PREMIER TRIMESTRE 2003 :

LES POETES MYSTIQUES CONTEMPORAINS

 

semaine 1

 

semaine 2 semaine 3  

semaine 4

semaine 12

semaine 13

 

semaine 5

semaine 11

 

semaine 6

semaine 10

 

semaine 9

 

semaine 8

semaine 7

Accueil

Les Maîtres spirituels

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semaine 1

Un sens à la mer

de Michel Héroult

 

Et si la mer nous appartenait vraiment

c'est-à-dire pleinement

mais offerte à tous

divisée mais partagée

 

Si tout cela n'était qu'un malentendu

un pacte à l'amiable

un essai pour voir

 

Nous répartissons notre souffle sur le monde

les animaux viennent boire dans nos mains

la maîtrise du vent et des étoiles nous est donnée

et le sol tremble

lorsque nous marchons dans le silence

 

L’attente inévitable se charge d'une plainte

quelque part un mur se fissure

une pierre se détache

 

Le vol d'un oiseau nous crucifie dans le ciel bleu

  Marseille, 11 avril 1974.

 

Alchimiste des mots, Michel Héroult est né en 1938, à Caen, dans le Calvados. Docteur de troisième cycle en sociologie politique à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, à Paris, il a été très tôt un animateur passionné de revues poétiques, notamment, cofondateur du magazine Le Puits de l'ermite, avec jean Chatard, Robert Momeux et jean-Pierre Lesieur, et celui de La Nouvelle Tour de feu avec Liliana Klein.

Toutefois, c'est par ses poèmes, qu'il qualifie lui-même de « foudroyés», que Michel Héroult donne à lire des regards « comme autant de pierres éparses ». Le poète « gravit les échelles du ciel », son chant « porte témoignage de la souffrance bue jusqu'à l'absurde ». II a une manière unique de crier sa soif d'Absolu, fébrilement, « à la faveur de l'ombre ». Si la fraternité est bien présente dans ces textes qui savent que « nos amours trépassent dans la clarté solaire», ceux-ci surprennent surtout par leur musique subtile et une certaine majesté venue d'ailleurs. « En vous les mots se font une fête », s'habillent de bruit, dans l'inexprimé….

 

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semaine 2

L'autre nom du monde

de Alain Suied

 

Nous sommes au monde

peut-être

mais nous ne connaissons pas

le monde.

 

Il se fraie un chemin

à travers

nos doutes, nos certitudes, nos rêves

peut-être.

 

Le monde est à travers nous

Peut-être

il se fraie un chemin vers

le tout-autre.

 

Dans le négatif aussi

Brille

la trace d'un trésor morcelé

que nous cherchons

inutilement

au-delà du monde.

 

Regarde

à travers la trame

commune, brille et appelle

notre cri oublié.

 

Alain Suied, né à Tunis en 1951, n'a que huit ans quand ses parents s'installent à Paris. Son premier recueil de poèmes, intitulé Le Silence, en 1970, révèle un subtil poète de l'intériorité, en quête de « la langue native de l`être ». Suied s'interroge en philosophe sur la destinée et « le chant éperdu de la mort », en analysé sur l'enfance, ce « pays sans frontières » et « étranger », en musicien sur « le cri des enfants / Dans la nuit sans nom ».

Le mot « regard » est l'un de ceux qu'il emploie le plus souvent dans des textes aux couleurs du monde où « nous vivons dans le manque / où surgit la trace ». Mais, note alors Suied, l'éternité n'est peut être qu'une trace, « dans les gouffres de nos coeurs ». Pudique, Alain Suied est un mystique qui « montre à nu les ombres », « de regard en regard», et qui n'oublie jamais que la poésie fervente, a quelques notes de la prière…

   

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semaine 3

Retour

de Jean Loisy

   

Je t'apporte à pas lents l'aube acide et cendreuse 

Et le froid des étoiles,

Les aigreurs du brouillard sur la campagne creuse,      

Les tremblements des peupliers qui se dévoilent ;

        

Et toutes ces blancheurs, ces fraîcheurs, ces grisailles    

M'ont rendu l'âme neuve;       

En m'échappant, enfin, des nocturnes batailles,    

Je me sens devenir le début d'un grand fleuve.        

 

Je reviens te donner cette aube et ces eaux lisses…      

Je laisserai peut-être   

Ma chair se ratiédir à tes douceurs complices, 

Mon coeur se rassurer, mon esprit se démettre,

        

Car je t'apporte aussi la crainte et les désastres   

De qui sent que commence,

Sur la terre déserte et sous le ciel sans astres,        

Le dur combat du monde et l'antique démence.

 

Né en 1901, décédé en 1992, le dramaturge et critique littéraire Jean Loisy fut avant tout poète. Auteur de quinze recueils de facture traditionnelle, certes, mais d'une grande diversité d'inspiration, Loisy a su illustrer sa bonté chrétienne à travers ses vers. II fut, de 1953 à 1979, rédacteur en chef de la revue Points et Contrepoints, se révélant aussi un journaliste radiophonique de valeur.

Jean Loisy nous touche encore par ses accents tragiques en face du mystère de la condition humaine et des problèmes de la guerre. Introverti et passionné de spiritualité et de philosophie, Jean Loisy a su dire aux autres « le secours secret de l'ultime prière » afin qu'ils s'ouvrent â cette paix secrète qui nous mène tous dans un univers de lumière, sans nul doute purificateur.

 

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semaine 4 

Redonnez-leur

de René Char

(issu de ‘Les Loyaux Adversaires’)

 

Redonne-leur ce qui n'est plus présent en eux,

Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe.

Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,

Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant;

Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres ;

Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,

Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.

 

René Char est né en 1907, à L'Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, et mort à Paris en 1988. Faire l'éloge de son art poétique qui lui permet de suggérer le mystère sans jamais le dire, ou le décrire, peut apparaître presque conventionnel tant ses contemporains l'ont fait et refait. Pourtant, si le XXème siècle fut, poétiquement, un siècle « mystique », il le doit aussi bien à René Char qu'à Paul Claudel, à Jules Supervielle qu'à Marie Noël... Certes, la poésie de René Char est souvent elliptique et métaphorique, toujours incendiée de l'intérieur, à vrai dire sacrale plus que sacrée. Certains critiques l'ont d'ailleurs située avec intelligence « entre le dénombrement somptueux de Saint-John Perse et l'approche vertigineuse de la nuit d'Henri Michaux ». René Char a pour maîtres Héraclite et Heidegger, ne l'oublions point. II apparaît plus métaphysicien que franchement spirituel.

Certes, le poète, expert en aphorismes, est l'intercesseur d'un autre monde, mais cet « autre monde », « au-dessus du vent » fait encore partie intégrante de l'ici-bas du quotidien pour René Char. De toute façon, il le dit clairement, la poésie ne peut craindre « de nommer les choses impossibles à décrire ».

Comme l'écrit Jean Roudaut dans son introduction aux Oeuvres complètes du grand poète: « L'exercice littéraire est exercice d'épuration et de transformation de soi ; ce que rencontre René Char dans l'écriture du poème, ce n'est pas le néant, à la façon de Mallarmé, mais l'impersonnelle plénitude ».  

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semaine 5

Et Dieu ?

de Serge Wellens

   

A présent

il nous donne bien de l'inquiétude

il dort mal

il rêve fort

il se retourne

et l'on entend le monde

craquer de tous ses ressorts

 

Est-il malade de vermine

de solitude

on dirait qu'il parle mais quoi

Va-t-il se réveiller encore une fois

et faudra-t-il encore une fois

le mettre à mort ?

 

Né en 1927 à Aulnay-sous-Bois, Serge Wellens est un poète discret, peut-être trop discret, qui peut se situer du côté des « amis de Rochefort » (Luc Bérimont, Michel Manoll, jean Rousselot, Jean Bouhier), surtout avec son recueil À la mémoire des vivants (1955). Par la suite, tout en restant fidèle à l'influence d'un Francis Jammes ou d'un René Guy Cadou, Wellens évoluera vers un art maîtrisé mis au service de ce que Robert Sabatier nommera une spiritualité qui « hausse le quotidien vers l'universel ».

À partir de Santé des ruines (1972), Serge Wellens devient de plus en plus un défricheur de vérités primordiales dissimulées derrière les apparences de la nature. En cela, c'est un mystique à part entière.  

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semaine 6

Le pote

de Gilles Vigneault

 

Je prendrai dans ma main gauche

Une poignée de mer

Et dans ma main droite

Une poignée de terre.

Puis je joindrai mes deux mains

Comme pour une prière

Et de cette poignée de boue

Je lancerai dans le ciel

Une planète nouvelle

Vêtue de quatre saisons

Et pourvue de gravité

Pour retenir la maison

Que j'y rêve d'habiter.

Une ville. Un réverbère.

Un lac. Un poisson rouge.

Un arbre et à peine

Un oiseau.

Car une telle planète

Ne tournera que le temps

De donner à l'Univers

La pesanteur d'un instant.

 

Plus que chanteur, sans doute, Gilles Vigneault est poète et mystique sans conteste ! II a donc sa place, entière et originale. Né en 1928, à Natashquan, près de Havre-Saint-Pierre, au Québec, Gilles Vigneault a su faire connaître à travers toute la planète les gens de son pays, certes, et il lui reste toujours un nuage à chanter... 

Mais c'est sans doute par le versant cosmique de son haut talent qu'il atteint à l'universelle fraternité. Si on veut danser avec attention sur les paroles de Gilles Vigneault, avec enthousiasme, on découvre une oeuvre écrite, véritablement, « à l'heure où l'aube hésite / À devenir le jour ». II y a dans ces poèmes du midi plein, du sel et des échos sonores. La fêlure du ciel est habitée par l'amour, tout est feu dévorant.  

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semaine 7

Concert dans le jardin

de Octavio Paz

 

Il a plu
L'heure est un oeil immense
En elle nous marchons comme des reflets
le fleuve de la musique
entre dans mon sang.
Si je dis : corps il répond : vent.
Si je dis : terre, il répond : où ?

S'ouvre, fleur double, le monde :
tristesse d'être venu,
joie d'être ici.

Je marche perdu en mon propre centre

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semaine 8

Dieu parle à l'homme

de Jules Supervielle

 

Quand je dis « mes bras » ne va pas croire

Que ce sont des bras comme les tiens,

Quand je dis « mes yeux » comprends que rien

Ni autour de toi, ni ta mémoire

Ne t'en révèle un seul regard.

Je me sers des mots qui sont à toi.

 

Si tu ne me saisis pas bien

Restons taciturnes ensemble.

Que mon secret touche le tien,

Que ton silence me ressemble.

  

Né en 1884 à Montevideo (Uruguay), mort à Paris en 1960, Jules Supervielle émerveille aujourd'hui encore avec ses poèmes d'une originalité apprivoisée, miroirs d'une ferveur transparente et cosmique. Supervielle disait lui-même qu'il était avant tout un « poète-musicien », ajoutant: « Mais ma poésie n'est pas gratuite, le monde y tient une grande place. »

Pour Hughes Richard, « lire chaque poème de Jules Supervielle, c'est recroire aux contes, c'est entendre sous le grincement de la plume l'univers répondre présent à la convocation des mots. » En effet, l'atmosphère, dans cette oeuvre, est toujours magique, les voix secrètes, et la source primordiale est bien celle de l'enfance, de sa fantaisie et de son extrême fragilité.

Avec le temps, les textes de Supervielle ont gagné encore en densité et visitent sans peine les strates de la mémoire. Supervielle est un grand voyageur du dedans comme du dehors. II fait parler les moindres parcelles de la nature universelle, il sait que tout est appel, peut-être réponse, sans doute dialogue invisible.

Des Brumes du passé (c'est le titre de son premier recueil paru en 1900...) à L'Escalier (1956), le poète affirme La Fable du Monde, refuse avec opiniâtreté toute Oublieuse Mémoire, lance des signes énigmatiques d'un voyage à l'autre, vers le ciel, sachant que tout rêveur est exilé et que chaque paysage défend « aux étoiles de pousser un seul cri / Dans le vertige de leur éternelle naissance ».

Le chant de Jules Supervielle est un chant spirituel qui s'élève et cherche à communiquer avec le miracle d'être. « Lorsque le noyé se réveille au fond des mers et que son coeur / Se met à battre comme le feuillage du tremble / II voit approcher de lui un cavalier qui marche / L'amble / Et qui respire à l'aise et lui fait signe de ne pas avoir peur »... Tout Supervielle est là. Sa douceur, son mystère, ce don qu'il a de se mêler à la respiration de l'univers, aux soleils que la mort bannit, à l'avenir « Qui nous frôle de ses plumes / Et nous défend de mourir ». Cet art poétique atteint le haut ciel et défie la mémoire qui brûle. A jamais.

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semaine 9

La part de Dieu

de René-Guy Cadou

    

Fais vite

Ton ombre te précède et tu hésites

Derrière toi on marche sur tes jeux brisés

On referme la porte

Et les heures sont comptées

Mais la vie la plus courte

Est souvent la meilleure

Tu diras au Seigneur

J'apporte mes mains vides

Le peu de sang liquide

Qui frôle encore mon cœur

Ces regards sans fierté

Ce manque de chaleur

La croix que vous m'offrez

N'est pas à ma hauteur.

 

         Né en Bretagne en 1920, mort à Louisfert en 1951, René-Guy Cadou était instituteur et voulut que son existence fût tout entière consacrée à la poésie. II faisait partie de ce qu'on a baptisé « les amis de Rochefort » et, dans son oeuvre simple, champêtre, directe, d'une fraîcheur rare, il chanta l'enfance sur les bancs scolaires, les saisons à la campagne, son pays natal, affichant un lyrisme rustique de bon aloi faisant parfois songer à Max Jacob, en moins désespère semble-t-il. En effet, dans la poésie de Cadou, tout est à hauteur d'homme, certes, mais tout est dit dans une perspective de salut chrétien. Les rapports entre Dieu et les hommes ne peuvent se concevoir sans fraternité proche, car « la poésie sera toujours l'éloge de la vie dangereuse », affirme le poète dans Usage interne. De plus, Cadou, en « brancardier de l'aube », a su garder un esprit d'humilité, qui rappelle parfois les peintres naïfs, mais touche toujours le coeur, au plus profond, du lecteur. La totalité des poèmes de René-Guy Cadou sont autant d'éloges des « Biens de ce monde » et des miracles du blé. Le bonheur est dit ici avec une générosité et une nostalgie « à retourner tête et planète » .

Le succès posthume de René-Guy Cadou ne se dément pas. En cette fin de XXe siècle, l'auteur d'Hélène et le règne végétal, avec ses gosses qui crient dans la cour, la petite chambre de terre qui fut la sienne, les murs nus de sa vie, sa « raison secrète d'espérer » nous offre La Vie rêvée sur un air de complainte éternelle. II exulte la nature comme un écologiste avant l'heure. II retrouve « ceux qui ont vingt ans et manquent de chaleur », alors que les surréalistes, cependant tant à la mode de leur vivant, perdent les oreilles des nouvelles générations qui feront le troisième millénaire.

Cadou ou la vengeance inattendue de la lisibilité immédiate sur l'obscurité voulue du langage ! Notre François Villon, peut-être ?

 

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semaine 10

Et parce que la souffrance

de Raphaële George

 

Et parce que la souffrance est une force,

la nuit de l'attente mène à la sagesse.

 

Qui peut être plus homme que l'homme lui-même?

 

L'exigence du constat se mue en prière.

 

Désir puissant d'être profond,

d'être l'Être.

 

La profondeur ne se gagne pas, elle n'a pas de

    profondeur, on ne la cerne pas en la plaçant devant

    soi,

comme quelque chose à atteindre.

 

« Je suis demeurée dans le péché d'être », s'exclame Raphaële George, qui n'a cessé de chercher, avec une passion d'écorchée, l'envers des choses de la vie courante, ce qu'elle nomme « l'Être restitué ». Pierre Bettencourt reconnaît en Raphaële George une « très noble et très haute voix, écrite plus qu'avec des mots, avec la chair vibrante et meurtrie qui la porte ». En effet, les poèmes d'Éloge de la fatigue constituent bien un texte « de mystique sans Nom, qui ne s'appuie pas sur une Foi, mais parvient au plus profond dénuement et du fond de sa lassitude appréhende une absence qui, par elle, devient révélatrice ».

Certes, à l'approche de la mort, Raphaële George (Ghislaine Amon), née à Paris en 1951, décédée en 1985 des suites d'un cancer, devient, en quelque sorte, une éveillée « retrouvant toute sa quiétude originelle, / cette sorte de silence et qui pourtant n'est pas l'inerte mais l'Accompli. » .

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semaine 11

Qui n'a pas l'amour

de Charles Le Quintrec

 

Qui n'a pas l'amour regarde les arbres

Et ne voit jamais flamber leurs feuillages.

Ne voit pas l'oiseau, ne voit pas l'abeille

Ni le jour qui s'en revient des Cyclades.

Qui n'a pas l'amour n'entend pas les arbres

La musique des mousses à leurs troncs.

L'automne se fait maussade, les hommes

Disent - Ce n'est pas un temps de saison ! –

Ils ne savent pas - jamais ne sauront –

Qu'un oiseau suffit à notre hivernage.

L'abeille, l'oiseau, les arbres, l'azur...

Qui n'a pas l'amour n'en est pas si sûr !

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semaine 12

Considérez le ciel solaire

de Philippe Jaccottet

 

 

Considérez le ciel solaire

à l'heure de l'extrême incandescence :

c'est là qu'il nous faut traverser.

 

Des barques croisent dans ce lac de lumière.

 

Aiguisez mieux votre regard :

vous les verrez franchir sans bruit cette brume éblouie

et, par-delà, s'ancrer dans les eaux de la nuit

pour y Plonger éternellement leurs filets dans

  les profondeurs.

 

Inédit

 

Né en Suisse romande, à Moudon, dans le canton de Vaud, en 1925, mais habitant la France depuis les années cinquante, après des études de lettres à Lausanne, Philippe Jaccottet suit un cheminement poétique, à partir de 1944, qui ne cache pas son ambition de transparence, au fil d'une approche de l'être, de la divinité, qui faisait écrire à jean Strarobinski : «  La clarté chez Philippe jaccottet n'est jamais une facilité : elle supprime tous les faux écrans, pour nous amener, au grand jour, devant les obstacles derniers, devant l'adversité ultime ou première, que la plus grande lumière mêle encore à son éblouissement. »

Philippe jaccottet est un fin traducteur de Rilke et d'Hölderlin, et cela explique de surcroît son sens de la beauté des mots, certes, mais aussi de la nature immédiate, des cycles de la vie et de la mort. Si le poète aime la nuit, c'est parce qu'elle est « l'envers du feu ». Et l'art poétique de Jaccottet devient vite une sorte de liturgie, une lente et secrète ouverture sur le sacré.

Philippe Jaccottet l'écrit en toutes lettres dans La Semaison : « C'est le Tout-Autre que l'on cherche à saisir», et, plus avant: « L'obscur est un souffle : Dieu est un souffle. On ne peut s'en emparer. La poésie est la parole que ce souffle alimente et porte, d'où son pouvoir sur nous » .

 

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semaine 13

Tout comme l'espace...

de Roberto Juarroz

 

 

Tout comme l'espace s'habitue à l'espace,

je me suis habitué à être quelque chose.

 

Quand je disparaîtrai,

il y aura simplement une habitude de moins

 

Poésie Verticale (n°160)

   Il est né le 5 octobre 1925 à Coronel Dorrego dans la plaine infinie de la province de Buenos Aires, « totale, quasi absolue », dira-t-il. Venu à Buenos Aires faire ses études de philosophie et de lettres, il s'est spécialisé dans les sciences de l'information et de la bibliothécologie. De 1958 à 1965, il a dirigé la revue Poesia=Poesia (20 numéros) où il s'est révélé fin découvreur et subtil traducteur de poètes étrangers, d'Antonin Artaud entre autres. Pendant des années, il a collaboré à des dizaines de périodiques argentins et étrangers. Entre 1971 et 1984, il a été directeur du Département de Bibliothécologie et de Documentation à l'Université de Buenos Aires. Le régime de Peton l'ayant forcé à l'exil, il fut pendant quelques années expert de l'UNESCO et de l'OEA dans divers pays d'Amérique latine. Tout cela, sans compter d'autres activités, parmi lesquelles : critique bibliographique du supplément littéraire du quotidien I a Gaceta de 1958 à 1963 ; critique cinématographique de la revue Esto Es (1956-1958). Il a reçu à Buenos Aires en 1977 le Grand prix de la Fundacion Argentina para la Poesia, le prix jean Malrieu à Marseille et le Grand Prix de la Biennale Internationale de Poésie à Liège (Belgique) en 1992.

 

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