Premier Article : La voix du Nord du 14/05/01
Deuxième article : Sud Ouest (2001)
Troisième article : Sud Ouest (2004))
Edition
La connaissance poétique à travers Supervielle
Ce
n'est certes pas le plus connu des poètes. Mais l'oeuvre de Jules Supervielle
(1884-1960) se prête particulièrement à la réflexion de Sabine Dewuif : « Qu'est-ce
que La connaissance poétique ? »
Originaire
de Cambrai, Sabine Dewuif enseigne les lettres modernes au collège
Bracke-Desrousseaux
de Vendin-le-Vieil. Elle est attirée par la philosophie en général. Désirant
décrypter les grands thèmes de la poésie, elle s'est d'abord penchée sur les
textes de Supervielle (qui a aussi écrit des contes et des pièces de théâtre)
à travers un essai en deux tomes illustrés de nombreux fragments de poèmes.
Il ne s'agit pas d'une biographie, mais d'un essai critique qui vient d'être
publié aux éditions L'Harmattan.
Le
renoncement au savoir
Dans
le premier tome, l'auteur porte son attention sur la mort; le monde extérieur
(l'existence et l'essence des choses et des êtres), autrui et le « moi ».
Tout, chez Supervielle, est basé sur le renoncement au savoir dans sa première
acception. Le poète méridional puise d'ailleurs sa démarche dans la culture
orientale fondée, contrairement à la nôtre, sur la pensée rationnelle et le
principe de contradiction.
Dans
le deuxième tome, Sabine Dewulf part sur les traces de Supervielle dans sa quête
de « l'autre connaissance », qui ne s'emprisonne pas dans une
seule définition.
D'interrogation en interrogation, on perçoit le monde en mouvement,
entre observateurs et observés. On sent alors un lien se tisser pour constituer
à terme « une religion de remplacement », comme
aurait pu la dénommer Jules Supervielle. « Une religion active,
exigeante, dépourvue de tout dogmatisme ».
II
faut prendre
là
le terme de religion au sens très large. En fait, elle se situe aux
confins des modes de réflexion. Elle peut aussi bien réunir les scientifiques
les plus rigoureux et les chercheurs
contemplatifs qui explorent l'univers par des méthodes non
conceptuelles.
Dénicher
ce courant de pensée chez un poète demande un long travail, d'une
extrême
finesse. C'est ce qu'a réussi Sabine Dewulf qui entend plonger
prochainement dans l'oeuvre de Colette.
Frédéric
CAMUS
« Jules Supervielle ou la connaissance poétique »,
coll.Critiques littéraires, éd. L'Harmattan, Paris.
Le
Supervielle d’Oloron
Sabine Dewulf, professeur agrégée de lettres modernes dans le Pas-de-Calais, vient de publier un livre sur Jules Supervielle, poète oloronais né à Montevideo et enterré à Sainte-Croix.
DAVID PATSOURIS
II était une fois un poète
qui parlait d’Oloron comme de « la ville de ses pères », une ville qu'il décrivait
un peu bizarre, une ville qui devint dans ses phrases le pays d'entre deux
mondes, celui
qui se situe entre la
vie et la mort.Dans ses textes, il dit être monté sur les toits delà cité
haut-béarnaise pour invoquer les morts, pour chercher à les rassembler, face
aux Pyrénées. On ne sait pas s'il y réussit, on sait simplement qu'il repose
ici maintenant, au sein du cimetière Sainte-Croix, en regard des Pyrénées
justement, avec son épouse Pilar. Jules Supervielle (1884-1960) est poussière
depuis bien longtemps et ne hante plus que les livres, les siens, et ceux des
autres. Il est mort et on l'oublie...
Dans le nord, tout à
fait dans le nord, le Pas-de-Calais exactement, près de Lens, Sabine Dewulf,
professeur agrégée de lettres modernes, reprend sa prose, élague, transforme,
relit, simplifie les pages de sa thèse afin qu'elle soit publiée aux éditions
L'Harmattan.
Depuis quelques années,
elle s'immerge en noyée volontaire dans l'œuvre de Jules Supervielle. Depuis
très précisément ce jour où lisant « Le bœuf et l'âne de la crèche »,
un conte tiré de « L'enfant de la haute mer », elle ressentit une émotion
que les prosateurs de l'amour qualifieraient de coup de foudre, une sorte de
flash à longue portée, traçant et obnubilant. Elle cherchait un poète du
XX" siècle pour sa thèse. Le livre refermé, elle avait trouvé. Au bout
du compte, un diplôme d'étude approfondie, une thèse d'État, et un livre :
« Jules Supervielle ou la connaissance poétique... Sous le soleil d'oubli ».
Un peu plus de 500 pages
en deux tomes (« Le renoncement au savoir» et «une autre connaissance ») où
les phrases et les mots de Sabine Dewulf fouillent et dépouillent ceux de Jules
Supervielle.
|
La Nordiste Sabine
Dewulf vient de publier un livre sur le poète Jules Supervielle, enterré
à Oloron (Photo archives « Sud-Ouest »)
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LA VILLE D'ENTRE DEUX
MONDES
Elle sait tout (ou
presque) de son « Jules ». Qu'il était basque par sa mère, oloronais par son
père dont l'ancêtre était bijoutier-joailler dans la cité haut-béarnaise.
Que ses parents sont bêtement morts ensemble à Lurbe Saint Christau à cause
d'une eau vraisemblablement infectée (sic !). Elle sait aussi
que Jules Supervielle a
amené en 1926 dans les rues d'Oloron son ami Henri Michaux, grand poète lui
aussi, immense poète français, et oui. sans lui. ne serait jamais venu... Elle
parle aussi d'un recueil intitulé « Boire à la source », un livre
autobiographique, où Supervielle écrit sur ses parents. « II dit qu'il est
allé sur les lieux, à Oloron, et qu'il a tenté de déchiffrer, dans le
paysage, quelque chose qui lui parlerait d'eux. Mais ce paysage est indéchiffrable
pour Jules Supervielle. Il n'y voit
rien : Oloron est la ville d'entre deux mondes, entre la vie et la mort. C'est
obsessionnel dans son oeuvre. »
On le comprend : Sabine
Dewulf cherche. C'est son métier, outre celui d'enseigner la beauté et l'éternité
des textes à des élèves de collège gavés de télé et de coca. Dans les
deux tomes de son « Jules ». elle questionne le plus célèbre Oloronais sur
la connaissance : existe-t-il, Jules Supervielle, d'après vos
textes, une connaissance poétique, distincte de celle des scientifiques ?
Dans le premier tome de
son ouvrage, Sabine Dewulf suit pas à pas l'auteur dans sa quête de
connaissance.
LA CONNAISSANCE POÉTIQUE
Jules Supervielle
cherche à aller vers la connaissance poétique à travers son monde intérieur.
Comment s'y prend-il ? « II rejette d'abord le savoir traditionnel, celle de la
science, de l'histoire, qui consiste à faire de tout ce qui nous entoure des
objets dont on peut se saisir par la pensée. Et il se rend compte qu'il ne peut s'emparer de
rien, qu'il y a toujours un voile qui s'interpose. Bref, la pensée ne peut pas
embrasser la totalité des choses. » Voilà qui ne suffit pas...
Dans un deuxième tome,
Sabine Dewulf s'interroge sur les conclusions de la démarche du poète. Elle
Comme souvent, le poète n'avait donc pas tort. Sur sa tombe est écrit : « Ce doit être ici le relais où l'âme change de chevaux... »
LITTERATURE.
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Lors des journées Supervielle, Sabine Dewulf a présenté son jeu sur l'oeuvre de
Colette. Où l'on apprend que les deux écrivains se sont rencontrés
La « parenté secrète » de Colette et Supervielle
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