MAITRE HINDOU
"Jusqu'à présent, vous vous êtes considérés comme étant le corps et ayant une forme. Là, réside l'ignorance fondamentale et la cause première de tous les maux."
Ramana Maharshi and the path of Self-Knowledge, par A Osborne. Rider,1954, pp.21, 122.
Tout
au sud de l’Inde, se dresse une petite montagne (855 m d'altitude) qui domine
la plaine avoisinante. On l'appelle Arunâchala et on la tient pour sacrée. A
son pied, près du village de Tiruvannamalaï, un grand temple, dédié à
Shiva, a été construit au XVIème siècle. Ce lieu de pèlerinage n'aurait eu
qu'une importance locale s'il n'était devenu un centre de rayonnement spirituel
connu dans le monde entier, grâce au séjour qu'y fit un sage nommé Râmana
que ses disciples saluaient du titre de Mahârshi « Grand Voyant » (par référence
aux Prophètes des premiers temps qui eurent la révélation du Véda). Né en
1879 dans une famille de brahmanes tamouls, il vécut à l'âge de seize ans une
expérience mystique qui détermina son destin. Devenu ermite, il séjourna
plusieurs années dans une grotte de la montagne sacrée en observant une ascèse
très contraignante (par exemple : mutisme absolu), ne vivant que de ce que
disposaient devant lui les pèlerins de passage.
Plus
tard, il accepta de communiquer avec ceux qui désiraient devenir ses disciples
et il s'installa dans la plaine, près du temple. On vint de toute part entendre
son message et une petite communauté (âshram) se constitua autour de lui. Dès
les années trente, des occidentaux prirent le chemin de Tiruvannamalaï pour le
rencontrer. Vers la fin de sa vie (1950) il était mondialement connu.
L'enseignement
qu'il donnait n'avait cependant rien d'original : c'était le Védânta de
stricte obédience. Mais un Védânta plus « vécu » que livresque, compte
tenu, notamment, du fait que le Mahârshi n'avait reçu qu'une éducation
succincte et tôt interrompue. Ce qui frappait ses auditeurs c'était surtout sa
« présence » et la sérénité qui s'en dégageait.
De
plus, la méthode du Maître avait de quoi surprendre : à toutes les questions
qu'on lui posait, il répondait par d'autres questions, visant à faire dire par
son interlocuteur ce qu'il aurait pu, lui-même, enseigner dogmatiquement.
Inlassablement, à la manière de Socrate, il obligeait le disciple à découvrir
la Vérité au plus profond de son être et non pas à l'extérieur : «
Personne ne saurait vous donner la Connaissance, disait-il, elle est un trésor
caché dans votre propre coeur. »
Connaissance qui se révèle d'un coup, de soi-même, lorsque le sujet comprend enfin qu'il n'est « ni ce corps, ni ce mental ni cet ego, mais le Soi (âtman) immuable, éternel. » Une autre originalité du Mahârshi était son refus du statut de gourou. N'ayant reçu l'initiation de personne, affirmant n'avoir jamais étudié aucun texte sacré, ignorant le sanskrit, il prétendait n'être qu'un témoin, un conseiller, un « accoucheur » aurait dit Socrate. Mais sans doute est-ce cette autonomie par rapport à la norme brahmanique qui attirait les individus « en recherche » et notamment les non-hindous : bouddhistes, musulmans, chrétiens. En ce qui concerne ces derniers, on peut citer Raimundo Panikkar, Bede Grifftths et surtout le père Henri Le Saux, bon exemple du contact subtil qui pouvait s'établir, à l'occasion, entre deux personnalités également engagées dans la Quête spirituelle.
«C'EST
LE SEIGNEUR QUI BRILLE AU CENTRE DE L'ESPRIT » Ramana
Maharshi, La connaissance de l'Être
Y
a-t-il une Connaissance de l'Être si ce n'est venant de Lui ? L'Être Absolu a son « être »
dans le Cœur, libre de [la dualité impliquée par] la pensée. II est le Cœur lui-même.
Qui
donc alors peut-il le concevoir et comment ? En vérité, demeurer dans le Cœur, c'est Le connaître.
[...]
Quels
que soient le nom et la forme sous lesquels nous adorons l'Absolu sans nom et informel, immanent en
tout, ce sera une aide pour le réaliser ; cependant le réaliser véritablement est seulement découvrir
son propre être dans Son Être et, se retirant en Lui être un avec Lui. [...]
C’est
le Seigneur qui brille au centre de l'esprit (comme Conscience pure) et qui l'éclaire de sa lumière.
À moins de retourner l'esprit vers l'intérieur et de l'enraciner en Lui, comment pouvons-nous Le
connaître au moyen de l'esprit individuel ?
Comme
celui qui plonge, cherchant à trouver un objet tombé au fond de l'eau, ainsi devons-nous plonger
à l'intérieur de nous-mêmes, nous concentrant, réprimant la parole et le souffle afin de trouver
le lieu d'où provient et d'où surgit le « Je ».
La
Voie de la Connaissance (Jnana-marga) consiste à plonger à l'intérieur de nous-mêmes,
sans proférer le mot « Je » sinon pour nous demander d'où ce "Je" provient. Méditer
sur « Ceci n'est pas Je » ou « Je suis Cela » peut être une aide, mais comment ces questions en
elles-mêmes peuvent-elles former matière à réflexion ?
Lorsque
l'esprit se demandant intérieurement « Qui suis-je ? » atteint le Cœur, venant de Lui-même
quelque chose se manifeste comme « Je-Je » de sorte que le « je» individuel doit, honteux,
courber la tête et disparaître. Quoique se manifestant ainsi,
il n'est pas « Je » par nature mais Perfection et n'est autre que le Soi.
Chez
ceux pour qui la Béatitude qui s'élève après la destruction de l'individualité est la substance
même du Soi, qu'y a-t-il à accomplir ? Ils ne connaissent rien d'autre que le Soi. Comment
pouvons-nous concevoir la nature de l'état où ils sont ?
Méditer
sur « Je suis cela, non ceci » et ne pas le reconnaître effectivement et demeurer comme nous
sommes - quoique les Écritures déclarent « Tu es cela » - n'est que désir du mental
puisque en fait nous ne sommes jamais rien d'autre que Cela.
« Je
ne me connais pas moi-même » ou « Je me connais moi-même », parler ainsi
est ridicule. Quoi ! Y a-t-il donc deux soi, l'un destiné à objectiver l'autre ? L'Expérience
pour tous est une.
Reconnaître
la Réalité et demeurer en elle qui seule est éternellement immuable, ceci est l'atteinte véritable
du but. Tous les autres buts sont semblables à ceux que nous atteignons en rêve. Lorsque nous nous
réveillons, sont-ils encore réels ? Ceux qui demeurent dans l'État d'absolue Réalité, libérés
de l'irréalité, ceux-là seront-ils troublés par de telles
choses ?
Extraits
tirés de Ramana Maharshi, La connaissance de l'Être, traduction H. Hartung, Tiruvanamalai,
Inde, Éditions Sri Ramanasramam. I, II, 8, 22, 28-33, 35, p. 5-13.
Remarque : Entré très tôt dans la simplicité du détachement de soi, Ramana Maharshi préférait le silence à la parole, et l'oralité à l'écriture. C'est par ses disciples que nous connaissons la teneur de ses entretiens spirituels. II a cependant dicté directement quelques très courts textes, des chants dévotionnels dans la tradition de la Bhakti tamoule, des commentaires de la Bhagavad-Gîtâ et d'ouvrages de Shankara, et deux courts traités sur le Soi, La connaissance de l'Être et Qui suis-je ?
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