TEXTES MAITRES MUSULMANS

 

Hallaj

Al-Ghazali

Ibn Arabi

Rûmi

 

HALLAJ

De savoir aimer

« Par orgueil je refusai le bonheur de l'amour, et je subis le châtiment de l'orgueil. J'ai un Bien-Aimé que je visite dans les solitudes. Présent et absent aux regards, tu ne me vois pas l'écouter avec l'ouïe. Pour comprendre les mots qu'il dit, mots sans forme ni prononciation et qui ne ressemblent pas à la mélodie des voix. C'est comme si en m'adressant à lui par la pensée, je m'adressais à moi-même. Présent et absent, proche et lointain. Les figures des qualificatifs ne peuvent le contenir : Il est plus près que la conscience pour l'imagination, et plus caché que les pensées évidentes. Entre toi et moi, il y a un " je suis" qui me tourmente. Ah ! Ôte par ton "je suis" mon "je suis" hors d'entre nous deux. »

 

O toi qui poses des questions sur notre aventure, si tu nous avais vus, tu ne nous différencierais plus, je suis devenu celui que j'aime, et celui que j'aime est devenu moi. Nous sommes deux esprits, fondus en un seul corps pour nous, depuis que nous sommes en confiance mutuelle, les gens mettent notre légende en proverbes. Lorsque tu m'as aperçu, tu l'as aperçu, et lorsque tu l'as aperçu, tu nous as aperçus. Son esprit est mon esprit, et mon esprit son esprit. Nous sommes deux esprits vivant en un seul corps. »

AL-GHAZALI

« En résumé, aucune chose ne peut persévérer par elle-même dans l'existence, excepté Celui qui subsiste Éternellement Vivant, Subsistant par lui-même, et tout ce qui est autre que Lui ne subsiste que par Lui. Si celui qui s'aime se connaît lui-même, il saura que son existence ne tire pas sa plénitude d'un autre que Lui. C'est une nécessité qu'il aime celui qui crée la plénitude de son existence, qui la conserve, qui subsiste par lui-même et sans lequel aucune existence ne peut être ignorance de soi-même et de son Seigneur. L'amour est le fruit de la connaissance. »

IBN ARABI

Conseils pour tenter d'apprivoiser la sagesse

« Ô mon ami, considère les désirs de ton âme et vois quel est leur statut au regard de la Loi. Si celle-ci te prescrit de les accomplir, alors accomplis-les. Si en revanche elle te prescrit de n'en rien faire, alors renonce. Si néanmoins, après t'être interrogé et avoir constaté que, du point de vue légal, il faut t'abstenir, si donc ton désir l'emporte et que tu passes outre, je suis convaincu que sur ce point tu es en tort mais que, cependant, tu seras récompensé pour différentes raisons : parce que tu t'es interrogé sur le statut légal en la matière avant d'accomplir ton acte: parce que ta croyance en la Loi a été assez forte pour que tu te demandes quelle est sa position sur cette question ; parce que tu as eu la conviction, après avoir su que la chose était interdite, qu'il fallait la rejeter: parce que tu t'es appuyé sur le fait qu'Allah est Pardonnant et très Miséricordieux, qu'Il efface les péchés et pardonne les offenses, et que tu as donc eu en l'occurrence une bonne opinion de Dieu ; et aussi parce que tu n'avais pas pour but de transgresser les interdits divins : enfin parce que tu étais convaincu d'avance de ce que te fixaient la prédestination et le décret divin quant à l'accomplissement de cette affaire, comme c'était également le cas dans l'histoire d'Ève avec Adam.

Telles sont les nombreuses raisons pour lesquelles tu seras récompensé en dépit de ta désobéissance car tu n'es coupable que d'un seul point de vue : avoir accompli cet acte qui n'était qu'un désir de l'âme. À ses différentes raisons s'ajoute encore le fait que cet acte t'a affligé car, ainsi que le dit l'Envoyé de Dieu

"le croyant, c'est celui que sa bonne action réjouit, et qu'afflige sa mauvaise action..." »

Profession de foi

« Celui qui marchait dans les ténèbres des nuits observa les étoiles et alluma la lampe. Jusqu'au moment où, la pleine lune dirigeant sa lumière, il délaissa les étoiles et attendit d'être au matin. Jusqu'au moment où, l'obscurité s'étant entièrement dissipée et ayant vu l'aurore briller à l'horizon. II délaissa les lampes, toutes les étoiles et la pleine lune, et guetta la lumière éclatante. »

 Profession de foi

 

DJALAL AL-DIN RUMI

 

« Au moment où la caravane est arrivée pour faire étape, tu as égaré ton chameau. Tu le cherches partout. Finalement, la caravane repart sans toi et la nuit tombe. Tout ton chargement est resté à terre et tu demandes à chacun

- Avez-vous vu mon chameau ? Tu ajoutes même :

- Je donnerai une récompense à qui me donnera des nouvelles de mon chameau !

Et tout le monde de se moquer de toi. L'un dit :

- Je viens de voir un chameau roux et bien gras. Il est parti dans cette direction !

Un autre :

- Ton chameau n'avait-il pas une oreille déchirée ?

Un autre :

-         N'avait-il pas un tapis brodé sur la selle ?

Un autre encore :

- J'ai vu partir par là un chameau à l’œil crevé !

Ainsi tout le monde te donne un signalement de ton chameau dans l’espoir de profiter de tes largesses. Sur le chemin de la connaissance nombreux sont ceux qui évoquent les attributs de l'inconnu. Mais toi, si tu ne sais pas où est ton chameau, tu reconnais la fausseté de tous ces indices. Tu rencontres même des gens pour te dire :

- Moi aussi, j'ai perdu mon chameau ! Cherchons ensemble !

Et quand enfin vient quelqu'un qui te décrit vraiment ton chameau, ta joie ne connaît pas de bornes et tu fais de cet homme ton guide pour retrouver ton chameau. »

 Le Mesnevi

De savoir regarder :

 « Des Indous avaient amené un éléphant ; ils l'exhibèrent dans une maison obscure. Plusieurs personnes entrèrent, une par une, dans le noir, afin de le voir.

Ne pouvant le voir des yeux, ils le tâtèrent de la main. L’un posa la main sur sa trompe ; il dit: "Cette créature est telle un tuyau d'eau."

L'autre lui toucha l'oreille: elle lui apparut semblable à un éventail.

Lui ayant saisi la jambe, un autre déclara : "C'est un pilier."

Après lui avoir posé la main sur le dos, un autre dit "En vérité, c'est un trône."

De même, chaque fois que quelqu'un entendait une description de l'éléphant, il la comprenait d'après la partie qu'il avait touché.

Leurs affirmations variaient selon ce qu'ils avaient perçu. L'un l'appelait « dal », l'autre « alîf ».

Si chacun d'eux avait été muni d'une chandelle, leurs paroles n'auraient pas différé.

L'ail de la perception est aussi limité que la paume de la main qui ne pouvait cerner la totalité de l'éléphant. L’œil de la mer est une chose, l'écume en est une autre ; délaisse l'écume et regarde avec l’œil de la mer. Jour et nuit, provenant de la mer, semeuvent les flocons d’écume ; tu vois l’écume, non la mer. Que c’est étrange !

Nous nous heurtons les uns contre les autres comme des barques ; nos yeux sont aveuglés ; l'eau est pourtant claire. Ô toi qui t'es endormi dans le bateau du corps, tu as vu l'eau ; contemple l'Eau de l'eau. »

Le Mesnevi

 Extraits de Le livre des sagesses d’Orient par Gilbert Sinoué, Ed. Le Club, 2000.

 

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