TROISIEME TRIMESTRE 2003 :

L'HARMONIE AVEC LA NATURE

 

semaine 27

 

semaine 28 semaine 29
 

semaine 30

semaine 38

semaine 39

 

semaine 31

semaine 37

 

semaine 32

semaine  36

 

semaine 35

 

semaine 34

semaine 33

 

Accueil

Les Maîtres spirituels

semaine 27

La fin de la vie et le début de la survivance

du Chef Seatle

En 1854, le président américain propose aux Indiens de la tribu Suquamish, au Nord-Est des Etats-Unis, de céder leurs terres en échange d'une vie parquée dans une « réserve » . Voici la magnifique réponse du chef Seattle (1786-1866), célèbre mais rarement éditée, dans sa traduction d’anthologie1.

 

Comment pouvez-vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? L'idée nous paraît étrange. Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l'air et le miroitement de l'eau, comment est-ce que vous pouvez les acheter ?

Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple. Chaque aiguille de pin luisante, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume dans les bois sombres, chaque clairière et chaque bourdonnement d'insecte est sacré dans le souvenir et l’expérience de mon peuple.

La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de l'homme rouge. Les morts des hommes blancs oublient le pays de leur naissance lorsqu'ils vont se promener parmi les étoiles. Nos morts n'oublient jamais cette terre magnifique, car elle est la mère de l'homme rouge. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs ; le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney, et l'homme tous appartiennent à la même famille.

Aussi lorsque le Grand Chef à Washington envoie dire qu'il veut acheter notre terre, demande-t-il beaucoup de nous. Le Grand Chef envoie dire qu’il nous réservera un endroit de façon que nous puissions vivre confortablement entre nous. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considérons donc votre offre d'acheter notre terre. Mais ce ne sera pas facile. Car cette terre nous est sacrée.

Cette eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières n'est pas          seulement de l’eau mais le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons de la terre, vous devez vous rappeler qu'elle est sacrée et que chaque reflet spectral dans l’eau claire des lacs parle d'événements et de souvenirs de la vie de mon peuple. Le murmure de l'eau est la voix du père de mon père.

Les rivières sont nos frères, elles étanchent notre soif. Les rivières portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez désormais vous rappeler, et l’enseigner à vos enfants, que les rivières sont nos frères et les vôtres, et vous devez désormais montrer pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour un frère.

Nous savons que l’homme blanc ne comprend pas nos mœurs. Une parcelle de terre ressemble pour lui à la suivante, car c'est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin. La terre n'est pas son frère, mais son ennemi, et lorsqu'il la conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. Il enlève la terre à ses enfants et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine de ses enfants tombent dans l’oubli. Il traite sa mère, la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu'un désert.

Je ne sais pas. Nos mœurs sont différentes des vôtres. La vue de vos villes fait mal aux yeux de l’homme rouge. Mais peut-être est-ce parce que l'homme rouge est un sauvage et ne comprend pas.

Il n'y a pas d'endroit paisible dans les villes de l'homme blanc. Pas d'endroit pour entendre les feuilles se dérouler au printemps, ou le froissement des ailes d'un insecte. Mais peut-être est-ce parce que je suis un sauvage et ne comprends pas. Le vacarme semble seulement insulter les oreilles. Et quel intérêt y a-t-il à vivre si l'homme ne peut entendre le cri solitaire de l'engoulevent ou les palabres des grenouilles autour d'un étang la nuit ? Je suis un homme rouge et ne comprends pas. L’Indien préfère le son doux du vent s'élançant au-dessus de la face d'un étang, et l'odeur du vent lui-même, lavé par la pluie de midi, ou parfumé par le pin pignon.

L'air est précieux à l'homme rouge, car toutes choses partagent le même souffle - la bête, l'arbre, l'homme, ils partagent tous le même souffle. L’homme blanc ne semble pas remarquer l'air qu'il respire. Comme un homme qui met plusieurs jours à expirer, il est insensible à la puanteur. Mais si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l'air nous est précieux, que l'air partage son esprit avec tout ce qu'il fait vivre. Le vent qui a donné à notre grand-père son premier souffle a aussi reçu son dernier soupir. Et si nous vous vendons notre terre, vous devez la garder à part et la tenir pour sacrée, comme un endroit où même l'homme blanc peut aller goûter le vent adouci par les fleurs des prés.

Nous considérerons donc votre offre d'acheter notre terre. Mais si nous décidons de l'accepter, j'y mettrai une condition : l'homme blanc devra traiter les bêtes de cette terre comme ses frères.

Je suis un sauvage et je ne connais pas d’autre façon de vivre. J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d'un train qui passait. Je suis un sauvage et ne comprends pas comment le cheval de fer fumant peut être plus important que le bison que nous ne tuons que pour subsister.

Qu'est-ce que l'homme sans les bêtes. Si toutes les bêtes disparaissaient, l'homme mourrait d'une grande solitude de l’esprit. Car ce qui arrive aux bêtes, arrive bientôt à l'homme. Toutes choses se tiennent.

Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu'ils foulent est fait des cendres de nos aïeux. Pour qu'ils respectent la terre, dites à vos enfants qu'elle est enrichie par les vies de notre race. Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.

Nous savons au moins ceci : la terre n'appartient pas à l’homme ; l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Toutes choses se tiennent.

Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Ce n'est pas l'homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu'il fait à la trame, il le fait à lui-même.

Même l'homme blanc, dont le Dieu se promène et parle avec lui comme deux amis ensemble, ne peut être dispensé de la destinée commune. Après tout, nous sommes peut-être frères. Nous verrons bien. Il y a une chose que nous savons, et que l'homme blanc découvrira peut-être un jour - c'est que notre Dieu est le même Dieu. Il se peut que vous pensiez maintenant le posséder comme vous voulez posséder notre terre, mais vous ne pouvez pas. Il est le Dieu de l'homme, et sa pitié est égale pour l'homme rouge et le blanc. Cette terre Lui est précieuse, et nuire à la terre, c'est accabler de mépris son créateur. Les Blancs aussi disparaîtront ; peut-être plus tôt que toutes les autres tribus. Contaminez votre lit, et vous suffoquerez une nuit dans vos propres détritus.

Mais en mourant vous brillerez avec éclat, ardents de la force du Dieu qui vous a amenés jusqu'à cette terre et qui pour quelque dessein particulier vous a fait dominer cette terre et (homme rouge. Cette destinée est un mystère pour nous, car nous ne comprenons pas lorsque les bisons sont tous massacrés, les chevaux sauvages domptés, les coins secrets de la forêt chargés du fumet de beaucoup d'hommes et la vue des collines en pleines fleurs ternies par des fils qui parlent.

Où est le hallier ? Disparu. Où est l’aigle ? Disparu. La fin de la vie et le début de la survivance.

  (1) Le chef des Indiens Suquamish adressa un discours, en 1854, à un commissaire américain préposé aux questions indiennes et chargé de concrétiser des « arrangements territoriaux ». La plus ancienne trace écrite de ce discours est une transcription, à partir de notes prises en 1854, publiée dans le Seattle Sunday Star du 29 octobre 1887 par Henri Smith. Le texte publié ici est la très belle traduction libre de ce dernier document, tout à fait fidèle dans l'esprit, rédigée par le scénariste Ted Perry pour des besoins filmographiques dans les années soixante-dix. On trouvera le texte original de Henri Smith reproduit sur le site Internet de la tribu Suquamish : www.suquamish.nsn.us et l'on pourra lire un recueil de textes indiens exprimant la même sensibilité dans le recueil Pieds nus sur la Terre sacrée, Denoël, 1971.

L'ÉCOLOGISTE - Vol. 4 - N° 1 . Février 2003

semaine 28

Il est un arbre

de Joseph Paul Schneider

 

Il est un arbre

qui résiste à tous les vents

c'est l’arbre d'enfance

Ses racines creusent

la terre des ancêtres

Au bord du vert

ses branches retiennent

dans son feuillage

Le chuchotement de l’invisible

   

semaine 29

Fantaisie

de Gabrielle Marquet

   

Lorsque livres et journaux

eurent dévoré des forêts,

on n'imprima plus.

 

Un poète un peu fou

proposa de planter

le contenu des bibliothèques.

 

Peut-être - va savoir

en ressurgirait-il quelques arbres ?

 

Cela marcha.

 

On attribua ces années-là

le Goncourt à un chêne,

le Fémina à un tilleul

et le Renaudot à un hêtre.

                                                                                (Inédit)

semaine 30

Pour ma femme enceinte

de Pierre Della Faille (1906-1989)

C'est trois yeux qu'il aura, notre enfant, tant nous aurons écarquillé nos yeux sur l'horreur de l'atome - deux nez, entends-tu, tant nous aurons reniflé de charniers.

La mule aura huit pattes pour notre fuite au bout des ossuaires - et si Dieu est juste, il n'aura pas de sexe, notre enfant, pour qu'un jour les oiseaux vivent en paix dans la forêt reverdie.

(L'Homme inhabitable)

 

semaine 31

Jardin

de José Millas-Martin (1921-)

   

Fongicide Poudre mouillable 80 % de Thirame pour avoir de beaux fruits sans tache Limatok détruit escargots limaces sauterelles Granulés 5 de Métaldéhyque C'est pour votre bien mon ami En période végétation des plantes à détruire Idéal mon brave pour transformer la terre en béton armé Propre et net Antigermes Très bon pour les patates Qu'on se bouffe I % de Chlorprophame Vous en prendrez bien une de plus ? Baroudeur 100 g de Glyphosate H n° 769 Désherbant systémique Détruit liserons blancs et pissenlits à fleurs jaunes Pièges à glu pour oiseaux Pas besoin de ça Fleurs qui bouffent Le jardin potager Moi j'ai un jardin propre Monsieur Comme un cimetière.

                                                                                                     (Inédit)

Extraits de Cent poèmes pour l'écologie,Coll. "espaces", le Cherche midi éditeur

semaine 32

Extrait de "L'esprit du Ch'an"

de Taisen Deshimaru

Si nous faisons confiance à la nature,

Nous pouvons être en harmonie avec la Voie.

La condition de Bouddha, l'abandon de l'ego, la vie cosmique, cela est la nature, notre nature originelle. Si nous suivons le système cosmique, nous sommes en unité avec la Voie. Sho signifie nature, quelquefois paysage, mais également «caractéristique originelle de chaque être vivant». L'activité donnée par le cosmos (ki) devient, en dernier lieu, conscience cosmique.

Maître Keizan a donné, de ce verset, le commentaire suivant

 « Ne rien rechercher, ne rien espérer.

Ni Bouddha ni démons ne peuvent surprendre.

N'être jamais dérangé ni effrayé.

 

Voir la montagne, vivre à la montagne.

Contempler le fil de l'eau, vivre dans l'eau.

 

Vouloir se coucher et se coucher.

Vouloir se lever et se lever.

 

Ne désirer ni ne fuir les sons.

N'aimer ni ne haïr les couleurs.

 

Comme le reflet de la lune flottant à la surface de l'eau.

Comme l'image reflétée sur le miroir.

 

Le dharma n'est pas troublé par le vulgaire.

 

La parole est bruyante comme le chant

de la grenouille à l'époque des amours.

Le silence est semblable à une colonne.

 

Sans peur de l'enfer ni désir du paradis,

embrasser tout le cosmos. »

 

En zazen, le cerveau frontal entre dans une phase de repos. La posture juste et la respiration exacte mènent notre cerveau vers sa condition normale, permettant au cerveau primitif de se renforcer.

Ainsi pouvons-nous adhérer complètement à la nature, comprendre notre propre nature originelle et éternelle.

D'un seul regard rapide les maîtres de la transmission et le Bouddha embrassent les trois mondes (passé, présent et futur), leur compréhension englobe tout le cosmos. Avoir foi en l'esprit, croire en notre propre nature originelle, faire confiance à la vérité du cosmos : Shin Jin Mei.

Deux hommes marchaient dans la nuit, sur un chemin traversant l'obscure forêt d'une montagne reculée. L'un des deux était aveugle, et son compagnon le guidait dans le chemin difficile. Soudain, dans les fourrés sombres, un démon se matérialisa et se dressa sur le chemin. L'aveugle n'éprouva pas la moindre crainte, tandis que son compagnon fut terrorisé. Alors l'infirme conduisit son ami...

Le secret du kendo, tel que le comprend l'esprit des grands maîtres, est inclus dans ces sept lignes :

Sans désir,

sans but,

sans recherche,

sans pensée,

ni obtenir ni rejeter,

ni saisir ni abandonner,

être libre.

semaine 33

Eh oui

de Robert Gélis

 

Ils ont coupé

le vieux pommier,

roi du verger,

et en tronçons

l'ont débité...

 

De ces morceaux

ont fabriqué

une échelle pour monter

cueillir les pommes

du pommier.

Ont été bien déçus,

car, de pommier...

il n'y en a plus!

 

semaine 34

L'aile facile

de Pierre Reverdy

 

Il a les ailes libres

des bateaux dans les mains

Et les yeux pleins de givre

du vent jusqu'au matin

 

En regardant la vague

du temps le plus amer

sur le chemin que drague

la houle de la mer

 

Et sur la frange d'or

des rêves mal rompus

Dans l'esprit qui s'endort

la mort ne veille plus

 

Mort mords les moulures du remords

les pavages dans la glace

l'image bleue qui s'efface

le visage blanc sans yeux

 

Le front pâle sans cheveux

La lune rebelle

Et sous l'arc du ciel pluvieux

L'agonie des étincelles

 

Extrait de Pierre Reverdy, Main d’œuvre, Ed. Gallimard, 2000

semaine 35

Je suis là...

de Maurice Carême

    

Je suis là où la pluie commence,

Je suis là où la pluie finit.

Je suis la paix et le silence,

La source reflétant la nuit.         

Ne me demandez pas pourquoi

Je vois les arbres me sourire,

Les fauvettes fondre de joie,           

Le ciel de juin s'approfondir,

Pourquoi je me sens comme un champ

Où, dès l'aube déjà, l'on sème

Autant de joie que de froment.

   

Extrait de A l'ami Carême, Ed. Hachette jeunesse, 1993

semaine 36

La présence

de Adonis

 

J’ouvre une porte sur ta terre

J allume le feu de la présence

dans les nuages qui se croisent ou se poursuivent

dans l'océan et ses vagues amoureuses

dans les montagnes et leurs forêts

dans les rochers

 

créant pour les nuits gravides

une patrie de cendres de racines

de chants, de tonnerre et de foudre

 

brûlant la momie des âges

  

Extrait de Mémoire du vent,(le charmeur de poussière), Ed. Gallimard, 1991

   

semaine 37

L'esprit de bienvenue ?

de Pierre Dhainaut

 

L'esprit de bienvenue, nous le ramenons des falaises

ou des forêts, nous n'entrouvrons aucune porte

sans cet effroi de surprendre, de troubler,

il n'y a pas de pièces vides, il n'y a pas de fenêtres éteintes.

Ceux qui furent présents le sont encore.

Nous laissons en suspens la moindre phrase,

le cœur ne nous appartient pas, que nous entendons battre :

quand la marche reprend ici comme sur l'herbe drue,

la craie brûlante, elle agrandit l'instant

jusqu'à réconcilier la nuit, la source,

la pulsation commune.

 

semaine 38

La rose

de Thich Nath Hanh

 

Quand vous entrez dans un jardin et que vous voyez une belle rose, vous voulez la cueillir. Mais pour cela, vous devez toucher les épines. La rose est là, mais les épines aussi. Vous devez trouver le moyen de comprendre les épines pour cueillir la rose.

Il en va de même pour notre pratique. Ne dites pas qu'à cause de la colère ou de la tristesse dans votre cœur, vous ne pouvez plus rien apprécier. Vous devez savoir comment faire face à votre colère et à votre tristesse afin de ne pas perdre les fleurs de la joie.

Il faut juste un peu de talent pour pouvoir cueillir la fleur.

Extraits de Le coeur des enseignements du Bouddha, Pocket, p 242

semaine 39

Inscription

de Jean Malrieu (1915-1976)

 

Toi qui vivras plus loin que moi

Sois fidèle au soleil. Il est sous terre

Des printemps à naître qui t'épient

Et te supplient.

Garde l'eau pure et le regard heureux.

Responsable un instant de la totalité de la terre

A toi de changer l'épaule de l'aurore rêvée.

 

(Les Cahiers bleus, no spécial Jean Malrieu, été 83)

 

   

Retour au sommaire des Maîtres spirituels

Accueil

Les textes de la semaine

Pour rejoindre ces poètes :

 Jules Supervielle / Colette / Pierre Dhainaut / Roberto Juarroz / André du Bouchet / Eugène Guillevic