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ISLAM ET SOUFISME

AUX SOURCES DE L’ISLAM  

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La Kaaba

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L'art islamique

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Bibliographie

bulletPetite histoire de l'islam
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Poèmes soufis

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 Petite introduction personnelle :

J’ai voulu, par ce compte-rendu - très partiel - de lecture, contribuer à apporter un autre visage de l’Islam : une facette essentielle, bien proche de la vision soufiste (le soufisme étant la mystique de l’Islam, en même temps qu’un mouvement d’une exemplaire tolérance et profondeur…) J’ai centré ces notes de lecture sur les aspects qui m’intéressent le plus : le symbolisme et l’art islamiques. Une manière de nous retremper aux sources même de cette religion exemplaire, quand on évite de la défigurer… Le plan de ces notes est personnel.  

 

    I)      La Kaaba de La Mecque - du centre et de l’origine :

1) La référence à Abraham :

Le Dieu de Mahomet est le même que celui des Juifs et des Chrétiens. Cependant, ce prophète voulait retrouver le monothéisme dans sa pureté originelle, refusant à la fois l’élection par Dieu d’un peuple particulier (Israël pour les Juifs) et la divinité d’un envoyé de Dieu (Jésus pour les Chrétiens) qui serait l’unique sauveur de l’Humanité. Pour Mahomet, au contraire, Dieu est, à la fois, absolument transcendant et relié à tous les êtres, sans aucune préférence ou exception, de la Création. C’est pourquoi il entend retourner au fondateur du monothéisme : Abraham, pour qui Dieu est à la fois l’Origine et le Centre absolus de l’univers.

 Origine = création, transcendance ; Centre = omniprésence, immanence.

2) Le symbolisme de la Kaaba :

La Kaaba est une boîte noire presque cubique, recouverte de tissu (comme le corps vivant de Dieu), et lieu d’anciens cultes païens : les nombreuses idoles qui s’y trouvaient ont été brisées par Mahomet lorsqu’il a conquis La Mecque. Cette Kaaba symbolise partiellement le centre et l’origine évoqués plus haut. (Elle abrite la pierre noire, devenue telle, selon la légende, parce que les fautes des hommes l’ont noircie.) C’est pourquoi les musulmans font le pèlerinage jusqu’à ce centre symbolique et accomplissent autour de lui la circumambulation. Le rite de la circumambulation mime le mouvement circulaire de la Terre autour de son axe polaire.

Pourquoi parler d’un centre partiel, relatif ? Parce que la mythologie islamique se représente, comme toutes les civilisations traditionnelles, le centre de l’univers comme un axe, dont chaque étage équivaut à un sanctuaire qui constitue le centre d’un monde particulier (il y a les mondes terrestre, angélique, céleste…). La Kaaba symbolise le centre terrestre ; l’étoile polaire, le centre céleste. Au sommet de cet axe se trouve la maison construite par Adam, le 1er homme - une demeure détruite par le déluge et reconstruite par Abraham. Quant au centre divin - le Trône -, il « englobe » si l’on peut dire tous les autres, il échappe à toute représentation, il est dépourvu de forme.

D’où la forme toute symbolique de la Kaaba : le cube ou le carré représente, comme dans toutes les traditions, la Terre, la création dans sa stabilité, la réalité créée par Dieu, la manifestation divine. Elle constitue le seul temple de l’Islam, la maison de Dieu au centre du monde terrestre. Les quatre angles de la Kaaba regardent vers les quatre points cardinaux : ce sont les piliers d’angle de l’univers, qui soutiennent la coupole divine.

3) L’importance du centre dans l’Islam :

Pourquoi cette orientation rituelle vers le centre ? On rejoint ici la signification du mot « Islam » : soumission à la volonté divine. S’orienter vers ce centre, c’est se soumettre à la volonté de Dieu, c’est intégrer la volonté humaine dans le Vouloir Universel. (Cependant, le pèlerinage à La Mecque possède aussi une dimension dynamique : les croyants se rendent sur les différents lieux touchant à l’histoire sacrée de la Bible. Enfin, ils immolent un bélier en souvenir du sacrifice d’Abraham.)

Cette importance du centre contraste avec la conception linéaire du christianisme dont les églises sont orientées vers l’Est, point où le Soleil se lève, c’est-à-dire, symboliquement, où le Christ ressuscite et offre le Salut. Les axes des églises chrétiennes sont donc parallèles, traçant le Chemin qui mène chaque personne humaine, dans son individualité, au Paradis ; tandis que chaque mosquée possédant une niche orientée vers la Mecque, toutes les mosquées convergent - se confondent, en quelque sorte - vers ce centre de l’Origine unique et absorbante de toutes choses.

Il s’agit donc d’une conception plus intérieure, plus mystique, d’un recueillement et d’un retour au centre que chaque être humain possède en lui-même, son coeur. (On conçoit ainsi que les influences de l’Hindouisme aient pu se mêler à la tradition islamique.) Le Soufisme, mystique de l’Islam, est tout entier fondé sur ce retour au centre de soi-même, qui transcende toute individualité. Du reste, l’histoire de la montée de l’Islam s’inscrit dans le contexte de la double domination des empires byzantin et perse, tous deux héritiers du naturalisme et du rationalisme de l’Antiquité grecque. L’Islam propose une autre vision de l’univers, empreinte du plus profond mysticisme.

II)   L’art islamique

1) La naissance de l’art islamique :

L’irruption de l’art islamique a été soudain et étonnamment homogène, en dépit de l’immense territoire conquis par les musulmans. Pourquoi ? Jusqu'alors, il n'y avait pas de culture arabe à proprement parler car c'était un peuple de nomades. De plus, l’idée centrale d’un monothéisme absolument pur a conduit à l’aniconisme : refus de représenter Dieu ou sa création par des images.

Cela n’a cependant pas empêché les Arabes musulmans de s’imprégner des cultures qu’ils ont rencontrées sur les lieux de leurs conquêtes et de les intégrer à leur art propre. Tout l’âge d’or de l’Islam (8ème-12ème siècle) témoigne, très souvent, d’une grande tolérance face aux autres cultures et croyances monothéistes.

De l’époque de la dynastie omeyyade, fortement contestée et bien vite remplacée par celle des Abassides, les musulmans ont tout de même retiré un goût du faste et de l’ornementation qui a enrichi leur conception de l’art. Un équilibre va s’établir entre la simplicité originelle de l’art islamique et la richesse de l’ornementation.

 

2) L’espace de la mosquée

La mosquée est par excellence le lieu où s’exhibe l’art abstrait des musulmans. Alors que, dans une église chrétienne, l’espace symbolise un temps dynamique à travers la progression vers le choeur, dans une mosquée, l’espace est statique ; il représente un état d’équilibre et de repos, l’ubiquité de l’instant présent, la plénitude constante et omniprésente. Il n’y a pas d’opposition entre la Terre (la création) et le Ciel (le divin). C’est d’ailleurs pourquoi le sol est consacré et recouvert d’un tapis que l’on doit fouler pieds nus : la Terre est aussi sacrée que le Ciel.

L’espace de la mosquée est essentiellement vide et ouvert. La lumière du jour s’y répand sans obstacles, (contrairement aux sanctuaires gréco-romains, byzantins ou romans…) L’objet de l’art islamique est l’espace lui-même (et non les corps qui s’y trouvent, comme dans l’architecture gréco-romaine), c’est-à-dire la plénitude absolue, indifférenciée. Les célèbres voûtes en fer à cheval contribuent à donner cette impression.

3) L’art abstrait

L’Islam prône l’aniconisme, à ne pas confondre avec l’iconoclasme : le Coran n’interdit pas les images : la miniature, d’inspiration persane, est parfaitement acceptée, à condition qu’elle demeure dans un contexte profane ; notons du reste qu’elle est elle-même bien peu naturaliste, très stylisée, un peu comme les icônes byzantines ou les miniatures chrétiennes du moyen âge. Il entend simplement que l’art religieux soit abstrait et se distingue de l’art profane, pour deux raisons :

-         Ni Dieu ni sa Création ne peuvent être saisis, compris par l’oeil ou l’intelligence humaine. On ne peut représenter l’inconcevable.

-         Seul Dieu est absolu : « Lâ ilâha illâ Allâh » = il n’y a pas de divinité hormis Dieu. Il faut donc éviter la tentation de l’idolâtrie, qui repose sur le culte de l’image de telle ou telle créature.

Ce problème de l’image, les byzantins l’avaient résolu en créant l’icône, où le divin vient se réfugier d’une manière stylisée et non naturaliste et par laquelle il est apte à se manifester non pas à l’oeil mais au coeur de l’homme qui la contemple. Les mystiques musulmans ont d’ailleurs toujours témoigné d’un grand respect pour l’icône et Mahomet lui-même a refusé de détruire l’image sacrée représentant, à l’intérieur de la Kaaba, la Vierge et l’Enfant Jésus, car il ne la mettait pas sur le même plan que les idoles.

La mosaïque se répand : d’abord recouverts de mosaïques inspirées de l’école byzantine, les murs de la mosquée vont se recouvrir de cubes irisés, plus ou moins transparents, qui donnent aux pavages un aspect immatériel, incertain. La lumière symbolise l’Etre des choses créées, des existences limitées : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre. » (Coran) Elle est le symbole suprême de l’Unité divine. L’artiste cherche donc à transformer la matière opaque en une vibration de la lumière. D’où la multiplication des mosaïques colorées. (Tout comme des reliefs ajourés ou des muqarnas qui captent subtilement la lumière ; l’importance des jets d’eau où danse la lumière, dans les jardins islamiques, va également dans ce sens.)

L’art visuel islamique n’est que l’extériorisation d’un état contemplatif. C’est un art actif, qui vise à transformer l’environnement de l’homme, à permettre à celui-ci d’entrer en contact avec l’invisible. Il s’agit de créer un espace vide, dont les murs couverts d’ornements visibles et entrecroisés à l’infini permettent de contempler ce qui n’a pas de forme, pas de contours, l’Insaisissable. Le tissage sans fin des arabesques, entrelacs ou figures géométriques vise à créer un rythme continu auquel le regard doit se soumettre pour dissoudre les fixations dont le mental a le secret. L’arabesque a repris le thème universel de l’Arbre de Vie mais en a stylisé la représentation (de même qu’en calligraphie le kûfi fleuri). On constate d’étonnantes similitudes avec l’art celte, d’ailleurs à peu près contemporain.

Mais cet aspect rythmique a sa contre-partie statique, intemporelle, créée par les formes géométriques, où se laisse deviner le Divin dans son acte créateur. L’art abstrait n’est pas dépourvu, loin de là, d’une dimension symbolique. Parmi les motifs les plus répandus, on trouve le polygone étoilé à huit branches : synthèse du cercle (symbole du divin, de l’origine et de la perfection) et du carré (symbole terrestre, de la création). Parmi ces formes géométriques, il faut mentionner l’importance de la sphère et du cube, dont la synthèse parfaite est présente dans l’élément architectural des muqarnas, sortes d’alvéoles évoquant les stalactites d’une grotte, multipliées comme celles des abeilles ou des cristaux. Leur fonction est d’articuler n’importe quel passage entre les surfaces planes et courbes.

Quant aux entrelacs géométriques, ils combinent le mouvement rythmique de l’arabesque avec la géométrie cristalline et intemporelle des formes qui s’entrecroisent selon d’infinies possibilités. Ils forment des figures sur lesquelles l’oeil ne peut s’arrêter car elles partent de centres multipliés à l’infini. On retrouve l’idée de l’ubiquité du Centre. C’est l’Unité au coeur de la multiplicité.

 4) La calligraphie

C’est elle qui remplace l’icône : elle porte la présence du divin.

Elle est très liée à la langue arabe, archaïque, parlée par les nomades et qui n’a rien perdu de sa richesse au fil des siècles, bien au contraire.

L’arabe est une langue avant tout sonore. Elle porte en elle la force active du Verbe originel. Nullement statique comme les idéogrammes chinois qui, isolés, symbolisent quelque chose, elle ne prend son sens que dans le rythme qu’elle forge, grâce à l’enchaînement de ses signes. Tout mot arabe est un verbe constitué de trois sons invariables. Ainsi cet « arbre verbal » peut-il toujours s’accroître. La langue arabe ne s’empare d’une chose que dans l’acte de devenir. Elle correspond à l’intelligence analytique de la mentalité arabe : à partir du rythme des choses et des êtres créés, elle rejoint l’Unité. (Celle-ci préexiste à toutes choses. Toute forme globale préexiste à ses parties. Tout découle d’elle.) La langue arabe rejoint les formes rythmiques de l’arabesque et de l’entrelacs géométrique.

 Cependant, il existe aussi un aspect statique de la langue arabe : la phrase nominale, porteuse d’intemporalité. Elle correspond à la géométrie des formes, à l’aspect cristallin de l’art islamique.

La calligraphie inscrit donc les empreintes du Verbe originel un peu partout : sur les murs extérieurs et intérieurs des mosquées, sur les coupoles et les plafonds, sur les pages du Coran… Il en existe essentiellement deux formes, correspondant aux deux aspects signalés plus haut : une écriture cursive (le neskhi), rythmique, dynamique, et une écriture plus statique (le kûfi), voire géométrique.

« Dieu est beau et Il aime la beauté. » (Le Coran)  

Pour en savoir plus : lire le livre passionnant dont ces quelques pages se sont totalement inspirées :

Titus Burckhardt, L’Art de l’Islam - Langage et signification, Sindbad, Paris, 1985.  

BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE :

Sur le Soufisme :

-         Cheikh Khaled Bentounès (avec la collaboration de Bruno et Romana Solt), Le Soufisme, coeur de l’Islam - Les valeurs universelles de la mystique islamique, éditions de la Table Ronde, Paris, 1996.

-         Nacer Khémir (textes recueillis par), Paroles d’Islam, Albin Michel/Carnets de sagesse, 1994.

-         Syvia Lipa Lacarrière (textes recueillis par), Paroles soufies,  Albin Michel/Carnets de sagesse, 1996.  

-     Salah Stétié, Le Vin mystique et autres lieux spirituels de l'Islam, Albin Michel, 2002.

Sur l’art islamique :

-         Markus Hattstein et Peter delius, Arts et civilisations de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000.

-         Hayat Salam Liebich, L’Art islamique - Bassin méditerranéen, Flammarion, Paris, 1983.

-         Hassan et Isabelle Massoudy, L’ABCdaire de la Calligraphie arabe, Flammarion, Paris, 2002.

-         Ghani Alani, Calligraphie arabe - Initiation, éditions Fleurus, Paris, 2001.

-         Azra Kidwai, L’Islam, MLP (pour l’édition française), 1998.  

 

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