PREMIER TRIMESTRE 2004 :
L'UNIVERS et L'INFINI
semaine 1 | semaine 2 | semaine 3 | |
|
|||
semaine 11 |
|
||
L'infini, l'univers et les mondes
de Giordano Bruno
Exergue (extrait)
C'est donc vers l'air que je déploie mes ailes confiantes.
Ne craignant nul obstacle, ni de cristal, ni de verre,
Je fends les cieux et m'érige à l'infini.
Et tandis que de ce globe je m'élève vers d'autres globes
Et pénètre au-delà par le champ éthéré,
Je
laisse derrière moi ce que d'autres voient de loin.
Bruno Giordano (1550 – 1600) : penseur italien et grand voyageur de son temps, rationaliste et copernicien, il fut persécuté et livré au Saint-Siège par venise pour y être brûlé vif. Il était partisan de l’idée d’un monde infini, livré à une évolution universelle et éternelle (De infinito, universo e mondi, 1584)
Chants de moi-même
de Walt Whitman
J'ouvre
ma lucarne le soir et je vois les systèmes qui parsèment l'espace
Et
tout ce que je vois multiplié par le nombre le plus élevé que je sache manier, n'arrive qu'aux
confins des systèmes les plus lointains.
Ils
deviennent de plus en plus vastes, croissant, croissant, croissant toujours,
Plus
loin, encore plus loin et toujours plus loin.
Mon
soleil a son soleil et tourne docilement autour de lui,
Avec
ses associés il fait partie d'un groupe qui décrit un cercle plus large,
Et
des systèmes plus grands suivent auprès desquels les plus grands soleils qu'ils contiennent ne
sont que des grains de poussière.
Il
n'y a pas d'arrêt et il ne pourra jamais y avoir d'arrêt,
Si
moi, toi et les mondes et tout ce qui se trouve sous ou sur leur surface, nous étions à l'instant
même ramenés à l'état de pâle brume flottant dans l'espace, cela n'aurait au bout du compte
aucune importance,
Nous
remonterions certainement jusqu'où nous sommes en ce moment,
Et
nous irions certainement deux fois plus loin et delà plus loin, plus loin encore.
Quelques
quadrillions d'ères, quelques octillions de kilomètres cubes ne mettent pas en péril le moment ni
ne le rendent impatient,
Ce
ne sont que des parties, tout n'est que partie.
Aussi
loin que porte ton regard, il y a un espace infini au-delà,
Si
grand que soit le nombre auquel tu arrives, il y a le temps infini en deçà et au-delà.
Whitman
Walt (1819 -1892) : aventurier dès le plus jeune âge par nécessité, ce grand poète américain
publia des volumes de vers où sans reconnaître d’autres règles prosodiques que la pensée,
c’est-à-dire en inventant le vers libre, il chantait avec une puissance dure et rebelle, la démocratie
et le développement libre de l’individu dans l’épanouissement de l’humanité (Chant de
moi-même, Feuilles d’herbe, 1855)
Poèmes à travers l'infini
de Marc Bonnefoy
Parmi
les univers qu'un bras divin supporte,
L'imagination
en son vol nous emporte,
Et
devant nos regards les cieux sont déroulés !
Et
sans bornes s'étend la mer infranchissable
D'étoiles,
où l'on voit, comme des grains de sable,
Des
flots d'astres amoncelés.
Volons,
volons toujours des sommets aux abîmes :
Contemplons
longuement vos merveilles sublimes,
Mondes
qui sous nos yeux par milliards passez !
Décrivons
avec vous d'effrayantes spirales,
Parcourons
en tout sens les plaines sidérales,
Volons
sans jamais dire; assez !
Eh
quoi! jamais la fin, d'obstacle à notre route !
Toujours
le ciel grandit en élevant sa voûte,
Et
toujours l'horizon s'élargit à nos yeux !
Dans
ce cercle éternel qui jamais ne se ferme,
Ni
centre ni rayons : rien n'en marque le terme.
Sans
limites s'ouvrent les cieux.
Bonnefoy Marc : Littérateur et poète français né dans le Vaucluse en 1840 et mort en 1896. Ecrivain parfois abrupt, il se montra, dans ses œuvres, patriote ardent et penseur hardi. (Poèmes modernes (1880), La vraie loi de la nature (1883), Poèmes à travers l’infini (1895))
A
de Pierre Emmanuel
Lequel
des deux est l'origine l'Abîme ou bien la lettre A
Lequel
l'écho lequel l'espace ou l'un à l'autre leur écho
Deux
gouffres ronds font une sphère étanche sans dehors ni bords
A
l'emplit toute d'un éclat que nulle part n'émet de voix
Est-il
le râle de l'haleine dure à naître du Vide en Soi
Ou
bien le souffle d'agonie d'un Âge que le Vide aspire
Ou
bien les deux qui n'en font qu'un mourant naissant au même instant
Entre
les deux moitiés duquel surgit un monde puis s'efface
Les
yeux fermés est-il Quelqu'un qui Se perçoive dans ce A
Ou
qui commence de très loin à Se rêver comme parfois
Un
dormeur s'entendant gémir croit qu'un Autre augural lui parle
Et
tout son rêve se déploie pour rejoindre cet Autre-là
Que
d'univers se sont déjà déployés entre ici et là
Dans
chacune de ses parties chacun étant aux deux extrêmes
Car
ce A du commencement n'est qu'à la fin d'un Oméga
A
privatif étrangement qui engloutit parce qu'il fonde.
Emmanuel
Pierre (Noël Mathieu dit) (1916 – 1984) : Après des études de mathématiques et de
philosophie, il choisit la poésie. S’engagea activement dans la Résistance. Toute son œuvre est
empreinte d’une tension entre la matière et l’esprit, nourrie d’un souffle mystique (Le
grand œuvre, Cosmogonie, 1984).
Les Germes
de Jules Supervielle
Ils
se répandraient de tous côtés et l'univers
en
serait en quelque sorte ensemencé.
Arrhenius.
Ô
nuit frappée de cécité,
Ô
toi qui vas cherchant, même à travers le jour,
Les
hommes de tes vieilles mains trouées de miracles,
Voici
les germes espacés, le pollen vaporeux des mondes,
Voici
des germes au long cours qui ont mesuré tout le ciel
Et
se posent sur l'herbe
Sans
plus de bruit
Que
le caprice d'une Ombre qui lui traverse l'esprit.
Ils
échappèrent fluides au murmure enlisé des mondes
Jusqu'où
s'élève la rumeur de nos plus lointaines pensées,
Celles
d'un homme songeant sous les étoiles écouteuses
Et
suscitant en plein ciel une ronce violente,
Un
chevreau tournant sur soi jusqu'à devenir une étoile.
Ils
disent le matelot que va disperser la tempête,
Remettant
vite son âme au dernier astre aperçu
Entre
deux vagues montantes,
Et,
dans un regard noyé par la mer et par la mort,
Faisant
naître à des millions horribles d'années-lumière
Les
volets verts de sa demeure timidement entrouverts
Comme
si la main d'une femme allât les pousser du dedans.
Et
nul ne sait que les germes allait les pousser du dedans
Et
nul ne sait que les germes viennent d'arriver près de nous
Tandis
que la nuit ravaude
Les
déchirures du jour.
Biographie
de Jules Supervielle et ses oeuvres
Année-Lumière
de Philippe Soupault
Une
étoile dans mes mains grandes ouvertes
Un
regard une étincelle une joie
Des
millions d'années-lumière et une seconde
Comme
si le temps était aboli
et
que le monde entier se gonflait de silence
L'inconnu
s'illuminait d'un seul coup
et
cette lueur annonçait l'aurore
Tout
était promis et clair et vrai
Un
autre jour une autre nuit et l'aube
et
que le monde était à portée de mes mains
Ne
pas oublier ces angoisses ces vertiges
en
écoutant ce qu'annonçait l'étoile
et
en retrouvant ce chemin de feu
qui
conduisait vers l'avenir et l'espoir
et
vers ce que nul ni moi n'attendait plus
Que
les nuages lourds comme le destin
s'étalent
et menacent comme des monstres
et
que l'horizon noir soit noir comme l'enfer
L'étoile
brille pour moi seul
et
tout devient lumière et clarté
Étoile
qui me guide vers cet univers
où
règnent la vérité et l'absolu
Soupault Philippe (1897 – 1990) : Fondateur du surréalisme avec Aragon et Breton, en compagnie duquel il écrivit les fameux Champs magnétiques en 1919, première œuvre née de l’écriture automatique. Il dirigea ensuite la Revue européenne, publia six romans et de nombreux recueils de poèmes. Il se détacha du mouvement après 1926. Son indépendance se manifesta aussi à travers une vie de voyage (Crépuscules, Gallimard).
Poèmes extraits de "Les Poètes et l'Univers", anthologie de Jean-Pierre Luminet au Cherche midi Editeur, 1996
Continuum de conscience
de Mathieu Ricard et Trinh Xuan Thuan
Du point de vue du bouddhisme, comment la notion d'un continuum de conscience s'intègre-t-elle à notre vision de l'univers? Quels changements d'état ce continuum peut-il connaître? Comment l'amener à l'Éveil - l'état de Bouddha - et quels sont les facteurs mentaux qui font obstacle à la réalisation de cet Éveil?
THUAN:
Selon le bouddhisme, la conscience aurait-elle existé dès les premières fractions de seconde du
big bang dans la soupe primordiale des particules élémentaires?
Matthieu
: Sur un plan ultime, ni l'univers ni la conscience n'ont d'existence propre, et donc de début,
mais, sur le plan de la vérité relative, ils coexistent depuis toujours. La conscience n'est pas
inscrite physiquement dans le brasier du big bang et, comme je l'ai mentionné, il n'est pas
indispensable qu'elle ait à tout moment un support physique. Le fait que, pendant des milliards
d'années, notre univers ait été dénué de vie ne signifie pas que le continuum de conscience ait
été interrompu. Selon le bouddhisme, la conscience peut se manifester sur d'autres plans et dans
d'autres univers. Du point de vue de la science, ce postulat peut sembler aussi arbitraire que celui
d'un principe créateur, mais il paraît plus économique d'envisager l'existence d'un continuum de
conscience parallèlement au continuum de la masse-énergie, que de faire intervenir une entité créatrice
dont on ne voit pas très bien d'où elle viendrait, ni quel serait son rôle et ses qualités, ou
encore d'imaginer que la conscience puisse naître de l'inconscient...
Matthieu Ricard est devenu moine bouddhiste après avoir été chercheur en biologie. Il est aussi l’interprète français du Dalaï-Lama.
Trinh Xuan Thuan, astrophysicien, est professeur à l’université de Virginie. Auteur, entre autres, de La Mélodie secrète et du Chaos et l’Harmonie, il est réputé pour la clarté de ses exposés et son ouverture d’esprit dans les domines scientifique et philosophique.
Le couple espace-temps
de Trinh Xuan Thuan
Le temps est élastique et malléable. L'espace, nous l'avons vu, l'est aussi. Tous les deux peuvent se dilater, se contracter, s'étirer, se rétrécir à souhait. Ce n'est pas par hasard que ces deux acteurs du drame cosmique ont un caractère si proche l'un de l'autre. Ils forment en fait un couple bien uni dont les mouvements sont toujours complémentaires. Quand le temps s'étire, quand il passe plus lentement, l'espace se rétrécit. Jim, sur Terre, constate non seulement que Jules, fendant l'espace dans sa fusée à 87 % de la vitesse de la lumière, vieillit 2 fois moins vite, mais aussi que l'espace de ce dernier s'est contracté : le vaisseau spatial de jules apparoir à Jim comme raccourci de moitié. Dans l'univers d'Einstein, l'espace elle temps sont indissolublement liés. Les déformations concertées de l'espace et du temps peuvent être considérées comme une transmutation de l'espace en temps. L'espace qui se rétrécit se transforme en un temps qui s'allonge et passe moins vite. Le taux de change à la banque cosmique est très élevé. Vous n'obtiendrez qu'une seconde de temps pour 300 000 kilomètres d'espace. Mais vous n'avez pas le choix. Le temps et l'espace ne sont plus dissociables comme dans l'univers de Newton. L'univers a désormais quatre dimensions. La dimension du temps s'ajoute aux trois dimensions de l'espace. Pour pouvoir préciser vos coordonnées dans l'univers, il ne suffit pas d'indiquer votre position, il faut aussi préciser le temps mesuré à cette position.
Extrait de La mélodie secrète de Trinh Xuan Thuan, 1992, Ed. Folio essais
La terre ne bouge pas
de Timothy Ferris
La
taille exiguë de ces premiers modèles du cosmos tient à l'hypothèse d'une Terre trônant,
immobile, au centre de l'Univers. Si elle-même ne bouge pas, il faut bien que les étoiles se
meuvent : pour que les constellations passent au-dessus de nos têtes à l'heure dite, la sphère étoilée
doit chaque jour exécuter une rotation autour de son axe, et plus cette sphère est vaste, plus
elle doit tourner vite. Si le cosmos était immense, l'allure exigée de la sphère céleste
deviendrait déraisonnablement excessive. Les étoiles de Ptolémée sont déjà tenues de se
presser à plus de 16 millions de kilomètres à l'heure ; dans l'hypothèse où la sphère céleste
serait cent fois plus grande, elles devraient tournoyer à une vitesse supérieure à celle de la
lumière. Pas besoin d'être un Einstein, ni même de connaître la vitesse de la lumière, pour
deviner qu'il s'agit là d'un régime trop rapide - détail qui commence de préoccuper les
cosmologistes vers le XVIè siècle. En règle générale, toutes les cosmologies géocentriques bâties
sur l'immobilité de la Terre entravent la juste appréciation des dimensions de l'espace.
Penser la Terre en mouvement, cela revient à dilater l'Univers, étape alors par trop radicale et qui va contre l'intuition. La Terre ne donne pas l'impression de tourner, et le témoignage de l'observation ne suggère rien de semblable: Athènes et tous ses citoyens seraient précipités vers l'est à près de 2 000 kilomètres à l'heure sur une Terre qui tourne autour de son axe. Si tel était le cas, raisonnent les Grecs, le vent d'est soufflant en tempête balaierait constamment le monde; lors des épreuves de saut en longueur, les agiles athlètes des jeux Olympiques atterriraientdans les tribunes, largement à l'ouest de l'endroit où ils prennent leur élan. N'enregistrant aucun de ces effets, la plupart des Grecs en concluent que la Terre ne bouge pas.[...)
Extrait de Histoire du cosmos, de l'antiquité au big bang, de Thimothy Ferris, Ed. Hachette Littératures
Thimothy Ferris enseigne à Berkeley le journalisme scientifique. Il est l'auteur entre autre de Opéra Cosmique (1986)...
Une expansion dans l'infini
de Hubert Reeves
À très petite échelle, la texture cosmique se résout en une multitude d'unités élémentaires : les galaxies. Comme des raisins enfouis dans la pâte d'un gigantesque pudding. La comparaison peut se poursuivre. Au four, le pudding va gonfler. Dans le volume de la pâte, les raisins vont s'éloigner les uns des autres, d'une façon uniforme. De même, nous l'observons au télescope, toutes les galaxies s'éloignent lentement les unes des autres. Ce mouvement a été observé pour la première fois il y a une soixantaine d'années. Il se confirme maintenant jusqu'à de très grandes distances.
Installez-vous par la pensée sur un raisin de notre pudding au four. Les raisins voisins s'éloignent lentement. Les plus lointains se déplacent à des vitesses beaucoup plus élevées. Il en va ainsi des galaxies. Certaines d'entre elles, situées aux plus grandes distances accessibles à nos télescopes (environ dix milliards d'années-lumière), filent à 90 % de la vitesse de la lumière (soit 270 000 kilomètres par seconde). Chaque raisin voit le même paysage. Tous ses confrères s'éloignent de lui. Ils s'éloignent d'autant plus vite qu'ils sont plus loin. Notre raisin pourrait se croire le centre du monde. Un instant de réflexion lui évitera cette désillusion. Comme il nous l'évite par rapport aux galaxies qui nous entourent.
Il est difficile de se représenter l'image d'un univers à la fois infini et en expansion. J'ai trouvé l'idée suivante : ramenons le problème à une seule dimension. Imaginons un mètre à mesurer, de longueur infinie (fig. 15). Il s'étend devant nous à gauche et à droite. Des deux côtés, il se perd à l'horizon. Pour les besoins de notre comparaison, le mètre sera en métal. On va le chauffer progressivement sur toute sa longueur. Il v a se dilater. La distance entre les unités va s'accroître lentement et uniformément. Partout! L'avantage de l'infini, c'est précisément qu'il n'y a pas de frontière, pas de mur pour nuire à la progression. De même, chaque paire de galaxies voit s'accroître la distance qui les sépare sans que jamais l'espace lui manque. L'espace infini est infiniment dilatable.
Extrait de Poussières d'étoiles chez Point Sciences
Né à Montréal en 1932, Hubert Reeves a fait ses études
classiques au Collège Jean-de-Brébeuf (B.A., 1950). Inscrit à la Faculté de sciences de
l'Université de Montréal, il obtient un baccalauréat ès sciences en physique (1953). Puis à
l'Université McGill, il présente un mémoire de maîtrise : Formation of Positronium in
Hydrogen and Helium (1955). Il poursuit ses études en astrophysique nucléaire à l'Université
Cornell (Ithaca, N.Y.) où il soutien sa thèse de doctorat (1960) sur la Thermonuclear Reaction
Involving Medium Light Nuclei.
De 1960 à 1964, il est professeur de physique à l'Université de Montréal, tout en étant
conseiller scientifique à la National Aeronautics and Space Administration (NASA) des États-Unis.
Professeur invité à l'Université de Bruxelles en 1964-1965, il est, à partir de 1966, directeur
de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) avec affectation au Commissariat à
l'énergie atomique de Saclay en France tout en restant attaché à l'Université de Montréal à
titre de professeur associé.
Ses écrits ont
été traduits en plusieurs langues. Son oeuvre Patience dans l'azur a été considérée
comme un chef-d'oeuvre de vulgarisation qui fait éclater notre vision de l'univers. En 1986, L'heure
de s'enivrer, où il est question du sens de l'univers, devient un best-seller autant au Québec
qu'en France. Hubert Reeves examine les choix qui s'offrent à la communauté humaine alors que l'auto-élimination
de l'espèce devient possible. Cet auteur se classe parmi les scientifiques les plus éminents de
notre époque.
L'espace-temps
de Ilya Prigogine
L'espace-temps
produit ainsi en s'étendant son propre fluide cosmologique! Dans son expansion, la géométrie
fournit ainsi au champ quantique l'énergie qui est la source de ses excitations quantiques : les
particules. En d'autres mots, c'est l'énergie libérée par l'expansion géométrique que le champ
absorbe pour produire ses particules. Tout se passe comme si la géométrie de l'espace-temps représentait
un réservoir d'énergie interne que l'expansion permettrait d'actualiser et de mettre en
communication avec le champ quantique qu'elle excite. L'énergie alors libérée est d'autant plus
importante et, en conséquence, la matière produite est d'autant plus abondante, que l'expansion
est plus rapide. Pourrait-elle représenter le contenu matériel de l'Univers,
ce mécanisme pourrait-il être alors principe d'explication cosmologique ?
Que cette interrogation trouve une réponse positive représente un événement théorique majeur et résulte de plusieurs caractéristiques remarquables de ce phénomène…
Extrait de L'homme devant l'incertain, Ilya Prigogine, Ed. Odile Jacob, 2001
Ilya Prigogine (1917-
2003) : Chimiste
et philosophe belge d'origine russe, prix Nobel de chimie en 1977 pour ses travaux en
thermodynamique.
Après des études en physique-chimie à l'Université libre de Bruxelles, Ilya Prigogine s'intéressa à la thermodynamique. En 1945, il obtint sa thèse d'agrégation à l'enseignement supérieur. Il étudia les effets de l'irréversibilité sur le comportement de la matière en évolution. Il rendit compte de la valeur créative des phénomènes aléatoires et élabora la théorie des "structures dissipatives". Ilya Prigogine publia de nombreux ouvrages de nature philosophique et épistémologique inspirés par ses recherches en thermodynamique.
Sur le rivage des mondes infinis
de Rabindranath Tagore
Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent. L'azur sans fin est immobile au-dessus d'eux ; près d'eux le flot sans repos retentit. Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent avec des danses et des cris.
Ils bâtissent leurs maisons avec du sable ; ils jouent avec des coquilles vides. Avec des feuilles fanées, ils gréent leurs barques et, en souriant, les lancent sur la mer profonde. Les enfants tiennent leurs jeux sur le rivage des mondes.
Ils ne savent pas nager; ils ne savent pas jeter les fiets. Les pêcheurs de perles plongent, les marchands mettent à la voile ; les enfants cependant rassemblent les galets, puis les dispersent. Ils ne cherchent pas de trésors cachés, ils ne savent pas jeter les filets.
La marée monte avec un rire et le pâle éclat de la plage sourit. Les vagues chargées de mort chantent aux enfants d'incertaines ballades, comme chante une mère qui berce son bébé. Le flot joue avec les enfants et le pâle éclat de la plage sourit.
Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent. La tempête erre dans le ciel sans routes, les navires sombrent dans la mer sans sillages, la mort rôde et les enfants jouent. Sur le rivage des mondes infinis se tient la grande assemblées des enfants.
Santiniketan,
Bengale, 1941), auteur de plus de mille poèmes, de romans, de pièces dramatiques et de chants qui
eurent une grande influence sur la littérature moderne de l'Inde. Son inspiration est mystique et
patriotique. Il fut également un musicien et un peintre de talent. En 1921, il fonda au nord de
Calcutta une université internationale (Santiniketan) destin"e à promouvoir les idéaux
indiens de culture et de tolérance. (Prix Nobel de littérature, 1913.)
Le monde...est miroir
de Mahmud Shabestari
Sache que le monde tout entier est miroir,
dans chaque atome se trouvent
cent soleils flamboyants.
Si tu fends le cœur d'une seule goutte d'eau,
il émerge cents purs océans.
Si tu examines chaque grain de poussière,
mille Adam peuvent y être découverts...
Un univers est caché dans une graine de millet ;
tout est rassemblé dans le point du présent...
De chaque point de ce cercle
sont tirées des milliers de formes.
Chaque point, dans sa rotation en cercle,
est tantôt un cercle,
tantôt une circonférence qui tourne.
(extraits de Paroles d'Islam, de Nacer Khémir, Ed. Albin Michel.)
Accueil |
Pour rejoindre ces poètes :
Jules Supervielle / Colette / Pierre Dhainaut / Roberto Juarroz / André du Bouchet / Eugène Guillevic