AUTRE MAITRE
Mencius,
grand penseur et polémiqueur du IVè siècle avant J.C., reconnaît pour seul maître Confucius et
va poursuivre ses enseignements sur la place active de l'homme dans le monde. II développe une théorie
du bon gouvernement par la vertu et la bienfaisance et prône une politique où les qualités
peuvent s'épanouir grâce à l'éducation et à une économie prospère. II n'impose pas la morale
de l'extérieur, mais la déduit d'une inclination propre à l'homme et la présente comme une évidence.
Dans un des passages les plus célèbres de son œuvre, il décrit la réaction instinctive face à
l’ « intolérable », un enfant tombé dans un puits et qui ne manquera pas d'être
sauvé. II montre comment le cœur est le réceptacle où le Ciel, source et principe des valeurs
morales, a mis ces quatre vertus que sont l'humanité, le sens du juste, celui du rituel et le
discernement. « L'excellence du cœur » n'est pas innée, elle résulte de la culture de germes de
bonté, comme la semence profite d'un sol fertile et de la clémence du climat ; il s'agit moins de
corriger sa nature ou de l'améliorer que de promouvoir et de développer jusqu'au bout les
virtualités positives qui sont en tout homme et qui relient aux autres et au monde. L'éclosion de
la sagesse doit être naturelle, elle n'est pas hors de la nature mais, à l'inverse, s'identifie à
son renouvellement permanent. L'oublier reviendrait à connaître la mésaventure de l'homme de Song
qui, à vouloir aider ses pousses à lever, les a arrachées et les a vues se faner (Mencius, II,
A2).
Extrait
de Le Livre des Sagesses sous la direction de Frédéric Lenoir et Ysé Tardan-Masquelier,
article de Christine Barbier-Kontler.
Texte de MENCIUS
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L' « intolérable
» et les germes d'humanité selon Mencius |
Mencius
dit : Tout homme a un cœur qui réagit à l'intolérable. [...] Supposez que des gens voient
soudain un enfant sur le point de tomber dans un puits, ils auront tous une réaction d'effroi et
d'empathie qui ne sera motivée ni par le désir d'être en bons termes avec les parents, ni par le
souci d'une bonne réputation auprès des voisins et amis, ni par l'aversion pour les hurlements de
l’enfant.
Il
apparaît ainsi que, sans un cœur qui compatit à autrui, on n'est pas humain ; sans un cœur qui
éprouve la honte, on n'est pas humain; sans un cœur empreint de modestie et de déférence, on
n'est pas humain; sans un cœur qui distingue le vrai du faux, on n'est pas humain. Un cœur qui
compatit est le germe du sens de l'humain; un cœur qui éprouve de la honte est le germe du sens du
juste; un cœur empreint de modestie et de déférence est le germe du sens rituel; un cœur qui
distingue le vrai du faux est le germe du discernement. L'homme possède en lui ces quatre germes,
de la même façon qu'il possède quatre membres. Posséder ces quatre germes et se dire incapable
[de les développer], c'est se faire tort à soi-même ; en dire son prince incapable, c'est faire
tort à son prince.
Livre
de Mencius, II, A, 6, traduction Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Éditions du
Seuil, 1997, p. 161-162.
Lorsque le Ciel veut imposer à quelqu'un une grande charge, auparavant il abreuve son cœur d'amertumes, soumet à la fatigue ses nerfs et ses os, livre au tourment de la faim ses membres et tout son corps, le réduit à la plus extrême indigence, contrarie et/ou renverse toutes ses entreprises. Par ce moyen, il réveille en lui les bons sentiments, fortifie sa patience, et lui communique ce qui lui manquait encore.
Extrait de la revue Histoire et Science des religions n°2 (janv. 2004)
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