MAITRE CHRETIEN
ABBE PIERRE
(Lyon,
1912) Le fondateur de la communauté d'Emmaüs
L'abbé
Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est le cinquième enfant d'une famille de huit. Comme
beaucoup de vieilles familles, les Grouès donnent à Henri une éducation traditionnelle. Son père,
administrateur de société, le met très tôt au contact de la souffrance lorsqu'il lui fait découvrir
l'univers des mendiants qu'il vient épouiller et raser tous les dimanches matin. Au Collège des
Minimes puis chez les jésuites, il se pose déjà des questions sur le sens de la vie. Lors d'une
convalescence à Cannes, il vit des mois d'incertitude quant à la vérité de sa foi chrétienne,
mais après un pèlerinage à Assise, il découvre la vie de saint François. C'est une rencontre
capitale, car elle donne consistance à un « secret » qu'il a déjà confié à son père : il
sera missionnaire. Mais Henri n'ira pas évangéliser en Afrique, il s'oriente vers les fils de
saint François, les capucins. Pour bien affirmer ce désir de servir les autres, il renonce à sa
part d'héritage et la distribue à diverses oeuvres de charité. Ses sept ans de noviciat lui sent
physiquement et moralement pénibles, car les six heures de prières quotidiennes et l'enseignement
très scolaire ne laissent pas beaucoup de place pour la réflexion personnelle.
Le
24 août 1928, il est ordonné prêtre. En 1942, il ouvre les portes de son presbytère aux juifs
traqués. II leur procure de faux papiers et, en bon montagnard, les aide à passer la frontière.
En même temps, il organise le maquis en Chartreuse et dans le Vercors. Recherché par la Gestapo,
il se réfugie à Paris où il participe aux travaux du Conseil national de la Résistance avant de
gagner Alger où il rencontre de Gaulle pour la première fois. Après la tourmente de la guerre et
avec la bénédiction du cardinal Suhard, il devient député. II est élu candidat libre en
Meurthe-et-Moselle, puis il démissionne lors de la répression d'une grève des ouvriers du bâtiment
à Brest. Au cours de son mandat, il dépose une proposition de loi visant â reconnaître
l'objection de conscience et il se prononce pour la création d'un gouvernement mondial seul capable
à ses yeux de garantir une paix durable. Toujours en 1947, du côté de la banlieue est de Paris,
à Neuilly-Plaisance, s'ébauche l'épopée des Chiffonniers d'Emmaüs. L'abbé Pierre a en effet
trouvé une grande maison dans un parc où il accueille les sans-abri.
Lors
de l'hiver 1954 particulièrement rude, il lance son célèbre appel : « Mes amis, au secours... »,
afin d'aider les sans-logis. Ce cri déclenchera en quelques heures une vague de solidarité sans précédent
qui demeurera dans les mémoires sous le nom d'« Insurrection de la bonté ». Quelques jours plus
tard, le Parlement réuni en session extraordinaire votera des crédits dix fois supérieurs à ceux
qu'il refusait un mois plus tôt. Après des mois d'omniprésence dans les journaux, une longue
hospitalisation suivie de nombreux voyages à l'étranger font figure d'une sorte de traversée du désert.
Au sens propre, c'est au Sahara qu'il va se réfugier durant trois mois, dans l'ermitage du père de
Foucauld à Beni-Abbès.
Pour
l'opinion publique l'abbé Pierre a disparu de la scène. Après avoir fondé et fait grandir la
communauté des « Compagnons d'Emmaüs » qui rayonne désormais dans le monde entier, il reste
l'animateur du mouvement et continue sa croisade inlassable pour faire entendre la voix des plus
pauvres. Mais aujourd'hui, comme il a commencé sa vie dans l'austère solitude d'un couvent de
capucins, il entend la terminer dans la paix bénédictine. C'est en Normandie, à Saint-Wandrille,
qu'il se réfugie un mois sur deux, dans le silence et la prière, alors qu'en Suède, l'Académie
Nobel débat de l'attribution du prochain prix pour la Paix.
Emmaüs
ou venger l'homme en aimant, Bernard Chevalier interroge l'abbé Pierre, Éd. du Centurion,
Paris, 1979.
Pierre
Lunel, L'abbé Pierre, l'insurgé de Dieu, Éd. Stock,
Paris, 1989.
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