LES MAITRES ANTIQUES
mystique ?
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Platon,
Athènes et la mort de Socrate |
Né
dans une famille de la plus ancienne aristocratie athénienne, Platon a dû
devenir disciple de Socrate aux alentours de l'âge de vingt ans, de sorte qu'il
connut, pendant tout au plus les dix dernières années de sa vie, un Socrate
sexagénaire. De par sa naissance et son intérêt pour la chose publique,
Platon aurait dû se lancer dans la politique, mais l'histoire et la
philosophie, ici intimement mêlées, en ont décidé autrement. L'histoire
frappe d'abord, avec la double catastrophe de 404 : Athènes est vaincue par
Sparte et une oligarchie sanglante installe sa dictature dans la cité défaite,
éliminant physiquement tous les démocrates qui n'ont pas fui. Or, parmi les
Trente Tyrans figurent deux membres de la famille de Platon, Critias, qui en est
même le chef, et Charmide, deux personnages que Platon met d'ailleurs en scène
dans ses dialogues, mais sous une tout autre face. Et c'est dans les troubles de
la remise en ordre qui suit le rapide retour de la démocratie qu'aura lieu le
procès de Socrate, scandale d'où naîtra la philosophie. Devant les horreurs
de la tyrannie oligarchique, dans laquelle avait trempé sa famille (mais dont
il était lui-même parfaitement innocent), et l'incapacité de la démocratie
à donner à Athènes une politique cohérente et pacifique, à quoi s'ajoutait
la « bavure » de la condamnation tout à fait légale de Socrate, Platon se détourne
de ses ambitions politiques et va consacrer toute sa vie à faire revivre, dans
ses dialogues, son maître que la cité n'avait pu réduire au silence que par
la mort.
La
politique restera cependant toujours au centre de ses préoccupations puisque,
après avoir écrit La République à l'époque de sa maturité, il mourra en
terminant les Lois, ses deux oeuvres de loin les plus volumineuses. La tentation
politique le surprendra même, lors de voyages en Sicile, où il tentera, sans
aucun succès, de conseiller la dynastie d'autocrates qui régnait à Syracuse.
À
Athènes, Platon fonde, dans les années 380, la première école philosophique,
qui porte le nom d'Académie parce qu'elle se situait dans le quartier dit d'Académos.
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Platon
mystique ? |
S'il
est bien difficile de distinguer la spiritualité de Platon de celle de Socrate
dans la mesure où le disciple adhère à la pensée de son maître, leurs
personnalités sont toutefois très différentes. Alors que Socrate était un
mystique extatique mais solidement incarné, Platon est un intellectuel
aristocrate et raffiné. Il n'a certainement pas connu d'extases, comme son maître,
ce dont il faudrait se garder de conclure qu'il est totalement étranger à
l'expérience du contact avec le surnaturel. Sa remarquable réceptivité à
l'aspect mystique de Socrate (par ailleurs confirmée par le témoignage -
impartial en l'occurrence d Aristophane), qu'on ne retrouve pas du tout aussi
vivante chez Xénophon, signe probablement une connivence profonde.
Il
faut abandonner la conception scolaire qui attribue à Platon une « théorie
des Idées » qui impliquerait un monde d'archétypes où seraient conservés
tous les originaux dont les copies peuplent notre réalité terrestre,
conception explicitement et définitivement réfutée dans le Parménide. Que
sont alors les Idées, ou Formes platoniciennes ? Elles apparaissent dans
l'ordre des valeurs ou de la connaissance : le beau, la justice, la science. La
beauté, la justice et la connaissance ne sauraient se fonder que sur une réalité
transcendante. Le sens, l'harmonie et la vérité ne peuvent résider dans
l'immanence, il faut un ordre supérieur pour les faire exister. C'est cet ordre
qui, tout naturellement puisqu'il est le fondement de la réalité sensible,
constitue la réalité première, la réalité véritable à côté de laquelle
le monde sensible se situe à un niveau ontologique plus bas : il y a moins d'être
dans le sensible que dans ce qui le fonde. Cette réalité première, nous en
avons l'intuition dans l'expérience de la découverte, par exemple dans
l'instant où nous voyons la solution d'un problème de géométrie, mais
l'importance que lui accorde Platon laisse supposer qu'au-delà du caractère
parfaitement rationnel de l'argumentation par laquelle il le pose, il a vécu ce
qu'il figure par un envol de l'âme ou par la sortie de la caverne, c'est-à-dire
probablement un état modifié de conscience dans lequel le sens de toute réalité
semble nous être donné dans une évidence intuitive, état de quasi-vision
donatrice de sens, qui n’est cependant pas une extase.
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