LES MAITRES ANTIQUES
341 avant J. C. Samos - 270 avant J. C.
Épicure dit avoir pratiqué la philosophie depuis l'âge de quatorze ans. De Samos, où son père était colon et sans doute enseignant, il vient à Athènes passer son temps d'éphèbe, puis rejoint ses parents - chassés de Samos par les guerres lamiaques (324-322) - à Colophon. Le maître d'Épicure fut Nausiphane, partisan de l'atomisme. Épicure lui-même commence d'enseigner la philosophie en 311/310 à Mytilène, puis à Lampsakos. Avec les disciples qu'il s'y est faits, Métrodore et Colotès, il achète à Athènes une demeure avec un jardin, qui vaut à son école le nom de «jardin d'Épicure». Il s'agit, aux yeux du philosophe, d'une communauté partageant les mêmes convictions et un même mode de vie.
Épicure apparaît comme l'adversaire du socratisme, dont le principal souci était de mener l’homme vers le bien. La logique n'est plus reconnue comme système autonome, et l'étude de la nature a pour objectif de procurer à l'homme la tranquillité d'âme sans laquelle il est impossible de parvenir à la félicité. Toute connaissance est pour Épicure une perception par les sens, toujours fondamentalement vraie parce qu'elle est un mouvement de l'âme. Elle consiste à ce que de petites images se détachent des objets pour affluer dans les organes des sens. Toutes les autres facultés sont aussi mues par de tels afflux.
En métaphysique, Épicure et ses disciples renouvellent l'atomisme de Démocrite. Les atomes se trouvent et se meuvent dans un espace vide illimité. Tout l'être s'explique par là. Même l'âme et l'esprit sont définis comme matière. L'âme est une partie du corps et donc mortelle comme lui. Seuls les atomes sont éternels. La genèse du monde s'explique par le principe de hasard, lorsque les atomes, tombant de toute éternité dans l'espace infini, dévient sans cause de leur trajectoire de chute et se heurtent les uns aux autres. Par ce modèle explicatif recourant au hasard, Épicure conteste l'existence du destin que défendaient les stoïciens : il veut émanciper la libre volonté de l'homme face à la toute-puissance menaçante que constitue un destin comme cause inéluctable. C'est la raison pour laquelle il combat aussi les mythes religieux, car l'idée d'un destin et d'une intervention des dieux empêche de jouir de la vie. L'idée sous-jacente, c'est que c'est le plaisir qui détermine la valeur éthique de l'action, et que (homme n'agit que pour le plaisir.
L'éthique, dont les commandements consistent seulement en règles empiriques judicieusement formulées, constitue l'essentiel du système philosophique appelé hédonisme. Dans la perspective d'Épicure, le bien moral n'est autre que le plaisir. Cette doctrine s'oppose donc aux stoïciens, pour qui la vie tend à se conformer à la nature. Ce n’est pas le bien objectif qui est le principe directeur, mais le plaisir subjectif, c'est-à-dire l'absence de douleur et de chocs mentaux, la tranquillité et la sérénité. Mais le plaisir est aussi affaire de sensualité, car Épicure situe dans l'estomac la source de tout bien: la sagesse et tous les élans spirituels se ramènent à lui.
Outre ses traités systématiques, Épicure a laissé de brèves sentences de sagesse pratique, applicables à la conduite de la vie dans toutes les situations. Il a aussi écrit une sorte de catéchisme ramassant, en quarante et une maximes, l'essentiel de sa philosophie. À la base de ces maximes, on trouve la certitude d'être en possession de la vérité et de pouvoir indiquer la seule voie menant à la tranquillité de l'âme. La doctrine d'Épicure est donc une vision du monde très cohérente. L'un de ses aspects essentiels est un «oui» à la vie, dont on ignore les aspects sombres. Même la pensée de la mort ne saurait être un frein, car Épicure enseigne que la mort ne nous concerne pas tant que nous vivons, et que lorsqu'elle intervient, nous ne sommes plus. Cette positivité incite l'homme à jouir du jour présent, mais il s'agit moins d'un insatiable appétit de plaisirs que d'être réceptif aux valeurs de l'existence.
Cette attitude est symbolisée par la déesse Vénus, incarnant la joie de vivre, le charme de la beauté et les délices de l'amour. L'existence elle-même, de par ce qu'elle offre, nous invite à jouir de chaque jour. À cela s'ajoutait l'idéal suprême de modération, car la cinquième maxime du catéchisme dit : « Il n'est pas possible de vivre dans le plaisir sans vivre dans la raison, la beauté et la justice; et il n'est pas possible de vivre dans la raison, la beauté et la justice sans vivre dans le plaisir.»
Stupide est donc celui qui dit avoir peur de la mort non parce qu'il souffrira en mourant, mais parce qu'il souffre à l'idée qu'elle approche. Ce dont l'existence ne gêne point, c'est vraiment pour rien qu'on souffre de l'attendre ! Le plus effrayant des maux, la mort, ne nous est rien, disais-je : quand nous sommes, la mort n'est pas là, et quand la mort est là, c'est nous qui ne sommes pas ! Elle ne concerne donc ni les vivants ni les trépassés, étant donné que pour les uns, elle n'es point, et que pour les autres ne sont plus. Beaucoup de gens pourtant fuient la mort, soit en tant que plus grand des malheurs, soit en tant que point final des choses de la vie. Extrait de Lettre sur le Bonheur (lettre à Ménécée) d'Epicure, éd. Mille et une nuits |
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