ROBERTO JUARROZ

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Biographie

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Quelques notes de lecture

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Bibliographie

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Quelques poèmes

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BIOGRAPHIE DE ROBERTO JUARROZ

Né le 5 octobre 1925 à Coronel Dorrego dans la province de Buenos Aires (Argentine), Roberto Juarroz a fait des études de lettres et de philosophie à l'université de Buenos Aires et s'est spécialisé dans les sciences de l'information et de la bibliothécologie.

De 1958 à 1965, il a dirigé la revue Poesia = Poesia. Il a traduit des poètes étrangers, notamment Antonin Artaud. Il a été l'ami d'Antonio Porchia. Entre 1971 et 1984, il a été directeur du Département de Bibliothécologie et de Documentation de la faculté de philosophie et de lettres de l'université de Buenos Aires.

Mal vu des militaires argentins, il a dû s'exiler aux Etats-Unis et en Colombie. De retour en Argentine, il a dû affronter l'intolérance, cette fois, des intellectuels de gauche. A nouveau exilé, il a voyagé. Il est devenu expert de l'Unesco dans de nombreux pays d'Amérique centrale. Sa compagne, Laura Cerrato, professeur de littérature anglo-saxonne à l'université de Buenos Aires et poétesse, l'a suivi dans presque tous ses déplacements.

Il a reçu plusieurs prix de poésie, en Argentine et à l'étranger. En 1992, il a fait partie du "Groupe de réflexion sur la transdisciplinarité auprès de l'Unesco". Des écrivains et poètes tels que René Char, Octavio Paz, Julio Cortazar, Roger Munier (son traducteur) ou Philippe Jaccottet l'ont tenu en haute estime. Son oeuvre a été  traduite en une vingtaine de langues étrangères.

Il est mort à Buenos Aires le 31 mars 1995.

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QUELQUES NOTES DE LECTURE SUR ROBERTO JUARROZ

 

Des leçons. Une poésie aux branches nues, dépouillées d'images. Un arbre mort ? Tout le contraire, exactement.

"Leçons sans dogmes" : ainsi Gérard Farasse désigne-t-il la poésie de Francis Ponge.

Chez Juarroz, le dépouillement est plus vaste encore : la poésie s'y est détachée de tout objet. Presque totalement arrachée à la matérialité du monde, elle ne s'accroche cependant en rien au ciel des Idées. Car elle demeure tout entière coulée dans l'énergie de l'univers.

Curieuse poésie, sans aucun équivalent chez nous, en France, dans la mesure où elle ose manipuler des concepts. Mais de ces concepts, elle fait autre chose.

Juarroz se saisit du concept comme d'un gant ; mais au lieu que celui-ci lui serve à saisir le monde, il le retourne. Ou bien, si l'on préfère une autre métaphore, le concept, ce tiroir fermé à double tour, est ici traversé de part en part. Le poète s'amuse - en un jeu très sérieux, car vital - à le tirer, pour laisser s'envoler tout son contenu. Tiroir ouvert, gant retourné. Il n'est plus question de saisir ou de capturer le réel à l'aide des mots.

Mais pourquoi s'attaquer directement au concept, sans passer par l'image - laquelle a d'ordinaire cette vertu de substituer sa propre souplesse à la rigidité de la notion abstraite ? Il faut revenir à cette nécessité du dépouillement. S'agirait-il d'une démarche mallarméenne, désireuse de purifier le langage ? Il ne semble pas : Mallarmé n'avait pas tenté, loin s'en faut, de purifier - de libérer - le langage de l'image.

Ce goût, chez Juarroz, d'une nudité de la parole poétique, se justifie d'abord par un désir didactique très net : le poète n'éprouve visiblement aucune envie de faire s'épancher son monde intime, ses fantasmes personnels. Au contraire, il paraît chercher à transmettre au lecteur un "message" (le mot convient-il ?) universel.

On pourrait craindre sur ce point quelque rigidité classicisante. Or, nous sommes aux antipodes de tout classicisme. Et telle est la seconde justification de ce dépouillement poétique : une philosophie est ici à l'oeuvre, qui justifie celui-ci. Philosophie paradoxale, qui suscite un véritable vertige intellectuel, plus orientale qu'occidentale. Ce qui se conçoit plus aisément si l'on songe d'une part à la culture espagnole, imprégnée des pensées de l'Arabie et de l'Amérique latine ; d'autre part, à l'influence du bouddhisme zen, si vivace chez un Octavio Paz ou un Borgès...

Ainsi se comprend mieux l'obsession de la verticalité dans les titres de Juarroz. Immuable redondance, présente jusqu'à sa dernier oeuvre, son dernier souffle poétique : Poésie verticale, numérotée de I à XIV. Une forme de transcendance est recherchée, qui n'exclut pourtant pas l'omniprésence implicite de l'horizontalité, de l'immanence. Nulle théologie, nul dogmatisme. Mais le poète entend traverser totalement, transpercer la matérialité pour démonter, déboulonner tout notre système perceptif et mental, lequel épaissit, spatialise ou durcit l'univers qui nous entoure. Juarroz allège le réel d'une manière absolument neuve et radicale en poésie (si l'on excepte, bien entendu, celle des bouddhistes et mystiques de toutes confessions), tout en s'y installant - pour l'éternité.

Il s'agit donc pour lui de transformer - au sens exact et presque intransitif de ce terme : aller au delà des formes - l'univers, pour que nous puissions mieux l'habiter. Nous faire entrer dans la Vision, indépendamment de toute subjectivité. Nous faire devenir, (selon la terminologie d'Arnaud Desjardins) tout à la fois l'observateur, l'observé et l'acte d'observer.

Tout, dans cette poésie, passe par cette "rude équation" : passer = être = voir. Donnée initiale. D'où découle cette conséquence, cette exigence poétique : "Extraire la parole du lieu de la parole / et la poser à l'endroit de ce qui ne parle pas." Il n'y a pas d'images, c'est-à-dire pas d'images du monde. En revanche, on trouve des figures, sans lesquelles il ne peut exister de langage poétique. Par figures, j'entends : distorsion du discours convenu.

Il lui faut épurer le réel. C'est une urgence pour Juarroz. L'assouplir, le débarrasser de tout ce dont nos cinq sens et notre mental l'ont encombré et de ce par quoi ils l'ont travesti, défiguré. Oter les masques. Rendre le monde à sa transparence verticale, parsemée de "peut-être", ces doutes de la raison.

Mais qu'est-ce qu'un univers rendu à sa transparence ? Il se résume à une histoire de portes : il s'amincit sous la plume du poète jusqu'à n'être plus qu'un jeu de portes ; ou d'yeux, de lumières, de chemins, de ruines, parfois ; d'espaces, de murs, de fenêtres. En somme, il n'est question, indéfiniment, que du passage, du regard et de l'être (passer-voir-être) - d'une certaine posture au sein de l'espace, lui-même à redéfinir. Un espace sacré - un temple, où tout le profane cependant se retrouve.

Le poème est un temple. Et qui doit se vider. (Un peu comme ces temples shintoïstes, dont le centre est recouvert d'un voile posé sur le vide.) Pour que le poète et son lecteur atteignent le point sans forme autour duquel tournoie la parole.

Mais pour atteindre ce point - ultime bonheur, salut, vie éternelle, recommencement... - il est nécessaire de s'enfoncer dans le labyrinthe des mots du poème, où les notions se croisent sans pouvoir s'enchaîner car elles sont toutes obtuses, carrées, anguleuses. Que font donc les concepts dans le dédale du poème de Juarroz ? Tout simplement, ils se réfléchissent l'un l'autre. L'envers de l'un se mire dans l'endroit de l'autre. Le recto épouse le verso. Chaque moitié de notion se jette sur les plateaux du grand balancier de l'Ambivalence. Les lignes droites ? Elles sont bannies de la page.

Il faut apprendre à redéchiffrer le monde à la seule lumière du paradoxe. Alors, peut-être, peut commencer la véritable Expérience de la vie.

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BIBLIOGRAPHIE

I) Ses oeuvres 

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Recueils poétiques traduits en français

Poésie verticale, traduction et préface de Fernand Verhesen, Bruxelles, Le Cormier, 1962. Poésie verticale II, traduction et préface de Fernand Verhesen, Bruxelles, Le Cormier, 1965. Poésie verticale, traduction de Fernand Verhesen, édition bilingue, Lausanne, Rencontre, 1967. Poésie verticale IV, traduction et préface de Fernand Verhesen, Bruxelles, Le Cormier, 1972. Poésie verticale, traduction et préface de Roger Munier, collection «L'Espace intérieur », Paris, Fayard, 1980. Poèmes, traduction et préface de Roger Munier.Trans-en-Provence, Unes, 1983 (2e éd., 1986). Poésie verticale, traduction de Roger Munier, Paris. Lettres vives, 1984. Poésie verticale, traduction de Roger Munier, Béthune, Brandes, 1986. Poésie verticale, traduction de Roger Munier, avec une aquarelle de Lucie Ducel, Paris, M.D., 1987, édition bilingue. Poésie verticale, traduction collective, préface de Jean-Louis Giovanni, Royaumont, Cahiers de Royaumont,1998. Poésie verticale, traduction et préface de Roger Munier, collection « Poésie », Paris, Fayard (réédition augmentée de 52 poèmes), 1989.  Onzième Poésie verticale, 25 poèmes, traduction et préface de Fernand Verhesen, Bruxelles, Le Cormier, 1989 (tirage hors commerce limité à cent exemplaires). Onzième Poésie verticale, 25 poèmes, traduction de Fernand Verhesen, Paris, Lettres vives, 1990, édition bilingue identique à la précédente. Poésie verticale -Trente Poèmes, traduction de Roger Munier, Le Muy, Unes, 1991, édition bilingue. Onzième Poésie verticale - Trente Poèmes, traduction et présentation de Fernand Verhesen, Châtelineau (Belgique), 1992 (autre choix que l'édition précédente). Douzième Poésie verticale, traduction de Fernand Verhesen, présentation de Michel Camus, Paris, collection « Orphée », La Différence, 1993, édition bilingue. Treizième Poésie verticale, traduction de Roger Munier, Paris.José Corti, 1993, édition bilingue. Fragments verticaux, traduction de Silvia Baron Supervielle, Paris, José Corti, 1994. Quatorzième Poésie verticale, traduction de Silvia Baron Supervielle, Paris, José Corti, 1994.

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Prose

Poésie et Création, traduction et présentation de Fernand Verhesen, Le Muy, Unes, 1987. Poésie et Réalité, traduction de Jean-Claude Massan, Paris, Lettres vives, 1987. Fidélité à l'éclair, traduction de Jacques Ancet, Paris, Lettres vives, 2001.

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Numéro spécial

Spirale Inkari, n°7, Roberto Juarroz, entretien avec Xavier Gonzalez, présentation de Roger Munier, poèmes traduits par Roger Munier

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Écrits transdisciplinaires

« Culture, poésie et écologie », in L'homme, la Science et la Nature, volume dirigé par Michel Cazenave et Basarab Nicolescu, Paris, Le Mail, 1994 ; voir aussi Annexe 2 - Communiqué final du congrès.

« La vision qui crée ce qu'elle voit », in Sciences et imaginaire, volume dirigé par llke Angola Maréchal, Paris, Albin Michel/Cité des Sciences et de l'Industrie, 1994.

« Quelques idées sur le langage de la transdisciplinarité », in A l'aube d'une nouvelle Renaissance (comptes rendus du 1er Congrès mondial de la transdisciplinarité), volume dirigé par Lima de Freitas et Basarab Nicolescu, Paris, Le Rocher/Université internationale de Lisbonne (à paraître).  

II) Ouvrage critique de référence : Michel Camus, Roberto Juarroz, Jean-Michelplace/poésie, 2001.

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