MAITRE BOUDDHISTE
Milarépa naît au Goungthang, une province du Tibet, proche du Népal, au sein d’une famille de fermiers prospères. Mais la mort subite de son père, alors qu'il n'a que sept ans, fait basculer la famille dans le drame. Les affaires familiales sont confiées aux soins de l'oncle et de la tante paternels et ces derniers n'ont de cesse de déposséder Milarépa, sa jeune soeur et sa mère de leurs biens, les réduisant à la misère et au rang de simples serviteurs. Dès qu'il en a l'âge, sa mère envoie Milarépa apprendre la magie en secret auprès de deux maîtres. Après un an d'entraînement, le jeune homme devient capable de venger sa mère. En faisant s'effondrer la maison de ses oncle et tante sur les convives lors d'un mariage, il provoque la mort de trente-cinq personnes. Puis, en provoquant la grêle, il ruine les champs de ceux qui, dans son village, soutenaient ses parents avides.
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la
rencontre avec le maître : |
Pris
de remords à l'idée des souffrances occasionnées, le jeune Milarépa demande
conseil à l'un de ses maîtres de magie et celui-ci l'envoie vers un maître
nyingmapa du nom de Rongton Lhaga. Celui-ci lui enseigne le Dzogchen ou «
Grande Perfection », mais Milarépa ne comprend pas ses instructions. Voyant
cela, Rongton le recommande aux soins de Marpa Lotsawa. À l'instant même où
il entend prononcer ce nom, Milarépa se sent envahi par la foi et se met en
route. La nuit précédant son arrivée, Marpa fait un songe et sait
l'importance que doit revêtir cette rencontre. Le lendemain, il se rend
aux champs
avec de la bière pour l'accueillir. En arrivant, Mila ne reconnaît pas immédiatement
ce paysan qui sent la bière. Finalement, ce dernier décline son identité et
Milarépa lui répond : « Je suis un grand pécheur de Latö et vous
prie de m'accorder les instructions spirituelles qui mènent â l’Éveil.
» Le maître accepte le jeune homme à la ferme mais refuse de l'instruire. Au
lieu de cela, lui demande d'exercer encore une fois sa magie et, l'affublant du
sobriquet de « Grand magicien », il lui confie la tâche épuisante de
construire une tour à neuf étages. Pour lui permettre de purifier ses actes
antérieurs, Marpa lui fera ainsi bâtir et démolir quatre tours de pierre, et
le dos de Mila se couvrira bientôt de plaies. Six ans durant, il se verra
refuser avec brutalité l'enseignement ayant pour seule consolation le soutien
bienveillant de Dakméma, épouse de Marpa. L'édification d'une cinquième et
ultime tour ôte â Milarépa tout espoir d'être instruit et le jeune homme
songe même au suicide. Contre toute attente, Marpa lui confère enfin
l'initiation. Après lui avoir donné le
refuge et les voeux de bodhisattva, il lui transmet l'initiation de Cakrasamvâra
, puis celle d'Hevajra. Lors du cercle d'offrande de conclusion, Milarépa verra
clairement Marpa sous la forme de ces deux déités. Il recevra les instructions
complètes des six yogas de Nâropa, puis Marpa l'enverra pratiquer en séclusion
complète.
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L'ascèse
dans les ermitages : |
Avant
d'obéir aux ordres de son maître, Milarépa voulut revoir sa vallée et sa mère.
Mais il ne trouva qu'os blanchis et ruines, ce qui renforça en lui le sentiment
de l'impermanence et du renoncement. Vêtu d'une simple robe de coton, le yogi
s'installa dans la grotte du Rocher blanc de la dent de cheval et s'adonna
à la pratique pendant quelques années d'austérité. Mais sa santé
finit par se détériorer. Il reçut la visite de sa soeur Péta et d'une
ancienne fiancée. La bière et la viande qu'elles lui offrirent permirent
certes à Milarépa de retrouver des forces, mais sa méditation en fut troublée.
Se rappelant alors que Marpa lui avait confié un rouleau scellé à n'ouvrir
qu'en cas de nécessité, Milarépa rompit le sceau et lut des instructions détaillées
de yoga permettant de surmonter les obstacles. En pratiquant la chaleur interne,
il fit de rapides progrès dans sa méditation. Puis il changea d'ermitage et se
fixa à Tingri, au sud, avant de se rendre sur les pentes du mont Latchi. Dans
un autre ermitage de montagne, à Tchoubar, il fut interrompu dans sa méditation
par une déesse ayant pris l'apparence d'un démon. Grâce à son pouvoir méditatif,
Milarépa parvint à la subjuguer, et c'est ainsi que Tséringma devint sa
compagne mystique. En 1094, Réchoungpa vint à Milarépa, à peine âgé de
onze ans. Il devait devenir plus tard l'un de ses principaux disciples. Au bout
de neuf ans de pratique assidue dans les solitudes glacées, Milarépa, vêtu
d'un seul vêtement léger de coton blanc, se nourrissant le plus souvent
d'orties au point de verdir, atteignit enfin l'Éveil complet. Tout en
continuant à vivre dans des ermitages austères, il commença à accepter plus
de disciples et sa réputation se répandit à travers le Tibet. Après avoir
vaincu l'arrogance de Réchoungpa, ce fut au tour de Gampopa de rencontrer Milarépa
vers 1111. Ce médecin, dont toute la famille avait tragiquement péri lors
d'une épidémie, avait déjà reçu les enseignements de l'école Kadampa. Sous
la direction de Milarépa, il reçut la transmission de la lignée kagyü ou «
transmission orale » et atteignit la réalisation après dix ans de retraite.
Milarépa avait l'habitude d'enseigner à ses disciples par des chants spirituels.(voir textes)
Seigneur
lama, je vous salue !
Bénissez
le mendiant, qu'il vive au désert.
Tu
t'affliges, ma sœur, de la confusion du monde,
Les
joies et les peines pourtant sont éphémères.
Ta
souffrance actuelle pourrait se transformer,
Devenir
certainement un bonheur durable.
Aussi,
écoute le chant de ton frère aîné !
Avec
gratitude pour tous les êtres qui sont mes parents
Je
pratique la doctrine en ce lieu.
Si
je regardais mon repaire
Je
le prendrais pour celui d'une bête sauvage,
D'autres
s'ils le voyaient s'en indigneraient.
Si
je regardais ma nourriture
Elle
conviendrait mieux aux chiens ou aux porcs,
D'autres
à la voir seraient pris de nausées.
Je
pourrais regarder mon corps réduit à un squelette,
Même
un ennemi à sa vue en pleurerait
Je
pourrais prendre ma conduite pour celle d'un fou,
Ma
sœur en ressent honte et déception.
Je
verrais en mon esprit matière à l'éveil,
Le
Victorieux se réjouirait de me regarder.
La
chair transpercée sur mon lit de pierres froides,
J'ai
fait montre d'endurance.
Dedans,
dehors, j'ai pris la nature de l'ortie,
La
couleur verte ne s'altère pas.
Dans
les grottes désertes Il n'y a rien pour dissiper mon chagrin,
Mais
mon cœur ne se sépare jamais
Du
lama, bouddha passé, présent et futur.
Par
la force de la méditation assidue
Je
ne doute pas de créer des expériences et des réalisations.
Si
vraiment elles apparaissent,
Survient
fortuitement le bonheur en cette vie,
Et
le parfait éveil dans la suivante.
Ainsi,
ma chère sœur Péta,
N'exagère
pas ta peine mi ta douleur,
Je te prie d'accepter les privations pour la doctrine.
Extraits de La Vie, de Milarepa, Coll. Points, série Sagesses, Ed. Le Seuil, 2001
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