DEUXIEME TRIMESTRE 2005 :

Le Bonheur

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Changer notre vision...
de Matthieu Ricard
 
 

Changer notre vision du monde n'implique pas un optimisme naïf, pas plus qu'une euphorie artificielle destinée à compenser l'adversité. Tant que l'insatisfaction et la frustration issues de la confusion qui règne en notre esprit seront notre lot quotidien, se répéter à longueur de temps : "je suis heureux !" est un exercice aussi futile que repeindre un mur en ruine. La recherche du bonheur ne consiste pas à voir la "vie en rose", ni à s'aveugler sur les souffrances et les imperfections du monde.

Le bonheur n'est pas non plus un état d'éxaltation que l'on doit perpétuer à tout prix, mais l'élimination de toxines mentales comme la haine et l'obsession, qui empoisonnent littéralement l'esprit. Pour cela, il faut acquérir une meilleure connaissance de la façon dont fonctionne ce dernier et une perception plus juste de la réalité.

Extrait de Plaidoyer pour le bonheur, de Matthieu Ricard, éditions NIL

La seule chose...
de Andrew Cohen
 
 

La seule chose qui nous maintient en esclavage est la croyance, non mise en question, que quelque chose de fondamental nous manque. Donc, par ignorance de notre état naturel, nous nous attachons aux gens et aux choses, convaincus que grâce à ces liens nous trouverons le bonheur et la satisfaction.
Mais cela ne marche jamais ainsi. Car là où il y a attachement, il y a peur de perdre. Et là où il y a la peur, il ne peut jamais y avoir de véritable bonheur ou de satisfaction profonde. C'est la révélation de l'Éveil elle-même qui nous montre tout ceci directement — la vérité pérenne que le véritable bonheur et la seule satisfaction durable sont en nous-mêmes en tant que notre Vrai Soi, notre état naturel, déjà plein et intègre tel qu'il est.
Mais dans ce monde d'obscurantisme, nous sommes tous profondément conditionnés à croire que le bonheur et la satisfaction se trouvent quelque part en dehors de nous-mêmes. Quand nous voulons véritablement être libres, nous renonçons à cette façon de penser. Nous la laissons tomber parce que nous avons eu des aperçus du bonheur profond qui est déjà présent au fond de notre conscience, un contentement continu qui ne sera nôtre que lorsque nous aurons enfin cessé de chercher à l’extérieur de nous-mêmes.

Extrait de Vivre l'Eveil, de Andrew Cohen, Ed. Le Club

Dans ce livre inspiré, Andrew Cohen nous entraîne à la découverte de notre véritable nature, le Soi primordial. L'éveil au contexte, immense et profond, dans lequel se déroulent nos vies individuelles, nous libère des limites étouffantes de nos peurs et de nos désirs égocentriques. Cette expansion de conscience nous rend disponibles pour participer au déploiement d'une nouvelle dimension du monde humain. Vivre l'éveil, c'est répondre, dans l'instant, à l' impératif d'évolution qui nous appelle au plus profond de nous-mêmes.

Né en 1955 à New York, Andrew Cohen eut à seize ans la révélation spontanée que la totalité de la vie est une seule et même conscience. Ce fut pour lui le point de départ d'une quête passionnée de vérité qui guide et inspire sa vie tout entière. En 1986, une expérience spirituelle radicale transforma sa relation au monde. Depuis, il partage son expérience avec un auditoire qui ne cesse de grandir. Jamais figé, Andrew Cohen pose un regard toujours neuf sur la perspective éveillée, exploration dont il rend compte à travers ses livres, ses conférences et les retraites qu'il anime dans de nombreux pays. Il dirige également un centre de retraite international dans le Massachussets.
son livre

 
Il est un état...
de Jean-Jacques Rousseau
 
 

Il est un état où l'âme trouve une assiette assez solide pour s'y reposer toute entière et rassembler là tout son être, sans avoir besoin de rappeler le passé ni d'enjamber sur l'avenir ; où le temps ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours sans néanmoins marquer sa durée et sans aucune trace de succession, sans aucun sentiment de privation, ni de jouissance, de plaisir ni de peine, de désir ni de crainte que celui seul de notre existence, et que ce sentiment seul puisse la remplir tout entière ; tant que cet état dure, celui qui s'y trouve peut s'appeler heureux, non d'un bonheur imparfait pauvre et relatif, tel que celui qu'on trouve dans les plaisirs de la vie, mais d'un bonheur suffisant, parfait et plein, qui ne laisse dans l'âme aucun vide qu'elle sente le besoin de remplir »

Extrait de Rêveries du promeneur solitaire, 5ème promenade, de Jean-Jacques Rousseau, issu de la revue 3ème Millénaire, N°75 (voir article suivant)

"Je suis heureux"
de Serge Carfantan
 
 

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais il y a quelque chose qui sonne étrangement artificiel dans l’affirmation « je suis heureux ». Il y a presque une sorte de malaise implicite dans cette formule. Pourquoi?
« Je suis heureux » sonne faux parce que lorsque le bonheur est là, je, n'est pas. Il n'y a pas de moi pour s'approprier quoi que ce soit et encore moins pour se vanter de la possession exclusive de cet « objet » que serait soit-disant le bonheur.
Le bonheur n'est pas un objet. Un objet peut seulement au contact du soi éveiller ce frémissement que l'on appelle la joie. Il n'est pas évident que le bonheur et la joie soient exactement la même essence ou encore que le bonheur doive être formaté sur l’expression de la joie. Le bonheur est un peu comme l’eau tranquille et la joie comme son ondoiement vivant.

[...]

Alors oui, nous nous sommes trompés. Nous nous sommes complètement fourvoyés en voulant appeler un bonheur lointain, En inventant le tourbillon de la poursuite du bonheur. Expression qui ne veut strictement rien dire. Il n'y a rien à chercher qui puisse être le bonheur. L'idée même de recherche suppose par avance que vous êtes privé de ce que vous cherchez et elle implique qu'il vous faut donc poursuivre ce que vous ne possédez pas encore. Vous êtes donc à la merci de tous ceux qui vous proposent une forme de consommable conduisant au bonheur : du canapé convertible, au chalet dans les Alpes, de la prothèse dentaire éblouissante, aux mille et une techniques de contorsions du mental, du corps et des émotions, jusqu'aux aventures les plus lointaines des voyages éperdus. Et pour arriver où ? A Soi. Seulement à soi. On peut donc, à partir de cette illusion vendre des recettes du bonheur. Alors même qu'il ne s'agit que de revenir dans cet espace heureux de l'âme qu'est le bonheur. Alors qu'il n'est question que de coïncider avec la Vie, sans même qu'il soit nécessaire de chercher cette coïncidence. Parce qu'elle existe déjà.

Extrait de "Y-a-t-il des recettes du bonheur", article de Serge Carfantan dans la revue 3ème Millénaire, n° 75

Serge Carfantan est professeur agrégé de philosophie. Il étudie depuis plus de 30 ans la pensée indienne antique et ses prolongements contemporains. Il est l'auteur de Conscience et connaissance de soi (Presses Universitaires de Nancy, 1992) et développe actuellement un site internet consacré à la Philosophie et à la Spiritualité... Site internet : http://perso.club-internet.fr/sergecar/index.htm Voir aussi les articles parus dans 3` millénaire n°68, 69 et 71.

Souffrance ou Bonheur
de Ramana Maharshi
 
 


Mais pourquoi faut-il qu'il y ait de la souffrance maintenant ?


Bhagavan – Sans souffrance, comment le désir d'être heureux pourrait-il naître ? Si ce désir ne se manifestait pas, comment la quête du Soi pourrait-elle voir le jour ?

Alors, toute souffrance est-elle donc bonne ?

Oui. Qu'est-ce que le bonheur ? Est-ce un beau corps sain, des repas réguliers, et ainsi de suite ? Même un empereur, jouissant pourtant peut-être d'une excellente santé, connaît des ennuis sans fin. Toutes les souffrances proviennent donc de la notion erronée : « je suis le corps ». Se débarrasser de pareille croyance est connaissance.
Nul n'est jamais éloigné du Soi et, par conséquent, tout le monde est déjà réalisé dans le Soi ; simplement – voici le grand mystère – les gens l'ignorent et veulent réaliser le Soi. La réalisation consiste simplement à se débarrasser de l'idée erronée que l'on n'est pas réalisé, sinon il ne serait pas éternel ; et uniquement ce qui est éternel mérite tous nos efforts.
Une fois éradiquée la fausse notion « je suis le corps » ou « je ne suis pas réalisé », seule demeure la Suprême Conscience ou Soi et, dans l'état actuel de connaissance, les gens appellent cela la « Réalisation ». Mais, en vérité, la Réalisation est éternelle et existe déjà, ici et maintenant [1].
La conscience est pure connaissance. C'est d'Elle que naît le mental, lequel est constitué de pensées [2].
L'essence du mental est pure conscience ou éveil. Toutefois, quand l'ego l'assombrit de nuages, elle fonctionne comme raisonnement, pensée, ou perception. N'étant pas limité par l'ego, le mental universel n'a rien en dehors de lui-même et, par conséquent, il n'est que conscience. C'est ce que la Bible veut dire par « Je suis ce Je suis » [3].

Le mental tourmenté par l'ego voit sa force sapée et il est trop faible pour résister à des pensées pénibles. Le mental dénué d'ego est heureux, comme nous le voyons dans le sommeil profond sans rêves. Il est donc clair que bonheur et douleur ne sont que des modes du mental.
[1] - Talks with Ramana Maharshi, § 451.
[2] - Talks with Ramona Maharshi, § 482.
[3] - Exode, III, 14.


Ce texte est extrait de l'édition française à paraître courant 2005 aux éditions InnerQuest, sous le titre « Ainsi parlait Ramona Maharshi » ; textes rassemblés et commentés par Arthur Osborne, traduits par Patrice Repusseau (pour tout renseignement : innerquest@free.fr
ou www.inner-quest.org)

BHAGAVAN SRI RAMANA MAHARSHI (1879-1950) A RÉALISÉ LE SOI ET SES TROIS ASPECTS, ÊTRE, CONSCIENCE ET FÉLICITÉ, PAR L'INVESTIGATION DU « QUI SUIS-JE ? » JUSQU'À CETTE COÏNCIDENCE ÉVIDENTE D'ÊTRE, « JE SUIS LE SOI », DANS, ET AVANT MÊME, TOUT QUESTIONNEMENT, EN DEMEURANT DANS LA DEMEURE DU SOI QU'IL EST LUI-MÊME, « CELA ».

Bien-être ou Bonheur
de Guy Corneau
 
 

...Cela me conduit à préciser qu'il est très important de ne pas confondre bien-être et bonheur. Le bien-être résulte de la satisfaction des besoins. Pourtant, on peut se poser la question suivante : s'agit-il véritablement d'une satisfaction ou plutôt d'une absence d'insatisfaction ? Par exemple : vous rencontrez un homme ou une femme qui se révèle être une véritable bombe sexuelle. Tous vos besoins de sensualité s'en trouvent comblés et vous pensez avoir atteint le septième ciel. Combien de temps croyez-vous qu'un tel paradis saura vous rassasier sans vous lasser ? Vous venez d'acheter la voiture de vos rêves... Combien de temps durera la lune de miel ? En fait, la satisfaction des besoins n'entraîne pas le bonheur, mais plutôt un bien-être qu'il faudrait interroger : es-tu bonheur véritable ou éloignement temporaire du malheur ?
Si l'on s'attache trop à nos bien-être passagers, ils risquent de nous garder prisonniers de nos personnages et d'empêcher la satisfaction des grands élans qui, eux, sont porteurs de bonheur. C'est d'ailleurs un point qui apparaît dans la lettre mentionnée plus haut. Son auteur nous dit en clair que, lorsqu'elle est dans un processus de créativité, elle ne voit plus le temps passer, qu'elle se sent remplie. Elle ne souffre pas alors de son vide habituel. Elle est nourrie par la vibration créatrice.
Les grands élans favorisent le bonheur parce qu'ils sont porteurs de représentations qui donnent du sens et qui permettent de tolérer l'angoisse, les difficultés et même la non-satisfaction de certains besoins. Même la frustration de besoins fondamentaux comme la nourriture ou le gîte peuvent être transcendés, Nombreux sont ceux qui ont su sacrifier la satisfaction immédiate de leurs besoins pour s'inscrire dans la poursuite du sublime. Qu'il s'agisse d'artistes, de pacifistes ou de mystiques, la quête de l'idéal permet souvent d'atteindre le bonheur là où la satisfaction des besoins ne le peut pas. Mieux, la poursuite de cet idéal permet l'expérience de joies très intenses qui transforment l'être au mépris de la satisfaction de certains besoins, et même dans la privation de certaines satisfactions,
L'exemple de Bernard Voyer parlant de l'Everest me revient à l'esprit à nouveau. Que de privations endurées et de frustrations ressenties pour quelques minutes à peine de joie sur le toit du monde ! Pourtant, cette joie est la marque d'un triomphe, non seulement sur une montagne, mais sur la tyrannie des besoins personnels. Citons d'autres exemples : Mère Teresa en Inde, l'abbé Pierre en France, ou Nelson Mandela en Afrique du Sud...

Extraits de Victime des autres, bourreau de soi-même, de Guy Corneau, éditions Robert Laffont, 2003

Guy Corneau, analyste jungien, fondateur du Réseau Hommes Québec en 1992, participe à de nombreuses conférences et anime des séminaires dans le monde entier.
pour voir son livre

Le vaisseau qui porte les êtres...
d'un Anonyme
 
 

Le vaisseau qui porte les êtres flotte
Sur l'océan illusion.
Dans le vaisseau, les passagers s'entre-combattent
En une mêlée qui les meurtrit tous.
La douleur se propage de l'un à l'autre
Avec la rapidité du feu dans la jungle.
Chacun se détourne des actions bienfaisantes.
Ainsi, le bonheur se révèle aussi éphémère
Que l'étoile du matin au lever du jour.
Comme chacun s'adonne à des actes mauvais,
Le malheur se glisse lentement, avec persistance,
Comme les ombres du soir.
La convoitise et la luxure percent un trou
Dans la meule de la haine et de la colère
Et, par ce trou, coule comme du grain,
Le bonheur des hommes et des dieux.

Le Bosquet des Lotus – Anonyme

Bonheur ou béatitude
de Virgil
 
 

Le bonheur n'a aucune fermeté, aucune solidité ; et la différence avec la béatitude, c'est que tu n'as pas besoin de chercher : tu es comblé, en paix, et tout est égal. Ce n'est pas un jour oui et un autre non. C'est permanent avec parfois plus d'intensité. La béatitude n'est jamais séparée, elle ne dépend pas de l'extérieur. Tu peux tout perdre, tu peux tomber malade, mais la paix demeure.

Observez-vous, découvrez par vous-même comment vous fonctionnez, comment tout ce que vous percevez passe par l'écran de la mémoire, du conditionnement pour ensuite être projeté à l'extérieur. C'est ça nos préférences, croyances, bonheurs et malheurs. Aucun livre, aucun séminaire ni gourou, ne peut le faire pour vous.

Dans la béatitude, nous avons une énorme sensibilité qui est compassion pour tout ce qui existe. Vous vivez simplement sans projection. Peut-il y avoir un bonheur plus grand que la béatitude ?

Virgil vit au Québec depuis 1961. Ignorant l'existence de toute dimension spirituelle, il connut un éveil spontané en 1991. En quelques années, un nombre croissant de chercheurs sont venus le rencontrer. Dans ses propos, il exhorte ses interlocuteurs à vivre pleinement le présent, et les ramène toujours à eux-mêmes afin d'éviter tout attachement à sa personne ou à quiconque…

Extrait de la revue 3ème Millénaire, n° 75

Je cherche le bonheur
de Saint-Augustin
 
 

Comment se fait-il donc que je cherche le bonheur ?... Est-ce mû par le souvenir, comme si je l'avais oublié, tout en sachant encore que je l'ai oublié ? Est-ce le désir de connaître un état inconnu, dont je n'aurais jamais eu le sentiment ou que j'aurais oublié tout à fait au point de n'avoir pas conscience de mon oubli ? Le bonheur, n'est-ce pas ce à quoi tous aspirent et que personne ne dédaigne ? Où donc l'ont-ils connu pour le vouloir ainsi ? Où l'ont-ils vu pour l'aimer ? Certainement il est en nous : comment ? Je ne sais. Il y a une façon d'être heureux qui consiste dans la possession effective du bonheur. Certains ne sont heureux qu'en espérance. C'est une façon de l'être inférieure à celle des hommes qui le sont effectivement, mais qui vaut mieux que la condition de ceux qui ne sont heureux ni en fait, ni en espérance. Cependant ceux-là, s'ils étaient tout à fait étrangers au bonheur, ne le voudraient pas ainsi, et il le veulent, c'est bien certain. Je ne sais comment ils le connaissent, ni quelle connaissance ils en ont. Ce qui me tourmente, c'est de savoir si cette connaissance est dans la mémoire... Car nous ne l'aimerions pas, si nous ne le connaissions pas. Que nous en entendions prononcer le nom et tous nous convenons que c'est la chose même que nous désirons ; ce n'est pas seulement le son du mot qui nous plaît...

Ce souvenir est-il comparable au souvenir qu'on garde de Carthage lorsqu'on l'a vue ? Non : le bonheur ne se perçoit pas avec les yeux, car ce n'est pas un corps.

Est-il comparable au souvenir des nombres ? Non, car celui qui connaît les nombres ne cherche plus à les acquérir, alors qu'au contraire c'est l'idée que nous avons du bonheur qui nous incline à l'aimer et à vouloir encore y atteindre pour être heureux...

Ce souvenir est-il comparable au souvenir de la joie ? Peut-être, car, même dans la tristesse, j'évoque ma joie, comme dans le malheur je me souviens du bonheur. Or cette joie, je ne l'ai jamais vue, ni entendue, ni flairée, ni goûtée, ni touchée, mais je l'ai éprouvée dans mon âme...

Saint-Augustin, Les confessions, livre dixième, extraits des chapitres XX à XXVII, traduction Joseph Trabucco, Garnier-Flammarion, 1964.

La paix de l'esprit
du Dharmapada
 
 

 

Il n'y a pas de brûlure
Egale à la convoitise.
Pas de péché
Egal à la haine.
Nul bonheur n'est
Aussi grand
Que la paix de l'esprit

Dharmapada

Cette conviction erronée
de Arnaud Desjardins
 
 

Nous avons tous cette conviction erronée que le bonheur est dans les objets : si je peux être uni à ce que j'aime je suis heureux, si je ne peux pas, je souffre. Et l'affirmation étonnante de ces enseignements qui nous sont proposés et que nous pouvons vérifier, c'est qu'il y a là une illusion. Le bonheur, l'état complètement heureux, nous est intrinsèque, c'est notre véritable nature dont le jeu des désirs et des refus nous exile sans cesse. Un désir se lève : je veux quelque chose et, tant que je ne l'ai pas, il y a une frustration, il y a un manque et ce manque est ressenti comme souffrance. Il nous aliène de ce qu'on appelle généralement notre vraie nature ou la vraie nature de l'esprit, qui, elle, est naturellement, intrinsèquement heureuse et parfaite. Au moment où nous nous unissons à ce que nous aimons, nous croyons : cette femme m'a rendu heureux ou cette chaîne hi-fi m'a rendu heureuse, alors que c'est faux, que ce n'est pas ainsi que cela se passe. En fait, la frustration, la tension due au désir ressenti comme un manque à combler vous a exilés de votre vraie nature qui est complètement heureuse : sat chit ananda, l'être, la conscience, l'état de bonheur parfait, qu'on traduit par béatitude ou bliss en anglais.

Extrait de Bienvenue sur la voie, de Arnaud Desjardins aux éditions La table ronde, 2005

Bienvenue sur la voieson dernier livre

L'avare
de Alain
 
 

L'avare se prive de beaucoup de plaisirs, et il se fait un bonheur vif, d'abord en triomphant des plaisirs, et aussi en accumulant de la puissance ; mais il veut la devoir à lui-même. Celui qui devient riche par héritage est un avare triste, s'il est avare ; car tout bonheur est poésie essentiellement, et poésie veut dire action ; l'on n'aime guère un bonheur qui vous tombe ; on veut l'avoir fait. L'enfant se moque de nos jardins, et il se fait un beau jardin, avec des tas de sable et des brins de paille. Imaginez-vous un collectionneur qui n'aurait pas fait sa collection  ?

Alain (Émile Chartier) (1868-1951)
Extrait de "Propos sur le Bonheur"

« Le bonheur n'est pas le fruit de la paix ;  le bonheur, c'est la paix même.»  Alain  

Le bonheur suprême
de Vijayananda
 
 

Quand vous dîtes "le bonheur suprême", qu'est-ce que c'est ?

Qu'est-ce que c'est ?
Le bonheur suprême, c'est votre vraie nature, voilà.

Quand vous avez enlevé tous les voiles, tous les obstacles, ça vient spontanément.

C'est comme le soleil, il est toujours là, n'est-ce pas ?

Alors pourquoi parfois vous ne le voyez pas ?

Parce qu'il y a les nuages.

Parfois les nuages sont clairs.

Parfois ils sont noirs.

Même les nuages noirs, vous ne les voyez que parce que le soleil est derrière.

D'origine française, disciple de Mâ Ananda Moyi – figure spirituelle majeure de l'Inde moderne – Vijayânanda mène depuis plus d'un demi-siècle une intense démarche intérieure. Ce long parcours au sein de la tradition mystique de l'Inde, marqué de longues périodes de solitude, lui donne – indépendamment de toute tradition – une énergie et une autorité exceptionnelles pour la transmission de la spiritualité. Vijayânanda, qui ne délivre pas à proprement parler d'enseignement, répond ici avec simplicité et concision …

Extrait de la revue "Terre du Ciel" n°73, juillet 2005