LES MAITRES ANTIQUES
env.
490 avant J. C. Élée - env. 430 avant J. C.
Zénon
d'Élée est désigné comme le disciple préféré de Parménide. Il est le premier d'une longue série
de philosophes qui furent victimes des tyrans. Autour de 450, il se rendit à Athènes avec son maître
Parménide, dont il défendit la doctrine de l'être, oralement et par écrit. Sur son public, où
figurait Périclès, il dut faire une impression inoubliable, car on fut incapable de réfuter ses
arguments.
Pour
étayer la doctrine de Parménide niant le mouvement et la diversité, Zénon recourait à quatre
preuves restées célèbres, qui font de lui le fondateur de l'argumentation dialectique. Sa démarche
consistait à entrer tout d'abord dans les vues de ses adversaires et à en déduire, sur le même
problème, deux conséquences complètement contradictoires, de sorte que ses adversaires étaient
contraints d'abandonner leur argumentation. À Athènes, l'état d'avancement de la logique ne
permettait pas de discerner et de déjouer ce que ces «preuves» avaient de fallacieux. En s'en
prenant à la multiplicité des choses et à la réalité du mouvement dans l'espace, Zénon
corroborait indirectement l'immuabilité et l'immobilité de l'être selon Parménide.
La
première preuve consiste à affirmer qu'il ne peut y avoir de mouvement parce qu'une distance à
parcourir, comme toute étendue, peut se diviser en une infinité de petites parties. Or, dit
Zénon, il est impossible de parcourir un trajet fait d'une infinité de petites parties, car ce
serait prétendre parvenir au terme de quelque chose qui n'a pas de terme, puisque ses parties sont
en nombre infini. Dans sa deuxième démonstration, il explique à son auditoire interloqué
qu'Achille, le coureur le plus rapide de l'Antiquité, ne pourrait jamais rattraper une tortue qui a
pris une certaine avance. En effet, d'ici qu'Achille ait rattrapé cette avance, la tortue a continué
de progresser et se trouve de nouveau en avant, et ainsi de suite : l'écart se réduit entre les
deux concurrents, mais ne pourra jamais être comblé entièrement, de sorte que jamais Achille ne
rattrapera la tortue. La troisième démonstration établit qu'une flèche qui vole ne se meut qu'en
apparence et qu'en en réalité elle est immobile. La preuve en est que, dans son vol, la flèche se
trouve toujours à un certain endroit de l'espace. Or, se trouver à un endroit c'est y être
immobile. La trajectoire pouvant être divisée en une infinité de portions d'espace, la flèche
est immobile dans l'air. La quatrième preuve démontre que le mouvement est une illusion, car deux
corps se déplaçant à même vitesse dans deux directions opposées dépassent un corps immobile
dans l'espace à une vitesse différente de celle à laquelle ils se croisent.
Pour nous ces arguments sont des paradoxes, parce qu'ils confondent la sphère du logique avec Socrate, portrait énigmatique celle du réel. Par exemple, l'infinité de petites portions de l'espace n'a pas d'existence réelle, c'est seulement une façon de penser. La problématique philosophique de Zénon tient à l'idée que connaissance et objet de connaissance sont identiques. De longs débats seront encore nécessaires avant que la philosophie puisse admettre que l'esprit pensant peut fort bien viser tout à fait à côté de l'être et formuler un monde de jeux intellectuels étrangers à la réalité.
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