PIERRE DHAINAUT

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Quelques notes de lecture d'un recueil

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Biographie

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Bibliographie

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Poèmes

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QUELQUES NOTES DE LECTURE DU RECUEIL Introduction au large, Arfuyen, 2001 :

- « Introduction au large » :

« Introduction » : La poésie conduit vers ou dans … « le large » : l’infini de l’univers et de la conscience ? La mer : la matrice, la force de métamorphose et de renaissance (cf. « Nuit parturiente »), l’énergie universelle ?

Paradoxe évident : comment introduire dans ou à ce qui n’a pas de limites ?

Cette introduction ne serait-ce pas tout autant une sortie, une évasion ? A moins qu’il ne s’agisse d’entrer en soi-même, mais pour en faire éclater les limites et y retrouver l’infini de l’univers, du large. Il s’agirait donc d’apprendre à sortir des limites. Lesquelles ? Celles du moi ? Celles de l’intériorité qui nous sépare du monde extérieur ? Celles d’un langage qui n’est que le prolongement de ce moi qui croit se suffire à lui-même ?

Mais s’agit-il vraiment de faire éclater des limites ? N’est-il pas plutôt question de les accepter pleinement ? « Nous n’irons pas plus loin que ce rivage »… C’est l’adhésion aux limites, aux frontières, aux obstacles, c’est donc une forme d’introduction dans les limites qui leur ôte leur caractère oppressant et y découvre la présence de l’infini, du large, de la navigation sans cesse recommencée.

  - L’importance du souffle :  

Serait-ce l'engagement vers une libération ? Cette libération semble consister en un apprentissage de la respiration :

- (...) c’est le souffle qui donne /  confiance ou forme /  aux flammes, aux regards, / à l’esprit des flammes, / si bas, si haut

- (...) le sol se soulève / et reprend haleine (...).

(…) en offrande au vent, / à l’invisible. 

Il semble que se trace une parenté entre le souffle humain et celui de l’univers, entre l’haleine et l’esprit (spiritus). Le vent est de l’ordre de l’invisible comme le souffle humain ressemble au vent. Intuition d’une conscience-énergie ?

« N’espérer de secours / que de la gorge, apprendre à faire corps avec l’air sans réserve en ne respirant qu’à son rythme / au centre, au loin […]. »

Faire sien le double mouvement qui partout et toujours anime l’univers : naissance et  mort, création et destruction, désir et crainte aspiration et renoncement… Quand je dis : « faire sien » : il s’agit plutôt d’accepter totalement ces deux pôles sans envisager une seule seconde leur relation comme une contradiction. Ne les concevoir que comme complémentaires, ce qui a pour effet, par exemple, d’éroder à la fois le désir et la crainte : « on ne craint plus d’obstacles, il n’y a plus de cibles. » Pleinement assumés, le désir et la crainte, qui bornent l’univers étriqué que s’est construit le moi, s’effacent en tant qu’émotions contraires l’une à l’autre. Ne plus être qu’un balancement, qu’un mouvement respiratoire dont les deux pôles ne peuvent exister que l’un par l’autre.

Epouser, suivre la force paradoxale qui anime le monde. Il s’agit de se laisser porter. Lâcher-prise (tâche difficile pour notre langage et nos gestes quotidiens qui visent toujours au contraire à fixer les contours du moi).

La parole semble s’effacer au profit de la respiration. Ou, plus exactement, elle ne mérite de s’élever que si elle se fait elle-même respiration : 

« …et joie comme inquiétude / nous découvrons leur secret par les lèvres. »

Lèvres ou gorge, organes de la parole, semblent ici surtout organes de la respiration. Glissement de perspective.

L’emploi de la virgule en témoigne. Loin de se limiter à sa fonction grammaticale de séparation, elle va jusqu’à contredire - ou compenser - celle-ci en assumant plutôt celle de l’équivalence, en remplaçant la conjonction « ou », qui implique souvent une alternative, un choix. Ici, la virgule place les deux termes de l’alternative sur un pied d’égalité, d’équilibre parfait. Elle incarne le balancement du paradoxe, de la respiration : « si bas, si haut » ; « avril éphémère, avril renaissant. » « sans distinguer entre averses, embellies. »

N’est-ce pas parce qu’il s’agit moins d’explorer (« nous n’irons pas plus loin que ce rivage ») que d’adhérer à l’Etre du monde ? La poésie comme un oui absolu. Loin des révoltes des années et des siècles passés.

Enfin, la parole doit réussir à construire un lieu, « une terre promise / et partagée, où s’unissent les souffles ».

- Sortir de soi :  

La poésie a vocation à accueillir le souffle de l’autre, des autres, de l’univers entier. C’est une respiration qui épouse les autres souffles. Elle suppose  donc une ouverture à l’Autre, un renoncement à construire sa propre statue, à marquer ses empreintes. L’écriture oublie l’empreinte que l’on peut tracer de soi-même ; elle n’est pas le prolongement du moi : « nous ne fixerons rien de nous ». Elle cherche moins à connaître qu’à reconnaître : non pas s’emparer de l’autre en le comprenant mais le laisser exister tel qu’il est ; « reconnaissance »… il y a aussi du remerciement, de la gratitude dans ce mot.

« Voix au-devant des voix » : parole, donc, comme rencontre, comme accueil, comme sortie hors de soi : « … ne plus respirer que pour ouvrir avec le nôtre un autre souffle. »  Il faut se libérer du langage qui opprime… des « voix qui se durcissent » ou des « phrases morcelées »…

Pour s’ouvrir à quel langage ? Le corps, par la poésie, « se livre » aux « buissons de cris qui fleurissent sans effort »… La parole poétique comme une évidence, c’est-à-dire comme une manifestation de l’énergie universelle ? Pour que le corps lui-même puisse « incarner » le fleuve ou la pierre ? 

Parole de réconciliation, et suffisamment silencieuse pour être avec le monde et non le posséder ou le réduire à sa propre substance : « ne rien dire »…

Parole fluide, transparente comme le vent ou la pierre clairvoyante. A travers elle se dit une forme de non-dualité entre l’esprit et la matière, l’homme et les objets extérieurs...

Parole mouvante, mouvement apte à épouser le mouvement du monde. Parole comme geste et non comme réceptacle : « syllabe après syllabe, geste après geste. » La parole doit dire la métamorphose, l’éclosion incessante : « nous choisirions sans cesse arborescence », s’il n’y avait qu’un mot à dire…  

- Une foi ?  

« foi » … « malgré nous »… Importance du « nous », de la communauté de pensées, de gestes.

Une foi qui serait une adhésion au langage et au monde. Une parole qui « remercie », témoigne de sa reconnaissance, qui célèbre sans emphase, qui s’emploie surtout à ne pas diviser (de cette division qu'affectionne le diable) : l’âge d’avril « ne divise pas ce que l’on nomme le matin et le soir ».

Une parole de « bienveillance ». De vigilance. D’éveil au monde et à soi-même. Une parole faite pour le don gratuit :  

- (...) nous les appelons sans rien demander. 

- (...) ne plus respirer que pour ouvrir avec le nôtre / un autre souffle. 

La poésie comme méditation.

Poésie et enfance ont partie liée : « on ne renie pas nos regards d’enfance » (Fragments et louanges) Disponibilité.

   

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BIOGRAPHIE DE PIERRE DHAINAUT

Né le 13 octobre 1935, à Lille, dans le Nord, fils d’instituteurs, il passe toute son enfance et son adolescence dans la ville ouvrière d’Armentières. Une certaine grisaille l’entoure : briques sombres, sirènes d’usines (après celles de la guerre). Ses refuges : le jardin, les Ardennes de ses vacances, un peu de campagne nordiste…

En 1946, il découvre Dunkerque et la mer. En classe de cinquième, son professeur de français lui fait connaître Victor Hugo et la poésie. Double révélation.

En 1956, il rencontre Jacqueline, qu’il épouse en juillet 1957 : l’amour qui ouvre à l’Autre. Ils s’installent près de Dunkerque. Ils déménageront plusieurs fois, mais demeureront près du rivage dunkerquois.

1959 : ce sont les débuts surréalistes et la rencontre d’André Breton. En 1960-61, il est professeur au lycée de Dunkerque. Il entretient de nombreux contacts avec des poètes surréalistes.

L’hésitation va progressivement s’accuser entre le surréalisme et une autre voie, indiquée par Jean Malrieu, dont l’influence sera capitale. 1971 : autre rencontre décisive : Bernard Noël. L’écriture est constamment interrogée. La violence de la quête culmine entre 1970 et 1977. Il finira par tourner le dos au surréalisme.

La crise se dénoue. Parallèlement s'opère la recherche d’un sacré sans théologie, qui s’accompagne d’un intérêt croissant pour l’histoire des religions et spiritualités - en particulier le bouddhisme zen et la mentalité des Dogons. Le poète fréquente aussi des peintres. Il écrit de nombreux articles critiques, parallèlement à son activité poétique. Il collabore avec des peintres ou des graveurs, dans des recueils à tirage limité.

Les  voyages en France sont nombreux. Différentes régions (la Bourgogne, les Causses, l’Auvergne, l’Aubrac, Saint-Pierre-de-Chartreuse, surtout…) marquent son univers mental par leurs paysages et leurs monuments.

L'oeuvre devient plus apaisée : célébration du monde et quête de soi cheminent de concert. Le je : une trace à peine, un effacement à peine écrit, une écriture perpétuellement interrogeante, un acte dépourvu de tout narcissisme.

Les textes de Pierre Dhainaut vont de plus en plus osciller entre deux formes complémentaires : le poème bref, proche du haïku, et le poème plus ample. Flux et reflux, mais toujours, de l’une à l’autre, la simplicité et la vigilance, mêlée de gratitude ou d’acquiescement, face au monde - au vent, aux pierres, à la mer - toujours plus aiguës.  

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BIBLIOGRAPHIE  

1) Principaux ouvrages de Pierre Dhainaut

Le poème commencé, Mercure de France (1969) ; Bulletin d'enneigement, Sud (1974) ; Jour contre jour, Oswald (1975) ; Au plus bas du mot, J.-M. Laffont (1980) ; Terre des voix, Rougerie (1985) ; Fragments d'espace ou de matin, Hautécriture (1988) ; Mis en arbre d'échos, Motus (1991) ; Fragments et louanges, Arfuyen, 1993 ; Dans la lumière inachevée, Mercure de France, 1996 ; Passage par le choeur, La Bartavelle, 1996 ; Paroles dans l'approche, L'Arrière-pays, 1997 ; A travers les commencements, Paroles d'Aube, 1999 ; Introduction au large, Arfuyen, 2001 ; Relèves de veilles (avec la collaboration de Jacques Clauzel, Alain Lucien Benoît, 2001 ; Voix d'ensemble, éditions des Deux-Siciles, 2002.

2) Principal ouvrage critique : Jean Attali, Pierre Dhainaut, éditions du Rouergue, 1986.


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