-îles
composant l’Univers, prémonition de la multiplicité des galaxies, découvertes
bien ultérieurement.
Cependant, la théorie de
Newton sera détrônée à cause d’un petit problème de mécanique céleste :
d’infimes perturbations se produisent dans l’orbite de Mercure et la théorie
de la gravitation universelle ne réussit pas à les expliquer. C’est
Einstein, au XXème siècle, qui viendra à bout de ce problème en réinterprétant
la gravitation...
Une nouvelle révolution se
produit dans les années 1840 : les astronomes vont devenir des
astrophysiciens en analysant la nature des astres ; dans ce monde que l’on pensait sans surprise, ils vont découvrir
des comportements plus étranges les uns que les autres
1 - Des méthodes
révolutionnaires
Quatre grandes innovations
vont révolutionner l’étude de l’Univers. Toutes ont un point commun :
l’étude de la lumière. Grâce à ces quatre procédés, l’astrophysique
est née.
a - La
photographie :
Grâce
à son invention, on cherche à établir une gigantesque carte du ciel ;
plus de vingt instituts du monde entier s’engagent dans ce projet qui ne sera
jamais totalement achevé. Mais les clichés serviront pendant des dizaines
d’années de base aux catalogues de position des étoiles et constellations.
La Lune sera photographiée pour la première fois en 1896. L’un des pionniers
de l’astrophotographie sera John
Herschel, fils de l’astronome William Herschel.
b - De nouveaux télescopes :
En
1845, sir William Parsons
construit le plus grand télescope à
miroir métallique de tous les temps : 1,83 m de diamètre. La limite
est atteinte, la technologie doit donc changer. En 1857, Léon
Foucault et Karl Steinbell
réalisent le premier télescope à
miroir de verre argenté. L’ère des grands télescopes est arrivée. Le
grand constructeur de l’époque s’appelle George
Hale. Il convainc plusieurs riches industriels et hommes d’affaires américains
de financer l’équipement de grands
observatoires aux Etats-Unis. (C’est grâce à l’un des ses télescopes
qu’Edwin Hubble découvrira les galaxies.)
Commence
aussi l’étude de la physique solaire,
avec l’observation, notamment, de la couronne du Soleil.
Les
grands télescopes permettent aussi d’étudier les détails
de la surface des corps célestes, de Mars, surtout. Certains y voient des
canaux artificiels - d’où le mythe grandissant des Martiens !
c - La spectroscopie :
Poursuivant
les travaux de Newton sur la décomposition de la lumière blanche en ses différentes
couleurs, Joseph von Fraunhofer
remarque, sans pouvoir l’expliquer, une multitude de raies
sombres dans le spectre qu’il a obtenu en décomposant la lumière du
Soleil, grâce aux spectroscopes qu’il a lui-même inventés. Gustav
Kirchhoff et Robert Bunsen
vont inventer l’analyse spectrale
en 1859 : pour eux, les raies
sombres indiquent la présence d’un élément
chimique donné dans une étoile. En 1864, William
Huggins découvre cette fois des raies
brillantes dans le spectre de certaines nébuleuses.
En
1868, on repère une raie qui ne
correspond à aucune de celles qui ont été recensées en laboratoire : on
baptise cet élément chimique nouveau,
inconnu sur la Terre, « hélium »,
du grec Hélios, nom du dieu du Soleil. En fait, cet élément existe bien dans
l’atmosphère terrestre ; il sera détecté en 1895.
La
spectroscopie - grâce à l’effet découvert,
en 1842, par Christian Doppler - va
permettre aussi à Huggins de mesurer la
vitesse relative d’une étoile par
rapport à la Terre.
Cette
découverte fondamentale sera exploitée par les astronomes du XXème siècle pour échaffauder la théorie du big
bang : lorsqu’ils observeront en effet, sur le spectre d’une
galaxie, un décalage vers le rouge,
ils pourront en conclure que cette galaxie s’éloigne de nous à grande
vitesse. L’effet Dopler jouera aussi un rôle dans l’étude des étoiles binaires.
d - La photométrie :
Toujours
en 1859, le physicien Johann Zöllner
réussit à mesurer avec précision l’éclat
d’une étoile : grâce à un photomètre, il mesure son éclat
apparent puis il détermine la distance de cette étoile par rapport à la Terre (entre-temps,
les mesures des distances stellaires ont elles aussi énormément progressé) ;
il parvient ensuite à remonter à sa luminosité absolue car celle-ci est
proportionnelle à la luminosité apparente et au carré de la distance qui nous
sépare de l’astre.
Par
la suite, Friedrich Stuve et Friedrich
Bessel mesurent respectivement la parallaxe (= angle sous lequel on voit
se déplacer une étoile par rapport aux astres plus éloignés lors
d’observations menées à 60 mois de différence) de Vega et de 61 Cygni,
l’une des étoiles les plus proches du Soleil.
C’est alors qu’on commence à mesurer les
distances en les transformant en durées de trajet de la lumière.
Le premier catalogue photométrique des étoiles est établi par Zöllner en 1861.
2 - La science de l’électromagnétisme
En
1873, le physicien anglais James
Maxwell (1831-1879) fonde l’électromagnétisme,
réussissant ainsi à faire la synthèse
entre trois domaines de la physique jusque là séparés : l’électricité,
le magnétisme et l’optique. La
lumière devient un phénomène électromagnétique comme les autres : elle
est le résultat de la propagation dans l’espace d’un champ électrique et
magnétique.
En
1893, le physicien allemand Wilhelm
Wien établit une loi capitale : la couleur
d’une étoile est déterminée
par sa température de surface. En
1879, Josef Stefan établit
une autre loi qui complète la précédente : la surface
d’une étoile est proportionnelle à sa
luminosité absolue et inversement proportionnelle à la puissance quatrième
de sa température. Enfin, le
physicien hollandais Pieter Zeeman
découvre que les raies spectrales sont dédoublées en présence d’un champ
magnétique : cela va permettre de mesurer
le champ magnétique régnant à la surface des astres.
Face
à cette multitude d’informations nouvelles, le Danois Enjar Herzsprung et l’Américain Henry Russel vont établir un célèbre diagramme grâce auquel ils classent les étoiles d’une manière
toute neuve et constatent que la répartition des étoiles n’est pas due au
hasard. S’ouvre alors une voie nouvelle : une méthode permettant de déterminer l’évolution des étoiles, de leur
naissance à leur mort et d’explorer l’espace bien au-delà de notre système
solaire et de notre galaxie.
C’est
ainsi qu’Henrietta Leavitt
va remarquer la présence de plusieurs céphéides
- étoiles connues pour leurs variations
d’éclat périodiques - situées dans l’un des Nuages de Magellan. Elle
s’aperçoit que la période est d’autant plus longue que l’étoile est
brillante. Elle formule donc une relation entre la période de variation et la
luminosité apparente de ces étoiles. Cette relation sera la base d’une méthode d’évaluation des distances des amas d’étoiles
et des galaxies, c’est-à-dire d’objets de plus en plus éloignés dans
l’univers.
1 - Einstein : de la relativité restreinte à la
relativité générale (1905-1919)
Avant
Einstein, la gravitation était décrite par la théorie de Newton, qui
supposait que cette force agissait instantanément et à distance dans le vide.
Mais cette hypothèse se révèle incompatible avec la relativité
restreinte, loi formulée par le physicien allemand (ensuite naturalisé
suisse puis américain) Albert
Einstein (1879-1955), l’une des figures majeures de la science
contemporaine : cette théorie montre l’équivalence de la masse et de
l’énergie ; il explique aussi que rien
ne peut se propager avec une vitesse plus grande que celle de la lumière.
Entre 1907 et 1915, Einstein
cherche à inclure la force de gravitation newtonienne dans le cadre de sa théorie
de la relativité restreinte mais il n’y parviendra pas. Il lui faut donc
proposer un
bouleversement total du cadre spatio-temporel : d’après la théorie
de la relativité générale, la gravitation est une simple conséquence du fait
que l’espace-temps possède une courbure due à la présence de masses. Elle
n’est donc pas une mystérieuse force agissant à distance mais une propriété
géométrique de l’espace-temps. La trajectoire d’un corps qui n’est
soumis à aucune autre action que celle de la gravitation est ainsi uniquement déterminée
par la structure de l’espace-temps.
Une fois cette théorie énoncée,
trois conséquences essentielles apparaissent :
a
- Tout d’abord, l’univers
ressemble à un tapis élastique :
il est doté d’une structure géométrique
liée à la masse des objets qu’il contient. Une relation nouvelle se
forme donc entre l’espace, le temps et la
matière ; celle-ci courbe
l’espace-temps cosmique et lui donne sa structure particulière.
b
- Par ailleurs, cette théorie prédit de légères
modifications des orbites planétaires par rapport à la théorie de Newton.
C’est ainsi qu’Einstein réussit à expliquer l’anomalie du mouvement de
la planète Mercure.
c
- En outre, la lumière, comme toute
autre onde électromagnétique, ne se propage pas toujours en ligne droite.
A cause de la courbure de l’espace-temps, les rayons de lumière qui passent
à proximité sont déviés. L’éclipse totale du Soleil en 1919 va permettre,
avec l’astrophysicien et mathématicien Arthur Eddington, de vérifier cette
hypothèse.
2
- Les successeurs d’Einstein : L’univers dynamique (à partir de 1917)
Malgré
son génie, Einstein croit dur comme fer à l’immobilité de l’univers et
que celui-ci se réduit à la Voie lactée, notre galaxie ! Ses équations
ont beau lui fournir une conception de l’univers dynamique, il refusera de les
croire, tentant, pour maintenir intacte sa vision d’un univers statique,
d’introduire dans son système une force anti-gravité, la constante
cosmologique, pour déclarer plus tard que c’était la « plus grosse
erreur de sa vie »... En ce sens, sa vision est encore classique. Nous ne
sommes pas si loin, tout compte fait, d’Aristote...
Il appartient désormais à
d’autres chercheurs de tirer les conséquences de la théorie d’Einstein. De
fait, une nouvelle révolution ne va pas tarder à se produire, en trois étapes,
dans notre conception de l’univers :
a - Notre système
solaire ne se trouve pas au centre de notre galaxie, la Voie Lactée :
En 1917, Harlow Shapley constate que les Céphéides ne sont pas centrées autour du Soleil ; or, il suppose qu’elles se trouvent au centre de notre galaxie. Il en conclut donc que notre système solaire se trouve à la périphérie, et non au centre, de la Voie Lactée. L’homme se trouve encore plus décentré dans l’univers qu’au temps de Copernic...
b - Notre univers ne se réduit
pas à notre galaxie, la Voie Lactée :
Certains
astronomes font l’hypothèse que l’univers
contient de nombreux et immenses rassemblements d’étoiles, séparés les uns
des autres par de très grandes distances. Ils pensent que ces milliers de
« nébuleuses » célestes que l’on a jusqu'à présent répertoriées
ne sont pas seulement constituées de gaz et qu’elles pourraient bien cacher
un fourmillement d’étoiles.
Le
grand savant de cette période s’appelle Edwin
Hubble (1889-1953) : après avoir photographié sans relâche les
fameuses nébuleuses, il finit, en 1924, par y découvrir des céphéides. Cette
découverte est capitale : elle marque la naissance
de l’astrophysique extra-galactique. En effet, on est maintenant capable
de calculer les distances d’après les luminosités apparentes et absolues des
étoiles. C’est ainsi qu’il découvre la galaxie
nommée Andromède.
Il
va ensuite utiliser une classification encore
utilisée de nos jours : les galaxies en forme de spirale (80 pour 100),
les galaxies elliptiques (15 pour 100) et les galaxies irrégulières. Peu à
peu, les astronomes comprendront que, comme les étoiles, beaucoup de ces
galaxies ont l’instinct grégaire et qu’elles se regroupent en amas, voire
en superamas.
c - La théorie
du big bang :
Hubble
a déjà, par cette découverte, ouvert grand les portes d’un insondable océan
cosmique ; mais il va franchir un pas de plus en reprenant les travaux que Vesto
Slipher (1875-1969) a entamés
en 1912 : celui-ci, grâce à la spectroscopie, avait découvert que la
plupart des nébuleuses s’éloignaient de nous à très grande vitesse. Hubble reprend cette analyse des spectres et va plus loin que
Slipher : il cherche une relation entre la vitesse d’éloignement et la
distance des galaxies par rapport à nous. Ainsi est établie, en 1929,
la loi Hubble : la vitesse
d’éloignement des galaxies est proportionnelle à leur distance. Avec
l’aide de Humason, Hubble vérifie cette loi pour des galaxies de plus en plus
lointaines. Ainsi peut naître la
cosmologie contemporaine.
C’est
alors qu’un cosmologiste belge, le chanoine Georges
Lemaître (1894-1966), s’appuyant à la fois sur les travaux du mathématicien
russe Alexandre Friedmann (1888-1925)
et sur la nouvelle loi de Hubble, émet pour
la première fois l’hypothèse du big bang : si les galaxies s’éloignent
de nous, c’est qu’à une époque extrêmement lointaine dans le passé, ces
galaxies devaient être très proches les unes des autres.
Remontant
encore dans le temps, Lemaître arrive à une époque où il n’y a plus ni
galaxies ni étoiles, mais seulement une concentration de matière très chaude
et de densité extrêmement élevée. Cette hypothèse
de l’« atome primitif », selon l’expression de Lemaître,
passera à la postérité sous le nom du big bang, expression forgée par un de
ses adversaires, qui voulait tourner cette théorie en dérision ! Le succès
de cette expression sera immédiat. Curieusement,
cette théorie de l’atome primitif fait penser à bien des mythes anciens qui
montraient l’univers sorti d’un oeuf primordial et peu à peu étendu.
Certains, d’ailleurs, ont critiqué le big bang en en faisant un mythe de
plus...
La notion d’espace est
considérablement modifiée par cette théorie du big bang : l’espace n’est pas, comme le pensait Newton, une enveloppe
vide, statique, baigné par une substance invisible, l’éther, qui
transmettait la force gravitationnelle - une enveloppe où l’univers se serait
développé ! Il faut tout simplement affirmer qu’avant le big bang, l’espace n’existait pas. L’espace devient
donc, avec cette théorie, pareil à un tissu
dynamique qui entraîne les galaxies immobiles avec lui. Il pourrait être
comparé à un gâteau aux raisins qui gonflerait ; de ce fait, les raisins
s’éloignent les uns des autres ; pourtant, ils sont bien au repos...
L’espace est une sorte d’élastique.
La notion de temps, de son côté, subit le même
sort : le temps, lui aussi, devient élastique. Il
est étroitement lié au mouvement de celui qui le mesure. Le temps unique et
universel de Newton a laissé la place à une multitude de temps individuels.
L’espace et le temps forment donc un véritable
couple dont les mouvements sont toujours complémentaires. C’est pourquoi on
parle d’espace-temps. L’univers a désormais quatre
dimensions : longueur + largeur + profondeur + temps.
Une autre conséquence de la relativité générale et du big bang se manifeste en la présence, au sein de l’univers, de trous noirs : là où le champ de gravitation est suffisamment fort pour retenir même les photons (particules qui constituent la lumière), se forment des trous noirs, c’est-à-dire des zones dont l’intérieur ne peut absolument pas entrer en relation avec le reste de l’univers. Ces trous noirs se formeraient lors de la mort d’une étoile géante, lorsque celle-ci s’effondre sur elle-même. Ils ont la particularité d’absorber une quantité gigantesque de matière.
Autre
étrange découverte : en 1933,
l’astrophysicien suisse Fritz Zwicky comprend qu’il existe dans l’amas de
galaxies de Coma de la matière noire ou
manquante, c’est-à-dire non
lumineuse, invisible et dont la masse surpasse très largement celle des étoiles
visibles. En fait, les galaxies visibles ne sont que de petits îlots
flottant dans un océan de matière sombre (environ 10 pour 100 seulement !). Encore
aujourd’hui, la nature de cette masse cachée demeure mystérieuse.
Autre énigme, apparaissant au même moment : la découverte
de la première particule d’antimatière, par Carl
Anderson, en 1932.
Ce
sont les physiciens nucléaires, qui
travaillent à cette époque sur la bombe atomique, qui vont se passionner pour
les colossales densités et températures supposées régner au tout début de
l’univers. Hans Bethe va
ainsi tenter d’expliquer pourquoi les
étoiles brillent par un ensemble de réactions nucléaires. L’équivalence
entre masse et énergie, découverte par Einstein, est l’un des facteurs
explicatifs. C’est ainsi que l’on fabriquera de l’hélium à partir
d’hydrogène.
Quels sont les arguments en
faveur de cette théorie du big bang ?
1er argument : Les astronomes ont réussi
à capter les toutes premières émanations de la lumière en train de se
dissocier de la matière ; ces émanations baignent tout notre univers
d’une manière égale et constante ; ce sont des grains de lumière qui
dominent très largement l’univers de leur nombre : 1 milliard pour
chaque particule de matière ! Cette découverte, déjà prédite en 1946
par George Gamow, est faite en 1965,
un peu par hasard, grâce à la radioastronomie et
à deux radioastronomes américains : Arno
Penzias et Robert Wilson.
Ce faible rayonnement - la lumière en question est froide (- 270° C) et peu énergétique
- sera appelé « rayonnement
fossile ».
2e argument : Les objets cosmiques, contrairement à nous, sont tous formés
d’un quart d’hélium et de trois quarts d’hydrogène.
Autrement dit, il n’y a pas en eux d’éléments chimiques lourds (tels par
exemple que le calcium, le zinc, le cuivre... dont nous sommes faits) mais
seulement les deux éléments chimiques
les plus légers de l’univers et toujours
dans la même proportion. Comment
s’expliquer une telle homogénéité ?
Cette
homogénéité doit refléter les origines des corps cosmiques : les étoiles
sont composées en majorité d’hydrogène et l’hélium est lui-même composé
d’hydrogène. L’hydrogène est donc
un élément premier, présent au tout début de l’univers.
Qu’en est-il de l’hélium ?
Les éléments chimiques lourds, eux, peuvent être fabriqués dans les coeurs
brûlants des étoiles car ces coeurs sont de véritables fours cosmiques libérant
une énergie nucléaire énorme. En revanche, si ces mêmes coeurs avaient
fabriqué de l’hélium en grande quantité, l’énergie libérée aurait été
bien plus grande que celle que l’on observe dans l’univers. De plus,
l’absence actuelle de l’énergie libérée dans la fabrication de l’hélium
peut s’expliquer par la dilution de cette énergie due à l’expansion de
l’univers. L’hélium doit donc être aussi un élément
primordial, existant avant la formation des étoiles.
L’hydrogène
et l’hélium étant les deux seuls éléments chimiques qui aient pu exister
au tout début de l’univers, leurs
quantités relatives ont dû être fixées une fois pour toutes et ne dépendraient
plus de l’évolution des étoiles et des galaxies (évolution qui était
la cause de la grande variation en quantité des éléments chimiques lourds.)
Les calculs prédisaient qu’environ 3 minutes après le big bang, le quart de
la masse de l’univers était fait d’hélium et les trois quarts restants étaient
de l’hydrogène. Or, c’est bien ce qu’on observe dans les étoiles et les
galaxies...
3ème argument :
C’est la mesure de l’âge de l’univers. Il existe trois manières différentes et totalement indépendantes
l’une de l’autre qui permettent de mesurer cet âge ; or, il se trouve
que les résultats de ces trois calculs se rejoignent : l’adepte du big
bang a donc de quoi se réjouir !
Premier procédé :
par un calcul compliqué, il s’agit de mesurer
le mouvement des galaxies - mais
uniquement celui qui est dû à
l’expansion de l’univers. Il faut donc éliminer tous les mouvements dus
à la gravitation. De plus, il faut pouvoir mesurer la luminosité des étoiles
les plus lointaines car la lumière met
du temps pour nous parvenir ; regarder
les étoiles les plus lointaines, c’est donc regarder vers le passé. Un
autre problème se pose alors : les étoiles, d’une galaxie à l’autre,
n’ont pas la même histoire. Certaines peuvent être plus brillantes tout en
étant plus éloignées. D’autres problèmes se posent encore, qui font
qu’au total, la mesure de l’âge de l’univers est forcément très imprécise.
Néanmoins, on peut dire qu’il a entre
10 et 20 milliards d’années !
Deuxième manière
de calculer l’âge de l’univers : l’étude
des amas globulaires, qui contiennent les étoiles les plus petites,
celles qui brûlent leur énergie le plus lentement. Ce sont donc
elles les plus anciennes. Or, on
a estimé que ces étoiles avaient entre
12 et 20 milliards d’années -
calcul qui rejoint le précédent !
Troisième manière
d’estimer l’âge de l’univers : calculer
la durée de vie de certains atomes, qui meurent et se transforment en
d’autres. Or, par un calcul savant, on
obtient, pour les atomes les plus anciens, un âge compris entre 10 et 20
milliards d’années.
Néanmoins, il existe aussi
des contre-arguments :
1er contre-argument : L’univers est homogène : le rayonnement fossile est exactement le même
partout ; or, la lumière met du temps à parvenir quelque part. Comment
donc expliquer que malgré les immenses distances de l’univers, toutes les régions
de celui-ci aient pu s’homogénéiser ainsi ? Cela implique que tous les
éléments de l’univers aient été constamment en relation les uns avec les
autres - ce que la théorie du big bang paraît contredire.
2e contre-argument : L’univers est structuré ; il présente donc des irrégularités.
Comment celles-ci ont-elles pu se produire à partir d’un état si uniforme ?
Comment la complexité a-t-elle pu surgir de la simplicité ? Mystère...
3e contre-argument : Au commencement, la matière et l’antimatière se côtoyaient. Or, où
est passée l’antimatière ?
Pourquoi vivons-nous dans un univers exclusivement composé de matière ?
4e contre-argument : On a constaté que l’univers était plat et on ne comprend pas
pourquoi :
cela signifie que les deux grandes forces qui s’opposent dans l’univers -
son expansion, qui éloigne les galaxies les unes des autres, et la gravitation,
qui rapproche les corps cosmiques les uns des autres - sont miraculeusement équilibrées.
Comment expliquer cet extrême degré de précision qui permet à
l’univers de ne pas s’effondrer sur lui-même ou, à l’inverse, de pas se
diluer au point que les galaxies auraient été incapables de se former ?
Deux réponses ont pu atténuer
la portée de ces contre-arguments :
-
La recherche, dans l’ordre de
l’infiniment petit, d’une superforce
qui unifierait les quatre forces en présence dans l’univers (gravitation
qui rapproche les corps visibles, force électromagnétique qui rapproche les
particules de charge électrique opposée, force nucléaire faible qui désintègre
les atomes et force nucléaire forte, qui assemble les particules les plus
petites, quelles que soient leurs charges électriques).
-
L’idée d’une phase d’expansion
extrêmement rapide (dite inflationnaire) dans les premières
fractions de seconde de l’univers. Dans ces conditions d’expansion extrêment
forte, l’univers est tellement minuscule que toutes ses parties sont en
contact les unes avec les autres : la lumière a alors le temps d’y
diffuser son rayonnement de manière homogène. Par ailleurs, cette période
d’inflation permet également d’expliquer la platitude de l’univers :
la géométrie de l’espace s’aplatit à cet instant puisque l’univers
gonfle démesurément d’un seul coup. Les irrégularités ou structures que
l’on observe à présent dans l’univers seraient, quant à elles, celles qui
caractériseraient la soupe - plus ou moins dense - d’électrons, de quarks,
de neutrinos, de photons et de leurs antiparticules, apparus très rapidement,
eux aussi, toujours du fait de cette inflation-éclair. Au cours de
l’expansion de l’univers, ces irrégularités n’ont pu que grossir elles
aussi et devenir des structures...
Dans les années 50, les physiciens se pencheront sur la question
de la synthèse entre les éléments chimiques de plus en plus lourds au coeur
des étoiles. Georg Gamow et ses collègues vont alors
revoir plus précisément le scénario du big bang, qui se précise ainsi
:
1) Au commencement a lieu un
gonflement d’énergie, appelé big bang, qui fait naître
l’univers : celui-ci est si minuscule qu’il tiendrait dans une tête
d’épingle. Lumière et matière y sont mêlées dans une sorte de soupe
primordiale, un vide cosmique et brûlant qui grouille d’énergie (ce
qui fait penser au chaos de tous les grands mythes de l’univers). De ces
deux formes - lumière et matière - que prend l’énergie, c’est la
lumière qui l’emporte et qui règne en maîtresse : une lumière
très chaude et énergétique. |
2) Immédiatement après ce
gonflement initial, l’univers se dilate brusquement et très rapidement :
c’est la période dite de l’inflation. |
3) Puis le rythme de la
dilatation se ralentit et dans le vide plein d’énergie vont se former
d’étranges créatures : photons, neutrons, protons, électrons,
neutrinos.... La matière côtoie l’antimatière ; elles sont
naturellement en conflit l’une avec l’autre mais c’est la matière
qui va l’emporter de peu. La matière visible est alors à l’état de
puzzle non construit. |
4) Ensuite, la température
baisse et la matière commence à s’organiser. |
5) C’est alors que va se
produire un événement décisif : une dissociation de la lumière et
de la matière - ce qui rappelle le « Et la lumière fut » de
la Bible... De ce qui s’est passé exactement avant cet instant, nous ne
pouvons rien dire. |
6) Au bout de quelques
milliards d’années, des étoiles se forment et se regroupent.
L’univers est constitué. |
Ajoutons
que la radioastronomie permettra
aussi de détecter les ondes radio
provenant du cosmos : ce sont des ondes de même nature que les ondes
lumineuses classiques mais de longueurs d’onde beaucoup plus grandes. On
peut ainsi explorer le ciel sans se servir de la lumière... On constate
aussi que la plupart des radiosources se trouvent hors de la Galaxie et que les
plus brillantes (donc proches) sont beaucoup moins nombreuses que les plus
faibles (donc lointaines). On en conclut que les
radiosources étaient plus nombreuses dans le passé. Voilà qui de nouveau
paraît conforter la théorie du big bang, selon laquelle l’univers évolue.
Parmi ces radiosources,
on va repérer une nouvelle catégorie
d’objets célestes auxquels on va donner le nom de
quasar : ce sont des sources lumineuses dégageant plus d’énergie
que des centaines de galaxies réunies, tout en ayant des dimensions très réduites.
On peut ainsi les détecter de très loin et reculer les limites du cosmos
observable.
En
1967, on découvre les pulsars,
étoiles à neutrons, dotées d’un champ magnétique, dont le
rayonnement électromagnétique est capté sous forme d’impulsions périodiques
très brèves. C’est ce qui reste du cœur
d’une étoile massive défunte.
Au
début du XXème siècle, une autre révolution se prépare, en marge des révolutions
astronomiques. Loin des espaces intergalactiques, elle se fait dans le monde
infiniment petit des particules : en
1900, Max Planck formule la théorie des quanta d’énergie. C’est
l’aube de la mécanique quantique. Einstein applique cette théorie à la lumière.
Mais c’est le physicien danois Niels
Bohr (1885-1962) qui fera
triompher cette nouvelle vision du monde des particules en appliquant la théorie
à l’atome. Ainsi progresse-t-on
dans l’idée que l’on peut se faire de l’univers lors des premiers
instants du big-bang. Mais cette
conception révolutionnaire, qui va donner des résultats spectaculaires sur
le plan technique et pratique, rend tout
simplement l’univers impensable pour l’intelligence humaine !
C’est
pourquoi tous les physiciens qui sont en un certain sens les héritiers de
Newton - Einstein en tête - et qui défendent une conception classique de
l’univers, vont unir leurs forces pour tenter de contredire cette nouvelle théorie.
En effet, la physique des quantas apparaît
incompatible avec la théorie de la relativité générale. Longtemps,
Einstein a combattu les idées de Bohr. Mais celui-ci triomphe
finalement.
Jusqu’alors, le modèle de
l’atome était un système solaire miniature : un noyau, comparable au Soleil, se trouvait au centre d’un ballet
d’électrons - semblables aux planètes. En
1912, Niels Bohr va montrer que ce système ne permet pas d’expliquer
pourquoi les atomes demeurent stables. Il impose alors aux électrons des
orbites bien déterminés. Il découvre
que l’énergie des électrons est quantifiée : ses valeurs correspondent
aux différents orbites des électrons. Ceux-ci ne peuvent changer d’orbite
qu’en sautant d’un niveau d’énergie à un autre.
De son côté, Louis de
Broglie pense que la matière se comporte comme la lumière, telle qu’Einstein
l’a décrite : elle est tantôt une onde (qui peut se diffuser dans tout un espace donné, tantôt une particule (qui n’occupe qu’un point de cet espace).
Pour sauver la vision classique de
l’univers, de Broglie explique que la matière se comporte comme une onde
lorsqu’elle n’est pas observée et qu’elle se transforme en particule
quand on l’examine - les photons que lui envoie l’appareil d’observation
modifiant alors la forme que prend la matière.
Mais cette explication, qui plaît beaucoup à Einstein,
ne satisfait pas du tout Bohr qui s’acharnera
à montrer qu’en réalité la matière
n’est ni une onde ni une particule et que tenter de la décrire est une
absurdité : pour lui, ce qu’on
appelle particules ne sont que des probabilités, des virtualités. En
somme, c’est presque comme si elles n’existaient pas vraiment. Elles ne
se mettent à exister que quand on les observe...
Bohr réussit à convaincre un
grand nombre de physiciens, qui se réunissent sous le nom d’Ecole de
Copenhague :
Heisenberg qui en 1927 formule son célèbre principe
d’incertitude ; Schrödinger ;
Max Born... Celui-ci
montre que les particules quantiques vivent dans un monde flou, indéterminé.
Elles ne se manifestent comme des particules que lorsqu’elles interagissent
avec le monde macroscopique, donc avec l’intervention d’un observateur. Et le résultat de toute mesure de ces particules (mouvement, position)
est fondamentalement imprévisible car aléatoire - c’est-à-dire gouverné
par le hasard. Certains diront même que c’est l’esprit humain qui
« invente » des particules qui, en réalité, ne sont nullement des
choses. C’est comme si l’univers ne pouvait plus exister en dehors de
l’observation humaine, comme si parler d’un univers extérieur à nous
n’avait plus de sens !
Ce
flou quantique explique pourquoi au début de l’univers le vide peut être
peuplé de particules et d’antiparticules fantômes qui apparaissent et
disparaissent sans cesse.
Einstein,
durant le reste de sa vie, va essayer d’anéantir cette théorie étrange.
« Dieu ne joue pas aux dés ! » dira-t-il. Mais il meurt sans
avoir pu parvenir à ses fins. L’univers
semble devoir rester définitivement « voilé », comme le dira le
physicien Bernard D’Espagnat, tant qu’on veut l’étudier comme un
objet extérieur à nous, posé devant nos yeux.
Qu’est-ce alors que l’univers ? On ne peut rien
en dire. Il
n’est plus qu’une sorte de fantôme qui prendrait un malin plaisir à cacher
son identité. Il n’est plus rien d’autre que des équations, des calculs de
probabilité...